mercredi 29 avril 2020

Contre une vie séparée

En cette incroyable période, je pensais, un peu naïvement sans doute, que rien ne pourrait plus me surprendre, mais là je viens de tomber de ma chaise! Un reportage diffusé au journal de 20 heures d'une chaîne publique présentait ce soir, en la jugeant "intéressante" dans la perspective de la fin de la période de confinement et la reprise du travail, l'initiative d'une entreprise française proposant d'équiper les salariés d'une alarme individuelle leur permettant de s'assurer que la distance physique sera bien respectée entre eux! Son porte-parole indiquait qu'ils auraient déjà reçu commande de plusieurs milliers d'alarme portative. Quelle sera la prochaine étape ? La généralisation à tous les citoyens, avec une notation sociale, comme cela se fait déjà en Chine, à la clé ? Des bons points distribués, sous forme de promotion, à ceux qui auront su maintenir une certaine distanciation sociale, comme une prime à l'éloignement ? Et quelle sanction frappera celui ou celle qui s'approchera d'un peu trop près de ses collègues, de ses voisins, de ses amis, de sa vieille mère, de son ou de sa chérie, de ses enfants ? Des licenciements sont-ils à craindre dans un futur proche pour cause de "proximité intempestive" ? Des amendes à raison de "flirt trop appuyé" ?  La prison pour un câlin ? Je suis simplement atterré...

On dit parfois que comprendre rend l’esprit paresseux. Il m'arrive, lorsque j’ai l’impression que je suis sur le point d’atteindre à tel ou tel sujet et encore davantage peut-être lorsque cette compréhension est le fruit d’une démonstration au caractère logique ou presque mathématique, de renoncer et, au contraire de me contenter de m’en tenir à l’idée rassurante que j’aurais compris quelque chose, de persister à questionner et douter. Je me défie autant des théories que des dogmes et si une question m’apparaît presque indiscutable tant elle aura été argumentée, justifiée, démontrée, je me méfie, j’hésite et le doute n'en est même que renforcé, agissant comme un carburant, un encouragement à penser davantage. Alors je me pose de nouvelles questions, j’élargis l’angle, je (me) retourne, je change simplement de point de vue, quitte d’ailleurs à finalement revenir au résultat initial. C’est en cela que mon doute ne peut en rien s'assimiler à une forme quelconque de complotisme. Je ne crois pas à l’intervention d'une main secrète et occulte qui agirait dans l’ombre, simplement je me pose des questions, tant je me méfie des dogmes, et je pense qu’il n’y a pas de vérité unique encore moins définitive, même scientifiquement démontrée.

Il m’arrive de parfois faire miens les principes de l’analyse systémique qui considère toute vérité comme relative, promeut une vision holistique, adopte l’idée de causalité circulaire et de complexité, et se fonde très largement sur le structuralisme.

Pour en revenir à l'actualité immédiate, bien sûr le confinement a eu la vertu première de sauver des vies mais il est grand temps de se poser, enfin, la question comparée du bénéfice attendu pour chacun, à court terme, et des risques générés pour l'ensemble de notre société, à moyenne et plus longue échéance, pour embrasser l'idée que la vie est une somme de hasards, une suite d'aléas et de choix aux conséquences qui échappent le plus souvent à toute maîtrise, accepter enfin d'oser et de recommencer à vivre. Car quoi ? On voudrait nous faire accroire que l'existence pourrait être plus belle si elle était moins risquée ? Mais vivre n'est-ce pas accepter, comme une simple donnée, que tous, un jour, nous allons mourir ? Il y a certainement moins de péril à rester enfermé chez soi, isolé du monde et des autres, mais, comme le dit l'adage populaire, l'aventure n'est-elle pas au coin de la rue ? Renouons avec le risque, un risque maîtrisé, un risque conscientisé, mais acceptons de vivre! Une vie différente, peut-être, mais la vie ! Rien moins.

Les anxiogènes mises en garde de la faculté, autant que les martiales injonctions gouvernementales, n'y changeront rien, en ces instants où chacun, dirigeant politique comme sommité scientifique, ne paraît plus mû que par le désir de nous (sur)protéger (pour mieux se protéger lui-même ?). Je sais bien que gouverner c'est prévoir mais, dans les considérants des décisions prises et annoncées ces jours-ci, la somme cumulée des effets d'une pandémie provenant d'un virus inconnu, d'un principe de précaution érigé au rang de norme constitutionnelle, la transparence comme un nouveau dogme et des possibilités d'action offertes à tous par une société de plus en plus judiciarisée semble malheureusement plus agir comme la source d'une sourde peur pour l'élite d'éventuels contrecoups, demain, des choix d'aujourd'hui, que comme un stimulant pour la prise immédiate de décisions simples, équilibrées et compréhensibles. Les conséquences en matière de santé publique, d'un usage régulier du tabac ou de la consommation d'alcool sont beaucoup plus dangereuses et mortifères que la circulation du Covid19 et, pourtant, nul de nos gouvernants ne songe sérieusement à en prohiber la consommation ou à en interdire le commerce. Nous devons accepter que la vie repose sur un équilibre qui possède, en lui, une dynamique qui le rend, par nature, instable. Oui, la vie est incertaine et dangereuse. Devons-nous pour nous en prémunir, renoncer à vivre ? Êtres sociaux par définition, pouvons-nous vraiment, au nom d'une prophylaxie devenue doctrinaire, accepter l’idée, sans renoncer à ce que nous sommes, de devoir nous contenter désormais (et pour combien de temps ?) d’une vie cloisonnée, d’une existence distanciée, d’une vie séparée ? Je te le dis tout net, ami lecteur: je m'y résous de moins en moins.

vendredi 24 avril 2020

Aporie en période de pandémie

Plus que d'habitude, il me semble qu'en ce moment le monde se répartit en deux catégories aux contours bien distincts : Ceux qui savent tout sur tout, et réciproquement, et qui l'affirment haut et fort, et puis ceux, auxquels j'ai la prétention d'appartenir, qui ne savent pas grand-chose sur presque rien, ou le contraire, mais qui se taisent ou qui chuchotent...

Pourtant, je reconnais qu'il m'est déjà arrivé d'affirmer ici-même que ça n'est pas parce qu'on avait rien à dire qu'il fallait fermer sa gueule. Alors..? Alors, comme l'a si bien chanté le très nobelisé Bob Zimmerman, les temps changent, et dans le domaine de la statistique, avec cette pandémie on a, je crois, atteint le record, absolu et toutes catégories, de conneries proférées à la minute. Autant de bêtises affirmées avec force, jour après jour, par nombre d'auto-proclamés "experts", d'autant plus sûrs de leur fait que leur "expertise" est bien souvent totalement improvisée sur l'instant, et  qui, eux, savent, évidemment... Alors, pour une fois, j'apprécierais que ceux qui n'ont rien, mais alors strictement rien à dire, la ferment !

Les premiers, ceux qui squattent les plateaux télé, les ondes radios, les réseaux sociaux en tous genres, les tribunes, les estrades, les journaux et les magazines imprimés d'où ils pérorent et prétendent faire l'opinion, quitte même à se contredire, d'un jour l'autre, sans pour autant jamais prendre le temps ou la distance nécessaire pour se questionner, voir, soyons fou, se remettre en question. Et puis les autres, tous ceux qui n'ont surtout pas la prétention de savoir et qui assument, comme je le fais, le caractère aporétique, mais discret, de leur démarche. On a le droit, si l'on ne cherche pas à imposer ses opinions aux autres, d'être parfois aux prises avec les contradictions de sa pensée. L'aporie peut même apparaître parfois comme une forme salutaire de doute.

Et dans le registre aporétique, je souhaite te livrer, mais uniquement, et tu comprendras aisément pourquoi, à titre d'illustration, la réflexion suivante qui m'est venue tantôt : "Tous les médecins se trompent tout le temps. Le professeur Raoult a raison..." Mais celle-là j'aurais peut-être dû la garder pour moi, tant certains sujets sont aujourd'hui si chauds que celui qui se risquerait à les aborder pourrait bien finir par s'y brûler. Comme l'a si justement écrit Cioran, nous sommes sans-doute entrés dans l'un de ces moments où l'"on ne peut rien dire de rien".

En période de pandémie, de partager tes réflexions aporétiques tu te garderas. So long, friend!

mercredi 22 avril 2020

A vouloir tout voir : ne plus rien comprendre ?

Cher lecteur, peut-être comme moi es-tu surpris, et même parfois sidéré de l'augmentation sans cesse croissante d'images, plus ou moins drôles, à l'origine plus ou moins certaine, aux visées plus moins obscures, à l'intention plus ou moins bienveillante qui, chaque jour, nous parviennent via les réseaux sociaux ou la télévision. Je voudrais aujourd'hui aborder avec toi la force évocatrice de l’image. Et, l’idée que, la carte n’étant pas le territoire, chacun peut très différemment interpréter ce qu’il voit, ou, pourrait-on dire, ce qu'il croit voir.

A titre d’illustration (Si! Si!...) je vais commencer par essayer de te décrire une image proposée par Jean-Paul Sartre dans la Nausée : On y aperçoit, nous dit-il, plusieurs femmes agenouillées devant un homme qui boit du vin... Essaye maintenant, sur la base de cette description succincte, de t'en faire une représentation. Que vois-tu ? Image immorale ? Chromo à connotation sexuelle ? Évocatrice de quelque érotique perversion ? Ça n’est pourtant absolument pas d’un instantané coquin pris dans le salon d'un bobinard d' avant-guerre dont s’agit, mais, plus simplement, d’une photo prise dans une église, au moment de l'Eucharistie, pendant la messe dominicale.

Comment pouvons-nous, à la simple description qu'on nous livre d’une scène, nous faire une représentation aussi proche que possible de la vérité ? Suffit-il pour comprendre le sens d’une image qu'on nous la  décrive ? Peut-on simplement analyser à partir d’un témoignage ? Oui, les images, quel que soit leur type, ont forcément quelque chose à nous apprendre, mais méfions-nous de ce que nous pouvons croire qu’elles nous disent... Chaque message a son propre langage, avec ses codes, et a toujours une ou plusieurs fonction(s): communiquer, convaincre, persuader, critiquer... Le monde est à l'image de l'idée que nous en avons.

On enseigne aux plus jeunes que, pour analyser une image et avant de dire ce qu’on en pense, il convient dans tous les cas, de:
  • Décrire le plus objectivement possible (en exposant ce que l'on voit, de façon la plus claire, et, surtout, en se gardant de toute interprétation, à ce stade);
  • Contextualiser (ce que l'on sait du contexte de l'image en question);
  • Interpréter et, le cas échéant, critiquer (en évoquant ce qu'on peut en déduire ou les pistes de compréhension qu'on peut en avoir).
Alors, en cette période où plus que jamais peut-être, nous pouvons, véritablement, nous sentir en bien des occasions, comme « assaillis » par la présence continue d’images diffusées sur les réseaux sociaux où les chaînes info, sans filtre aucun, ni pédagogie, il convient d’y réfléchir à deux fois avant de les interpréter et de nous efforcer encore davantage d'exercer notre sens critique. Gardons-nous surtout de (re)diffuser des images qui nous sont présentées comme des informations, que nous croyons comprendre mais dont, finalement, nous ne connaissons pas grand-chose. 

Au-delà de l'image, élargissons notre réflexion à l'information en général. La société de l'information qui s'est peu à peu installée au cours du siècle passé, serait-t elle en passe de devenir, en ce moment plus que jamais sans doute dans l'histoire de l'Humanité, celle de la désinformation ?

A ce stade, je te propose que nous fassions, ensemble, un petit exercice. Avons-nous, récemment, relayé une image dont ne connaissions ni l'origine ni le contexte, et que nous aurions même bien été en mal de décrire précisément ? Au fond, le plus important dans la communication n'est-ce pas d'entendre ce qui n'est pas dit, de voir ce qui n'est pas montré ? Pour nous aider à filtrer les messages qui nous parviennent et, quelle qu'en soit la forme, avant de les répéter et de les propager, il existe une méthode simple, efficace depuis trois millénaires: le filtre de Socrate. En réponse à quelqu'un venu lui rapporter une information sur l'un de ses amis, le philosophe posa trois questions:
  • "As-tu vérifié si ce que tu veux me raconter est vrai ?"
  • "Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?"
  • "Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?"
Ce que dit Socrate c'est que, sous réserve de s'être d'abord assuré de la fiabilité d'une information et d'en avoir analysé l'intentionnalité, il convient de s'interroger sur son utilité. Car il faut toujours prendre garde qu'à toujours vouloir en (sa)voir davantage, nous prenions le risque d'un jour ne plus rien comprendre. Accumuler des savoirs, parfois inutiles, souvent futiles, au risque de perdre toute chance d’accéder à une forme de sagesse ? Oublier, peu à peu, les savoirs acquis, fruits de la perception de nos sens accumulés au fil du temps, n'est-ce pas, au contraire, le plus sur chemin vers la vraie Connaissance...

jeudi 16 avril 2020

La bile, ou ce qu'on se fait quand on pense qu'on ne peut rien faire

Pour répondre à la menace virale, la solution unique d’un confinement strict n’est évidemment pas envisageable dans la durée, tant elle annonce, à relatif court terme, des dangers  réels pour l'équilibre de nos économies. Il n’est pas non plus envisageable qu'on puisse longtemps laisser perdurer la distanciation sociale, tant elle porte en elle les germes de difficultés encore à venir, à la fois d'ordre très intimes autant que sociales et, d'une certaine façon, pour des raisons psychologiques et même d'hygiène mentale.

Bientôt, je l’espère, la pandémie ne sera plus qu'un (très) mauvais souvenir et, avec elle, nous aurons laissé derrière nous cette curieuse époque qui a vu s'imposer une forme dérangeante de "médicalisme" (j'emprunte le mot à André Comte-Sponville), un temps hors du temps où nous aurons été les témoins de l'émergence de ce qu'on pourrait qualifier de "médicostructure". Le moment sera alors venu de faire un bilan et, je l'espère, de tirer quelque enseignement de l’étrange constat d'impuissance mêlée d’improvisation généralisée, du politique au scientifique, dont nous faisons aujourd'hui la quotidienne et cruelle expérience. Et sans doute, notamment, d’interroger la façon dont le virus et la maladie auront été différemment abordés. Quel prix sommes nous prêts à payer en échange d'une - toute relative - garantie de mourir en bonne santé ?

Cette crise nous aura clairement mis face à l’incapacité grandissante de nos sociétés dites avancées à faire face à la souffrance, à la maladie et à la mort et à vouloir trouver, dans la science, une manière de réassurance venant, en fin de compte, questionner l'impossible auquel nous sommes confrontés à simplement accepter notre fragile condition d'être mortel. Le risque, et la nécessité d'y faire face et de s'adapter ne sont-ils pas le moteur même de la vie ?

Heureusement, le temps du confinement des corps n’est pas celui du confinement des esprits et l’on peut même dire que, d’un certain point de vue, la contention qui nous est imposée aura peut-être contribué à sa manière à une forme de libération de la pensée. D’un point de vue épistémologique, on a le droit et même le devoir de questionner la science. La médecine, tout particulièrement, qui n’est pas une science exacte et qui avance toujours, à plus ou moins grands pas, en tâtonnant, par essais, par hypothèses, par tests et qui doit, pour la première fois, étaler l’improvisation et l'adaptation permanente qui sont la norme de cet art face à une épidémie majeure, en étant à chaque instant regardée, scrutée, observée par toute une société, en temps réel. Tout autant dans les services d’urgence que dans les laboratoires de recherche, la transparence aura été de mise. A telle enseigne qu'on peut se demander s'il convenait vraiment de tout dire, tout montrer, alors même que les images, parfois douloureuses, la répétition d'un discours, souvent inquiétant car difficilement accessible au plus grand nombre, et, l'étalage des querelles entre "sachants" portent en eux-mêmes, pour les plus fragiles ou les moins avertis, les germes du doute et de l’anxiété ?

Bien des tabous sont tombés, au nom du droit à l'information, ou plus exactement du droit d'informer. Oui, mais jusqu'où ne pas aller trop loin ? Imagine-t-on que, demain, notre société pourra continuer à vivre en acceptant que, chaque soir, un fonctionnaire à la mine grise vienne à la télé tenir le macabre bilan comptable du nombre de morts du jour ? Penses tu sincèrement, ami lecteur, qu'on supportera, durablement, la diffusion en boucles des images dramatiques et visibles de tous, y compris des plus jeunes, de services d'urgence et de salles de soins intensifs ? Devons nous nous résigner définitivement à ne plus vivre que dans la peur, et à la transmettre, sans précaution aucune, aux générations qui nous suivent ? Si l'on a pris le parti d'interdire aux enfants de moins de quinze ans l'accès à ces services hospitaliers, est-ce par hasard ? le téléspectateur réclame, chaque jour, son terrible cocktail d'images et de sensations, mais pouvons nous, devons nous vraiment accepter de vivre comme çà ? Nous ne sommes pas immortels! Est-ce réellement une information ? Si la mort s'est brutalement rappelée au (mauvais) souvenir de tous, elle ne doit pas l'emporter sur la pulsion de vie qui, seule, devrait nous animer. N'oublions pas que ce qui fait de nous des mortels, c'est que nous sommes d'abord des êtres vivants. 

Entre une société qui cache, parce que l'idée même lui en est devenue insupportable, toute image non esthétisée ni intellectualisée de la mort, et, un monde du tout-à-l'image où tout serait dit, montré, débattu à l'envie, sans filtre et sans nuance, ou même, et surtout, le plus sombre et bouleversant s'étalerait en permanence aux yeux de tous, que choisirais tu ? Le Dark Net de l'existence est-il en passe de devenir notre seule et unique référence ? Pourtant, il y a tant à faire. Souvenons nous de vivre, d'aimer, d’être heureux, et d'espérer! Et ne laissons surtout pas s'installer l'idée que nous ne pourrions plus rien faire, c'est le meilleur moyen pour que nous fassions moins de bile.


dimanche 12 avril 2020

Rien de moins

Plus d'une fois j'ai entendu, lorsque je séjournais enfant chez elle, ma chère grand-mère me dire : « Arrête de te regarder dans la glace, tu vas finir par la déformer! » Sans percevoir totalement le sens de cette phrase mystérieuse, je comprenais alors que j’avais passé trop de temps devant le miroir, tout occupé que j'étais à chercher d’hypothétiques taches sur mes vêtements ou à remettre une mèche de cheveux en place... 

Aujourd'hui, la signification profonde de cette phrase m’échappe encore. En creusant davantage le filon de ma mémoire, il me revient qu’au fond ça n’est pas ma grand-mère elle-même que j’entendais mais bien plutôt le reflet, déformé, que j’apercevais d’elle dans le miroir qui s'adressait alors à ma propre imitation. Car c’est bien notre image, reflétée, qui est déformée, pas la glace elle-même. Alors, comment se pourrait-il que du seul fait de s'y mirer, elle eut pu finir par être dénaturée par la force agissante d'un simple regard ?

Une autre de ses expressions favorites était : « Tu vas user le miroir à force de t’y regarder! » Au-delà de la référence à un acte tout autant narcissique que vain, que dit cette phrase à la teneur toute teintée de surréalisme ? Le regard appuyé aurait-il le pouvoir de déformer la matière, une force suffisamment puissante pour corrompre la plaque de verre, noircir la couche d'argent ou d'aluminium et altérer le tain ? Cette injonction grand-maternelle était-elle la simple interpellation de mon juvénile narcissisme ou le reflet d'une crainte chez elle plus profonde, comme une manière d'écho à d'anciennes croyances superstitieuses en des pouvoirs magiques intrinsèques de l'objet, ou, qu’à trop être sollicité le miroir s’use au point de se déformer et, partant, de modifier encore davantage le reflet par lui renvoyé à celui qui s’y mire ? Comme une lointaine résonance, même inconsciente, à la crainte ancestrale du miroir des sorcières à qui l'on attribuait des pouvoirs magiques et que, à une époque encore très empreinte de superstitions, certains maîtres, défiants, faisaient croire à leur domesticité qu'il avait le pouvoir de leur permettre de les surveiller à distance, voir même d'emprisonner leur âme. 

Ce que ne percevait en tout cas pas ma grand-mère c’est que ces psychés qu’elle craignait que j’use a trop les solliciter et qui, il est vrai, étaient parfois mes maîtres, se comportaient pour moi le plus souvent comme des conseillers, agissant presque en amis pour l’enfant que j’étais alors. Ils manifestaient, je crois, une certaine représentation de ma tendance à beaucoup intérioriser. Tour à tour, le miroir m'aura permis de renforcer ma confiance en moi en explorant la part flatteuse du reflet, tout comme il m’aura fourni une manière de support à une réflexion introspective pour chercher, au plus profond, à percer à jour la face cachée de mon âme. Fort heureusement, au contraire de Roquentin, le personnage de Sartre, je n’ai jusqu’à présent jamais été pris de nausée face à mon reflet et je n’ai pas eu à mettre en pratique le précepte d’un mien ami : « Si tu ne peux plus te voir, ni te sentir, va te faire sentir par les autres! »

De temps à autres, à Cely,  il m’arrivait aller dans la chambre de mes grands-parents où les deux armoires à glace qui renfermaient tout le linge de la maison se faisaient face et permettaient, par le jeu des reflets, une mise en abîme qui me procurait une sensation presque ressentie de chute vertigineuse. Elle me donnait alors une espèce d'idée du vide et de l’infini. L'univers étrange tout autant qu'hypnotique où mon reflet se multipliait, comme dans ces images de mandalas psychédéliques, provoquait une agréable distorsion du temps et de l'espace. Les miroirs, en face-à-face, agissaient alors presque physiquement comme des portes ouvertes sur un autre univers dans lequel l'illusion de la réalité, s'insérant dans son propre reflet, se répéterait à l'infini. Les miroirs, quels qu'ils soient, m'ont toujours donné le sentiment qu'ils cachaient des portes, des sas entre ce monde et d'autres, et qu'on pouvait, pour peu qu'on en trouve le moyen, les traverser pour aller voir au-delà ce qui s'y passe.

En y repensant, ici et maintenant, ces miroirs m'ont très tôt enseigné une manière très ludique d'aborder l'idée qu'il ne saurait y avoir de réalité unique, mais bien que c'est l'angle de vue et la manière de voir qui donnent un reflet, une illusion de la réalité. Ou, pour le dire autrement que nous appréhendons la vie à travers un prisme et qu'il y a d'une part notre vérité mais aussi celle du miroir que, souvent, nous présente le regard de l'autre, et puis aussi celui de notre mémoire qui, elle-aussi, à sa façon, déconstruit pour mieux la recomposer la réalité de notre propre histoire. Rien de moins.

samedi 11 avril 2020

Ne rien se souvenir de ce qui fait un homme

"Comment un homme prisonnier dans la toile de la routine peut-il se souvenir qu'il est un homme, un individu distinct, qui se voit accorder une seule occasion de vivre, avec des espoirs et des déceptions, des douleurs et des peurs, avec le désir d'aimer et la terreur de la solitude et rien ? "1

Pour commencer mon petit libelle du jour, je prends la liberté de citer l'écrivain et psychanalyste américain Erich Fromm. Ancien membre de la Société Psychanalytique de Vienne, il fut l'une des figures de l'école psychodynamique américaine mettant en avant l'interaction de l'individu avec le groupe social. Ce très beau passage m'a semblé faire particulièrement écho à la situation inédite et terrible que notre monde traverse. Avons-nous encore le souvenir de ce qui fait de nous des hommes ?

Pour revenir à notre actualité du moment, les médias en ligne titrent aujourd'hui tous sur une baisse record du nombre de blessés et de tués sur les routes en mars. Wouhaaa ! En voilà de l'info, et de la chaude! Les français ne peuvent plus rouler au volant de leur auto, la violence routière a diminué! Bon, alors, comment dire ? On nous prend pour des neuneus ou ce sont eux les cons ? Le confinement, et, par voie de conséquence, l'interdiction de circuler a même, selon un très officiel communiqué du Ministère de l'intérieur, "bien évidemment fortement réduit l’ensemble des déplacements". Non ? Vrai ?... Allez, je te fais une petite prédiction : Mon petit doigt me dit que les quatre dernières semaines, et ce sera tout particulièrement  vrai pour les jours des départs en vacances et le weekend pascal, auront également connu un record de diminution du nombre de kilomètres de bouchons routiers, et même sans-doute comme jamais depuis les années 70!

Dans le même temps, des journalistes très sérieux (si! si!...) nous enseignent que les grands excès de vitesse enregistrés pendant la première semaine d'avril sont marqués par une hausse spectaculaire par rapport à la dernière semaine avant le confinement. Tiens donc... Empêchés qu'ils sont de circuler librement, certains, espérant peut-être, en forçant l'allure, échapper aux contrôles de leur laisser-passer par des pandores aux aguets ou grisés par la fluidité de voies rapides dépeuplées comme elles ne l'ont jamais été, auraient un peu trop appuyé sur le champignon et... se seraient fait prendre alors, mais pour excès de vitesse.

Il est, depuis plus de quatre semaines, expressément interdit de circuler et... il y a moins de circulation ! Jolie Lapalissade! Et tiens, puisqu'on évoque la mémoire du seigneur de La Palice, ses vérités d'évidence un peu niaise et ses truismes en tous genres, la période est propice pour rappeler ce couplet de "La chanson" que l'Académicien et poète Bernard de la Monnoye lui a consacré, tant il entre en résonance avec l'actualité de trop nombreux de nos semblables et les débats sans fin de la Faculté sur l'hypothèse d'un traitement curatif :

"Il consultait rarement
Hippocrate et sa doctrine,
Et se purgeait seulement
Lorsqu’il prenait médecine"2

En guise de conclusion à cette petite errance du jour qui nous aura conduit, par les chemins détournés et curieux d'une libre association dont la logique reste inaccessible à l'auteur confiné, d'un Maréchal de France du Quinzième siècle à un sociologue et psychanalyste marxiste du Vingtième, je livre à ta réflexion, cher lecteur, cette très belle citation de Fromm dont nous pourrions sans doute nous inspirer en cette conjoncture si particulière : "La tâche à laquelle nous devons nous atteler, ce n'est pas de parvenir à la sécurité, c'est d'arriver à tolérer l'insécurité." 


1 - Erich Fromm - "L'art d'aimer" (1957)
2 - Bernard de la Monnoye - La chanson de La Palice (Début du XVIIIème siècle)

jeudi 9 avril 2020

En rien désirable

Ce petit texte, je le sais, n’aura rien d’original aux yeux de beaucoup, mais il m’importait de l'écrire. 

Déjà quatre semaines de vie confinée... Beaucoup réalisent que c'est long et plus difficile qu'ils ne le pensaient, le confinement. Et maintenant, certaines autorités scientifiques nous expliquent qu’il faudrait, pour l'avenir, modifier nos habitudes culturelles et envisager de tous devoir nous comporter désormais comme le font, depuis longtemps, les japonais, mais en pire : ne plus d’approcher à moins d’un mètre, ne plus se faire la bise, ne plus se serrer la main, porter un masque dès qu’on sort de la maison; renoncer, mais pour combien de temps encore, au bistrot, au restaurant, à simplement se retrouver entre amis; maintenir - ad vitam aeternam - la, désormais trop fameuse, distanciation sociale (?). Et, se fréquenter, séduire, embrasser, étreindre, caresser, baiser, on pourra encore ? C'est bien vite oublier, ou feindre de le faire pour la facilité de l'argument, que l'homme est d'abord un être social. Imagine-t-on un monde d'anachorètes ?

J’entendais hier soir sur le plateau d'une chaîne d'information des épidémiologistes et des infectiologues qui nous annonçaient une longue période de « stop and go » et affirmaient, doctement, que la maladie était là pour durer, que le virus ne disparaîtra pas, que rien ne permettait à ce stade d'imaginer à court terme une amélioration sur le front thérapeutique et que c’est notre mode de vie qui devra changer. 

Des "parcours clientèles" dans les commerces, autant dire des marquages au sol pour s'assurer que plus personne ne s'autorise à sortir de la ligne, un "traçage" électronique généralisé, autant dire la fin du principe fondamental qui garantit la liberté individuelle et l'intimité de chacun, des sens uniques, des sens interdits, des heures de sortie autorisées et encadrées dans leur durée, d'autres où l'on ne pourrait plus sortir du tout... Que nous réserve l’étape suivante ? Une police de robots, de capteurs et de drones pour encore mieux nous surveiller ? Big brother, en encore plus horrible ? Paradoxe d'une multiplication d'interdits sociaux dans un monde désocialisé! Avec toujours plus de proscriptions en tous genres et, à la clé, toujours plus de frustration, vers quelle sorte de monde psychotisant allons-nous ?

J'ai beaucoup de mal à simplement envisager que nous nous dirigions vraiment vers ce monde de zombies, isolés et anxieux, avec, suspendue en permanence au-dessus de leurs têtes, une épée de Damoclès avec laquelle il faudrait apprendre à (ne plus) vivre. Même les pires scenarii des cauchemars dystopiques des auteurs de science-fiction sous acide que je lisais dans les années soixante-dix seraient alors dépassés. Quoi ? Un monde sans aucune interaction sociale, sans rencontre, sans échanges rapprochés et tactiles. Un monde sans aucune proximité possible ? Une vie distanciée ? Une vie « à distance » ? Un monde sans vie ? Tenir la vie à distance, n'est-ce pas l'un des signes cliniques de la Psychose ?

Alors, nous préparons-nous une société de psychotiques paranoïaques ? Un monde dans lequel chaque individu, tenu de plus en plus éloigné de l'autre, placé contre son gré dans une forme imposée et durable d'exil intérieur, aura, chaque jour d'avantage, l’impression de ne « pas être comme les autres », d’être à l’écart, coupé du groupe et de ses semblables. N'y a-t-il pas un risque alors que chacun se sente de plus en plus étranger, égaré dans un monde qui n’est pas fait pour lui ? Et, dans le même temps, le caractère anxiogène du discours ambiant ne risque-t-il pas de voir se développer une méfiance généralisée, une sensation de menace permanente et un sentiment de persécution qui confineraient à la paranoïa ? Après avoir été les stars involontaires des plateaux TV, les urgentistes, les infectiologues et les immunologistes céderont-ils demain leurs places à des débats entre psy ?

En ce qui me concerne, une chose est en tout cas certaine, je ne souhaite en rien voir advenir ce "meilleur des mondes" d'après qu'on nous annonce. Tant il ne m’apparaît, en rien, désirable.

mardi 7 avril 2020

Rien d'une délivrance

Questions sur la mort. 

Nous sommes aujourd'hui bien loin des - pourtant - récents débats qui agitaient notre société sur "la mort de la mort" évoquée par Laurent Alexandre et des promesses prométhéennes de vie millénaire du trans-humanisme. L'heure est au confinement et à la mascarade, ces uniques et moyenâgeuses parades trouvées face au virus qui nous rappellent la fragilité de notre espèce et viennent illustrer la lutte quotidienne, parfois ridicule et toujours recommencée, de l'humanité pour vivre et survivre.

Au moment où, dans le silence assourdissant de l'exil intérieur qui nous est imposé, la mort, ayant repris ses droits, plane au-dessus des foyers en quête d'une proie prochaine, chacun d'entre-nous prend peut-être davantage conscience que, même si notre société moderne fait tout pour tenir la grande faucheuse à distance, en éloigner la vision et nous prémunir de son odeur méphitique, elle est bien là qui rôde et, telle Moloch-Baal, réclame son lot de victimes quotidiennes. La mort est l'unique vérité. Une vérité dégueulasse, insupportable, incompréhensible, mais pourtant, inévitable.

Alors plus que jamais sans doute, le désir se fait sentir chez certains de chercher l’essence même de la vie et de la traquer dans la diversité des manifestations. Essayer de revenir à l’unité non pas au-delà mais bien emmi les différences. Au fond, cette période nous permet peut-être de prendre conscience que rien ne garantit en effet d'avantage l'erreur que la vaine poursuite d'une vérité qu'on voudrait absolue (et donc, unique). 

Si vérité il y a, certaine et partagée par tous, c'est bien celle de la finitude inéluctable de notre existence. En effet, la source de toute vérité - l'unique vérité pourrait-on même dire - ne réside-t-elle pas dans le mystère absolu, et pourtant tellement intime, de notre trépas ? Tout le reste de l'existence n'étant qu'une immense illusion. Une illusion de vie. 

Mais alors qu'y aurait-il de plus triste que d'avoir, au crépuscule de notre être, la révélation qu'en atteignant à cette vérité unique, notre quête de sens trouverait son épilogue, frustrant, définitif et éternel. Exceptés les croyants, ceux à qui la foi chevillée au corps donne une espérance, personne n'a jamais regardé l'au-delà de la mort. A quoi pourra bien s'employer notre pensée, une fois atteinte cette vérité tellement intérieure et pourtant totalement commune ? La révélation de la mort, c'est la fin de la pensée, aussi bien consciente qu'inconsciente. 

Pour autant, si la mort n'est en rien une délivrance, sauf peut-être pour ceux qui tout au long des jours de leur anxieuse existence n'ont cessé de la craindre, doit-on pour autant se contenter de croire qu'elle n'est que le prélude à un face à face vertigineux et angoissant avec le vide, un dialogue imposé et inévitable avec le néant ? Un sommeil éternel sans rêve ?

Pourtant l'espoir...

Alors pleurons, implorons, gémissons, mais restons humains, et, par ce que rien ne vaut la vie, espérons!

samedi 4 avril 2020

Comme si de rien n'était

Cher lecteur, as-tu eu parfois, comme moi en ces temps de pandémie, le sentiment, ténu mais pourtant gênant, que la Faculté donnait souvent l'impression de se cacher derrière le masque de la science, comme pour dissimuler une forme d’angoissante impuissance face au mal ? Comme si, le simple fait de se rabattre encore et toujours sur la technique, permettait de justifier les budgets, les postes, les titres... Comme si une certaine institution semblait se contenter, pour se défendre de son existence, de se confier aveuglément à la recherche en attendant d'elle études, tests et rapports, encadrés par un protocole strict et au cadre rassurant. Et l’homme dans tout ça ?

Pour introduire un peu plus de légèreté (encore que, ça n'est, en l’occurrence, sans doute pas le terme le plus approprié...), je te propose de te pencher un instant sur la question de notre mine et de notre aspect général de reclus forcé.

Quand tout cela sera fini, et que nos mémoires auront commencé à réécrire le souvenir des mauvais jours, qu’en sera-t-il en effet de nous, grotesques confinés ?

Ce qui semble à priori acquis c’est que nous sortirons de cet isolement imposé plus chevelus et davantage enrobés.
Période "Abbey Road"
Empêchés que nous sommes de fréquenter les salons de coiffure et autres barbiers à la mode, nos systèmes pileux anarchiquement livrés à eux-mêmes, feront certainement de nous, à l'image des Beatles dans la période qui précéda immédiatement la séparation du groupe, des bipèdes beaucoup plus barbus, moustachus et un rien échevelés. Dans le même temps, l’inaction imposée, mais aussi l’ennui et l'angoisse, compensés par l'engloutissement de force carrés de chocolat, noir, au lait ou blanc, et d'une multitude de petits gâteaux gorgés d'huile de palme, trop sucrés, trop salés et trop gras, auront favorisé chez beaucoup - dont je suis, hélas! - la prise de poids (et je ne parle même pas de glycémie, de cholestérol ou de tension artérielle...).

Il y a de fortes chances pour que nous sortions du confinement nettement plus pileux, un peu plus épais et, pour tout dire, dans un état général sans doute un peu moins bon qu'il ne l'était auparavant, en tout cas pour ceux d'entre-nous qui sont déjà un peu avancé dans l'existence. Je ne peux m’empêcher de penser qu’après l’épidémie, le français moyen (qui, si l'on en croit la statistique, est aujourd'hui âgé de quarante-deux ans) ressemblera moins au héros asexué et filiforme d'un manga, nourri exclusivement de sushis et s'abreuvant de thé genmaicha bio, qu'à un inspecteur, moustachu et bedonnant amateur de civets, de paupiettes et de tarte tatin à la crème arrosés d'un Morgon ou d'un Juliénas, directement sorti d'une parodie de film policier de Georges Lautner ou d'un épisode des brigades du tigre. L’action des deux dernières saisons de cette série télé rétro se déroulait d'ailleurs au début du siècle dernier, juste après la grande pandémie de grippe espagnole...

Alors, voudrons-nous renouer à tout prix avec notre fantasme prométhéen et nous précipiterons-nous, à l'issue de cette période étrange, vers le premier merlan du coin de la rue pour retrouver la figure lisse, civilisée et éternellement jeune de l'homme du vingt-et-unième siècle ? Essaierons-nous, en recourant à la pratique du sport à outrance, des régimes amaigrissants et des onguents odoriférants, de retrouver notre ligne et notre look d'avant, celui du métrosexuel ou de l'über-mâle moderne, viril mais qui prend soin de lui-même, qui s'étale à la une des magazines ? Ou bien, accepterons-nous, dans la durée, les changements qui se seront opérés ? Alors, croisant telle ou telle de nos connaissances, dont la barbe fournie et blanchie, les cheveux plus longs et la bedaine proéminente viendront nous rappeler, en miroir, l'étrange et difficile période que nous aurons tous vécue et l'âge de nos artères, continuerons-nous à faire comme si de rien n'était ?