vendredi 24 février 2017

Petits dérangements entre ennemis.

Vu ce matin M. Macron sur une chaîne info. Pour ceux qui pouvaient encore en douter, le barycentre du mouvement du candidat des marcheurs penche clairement à gauche. Et même si le Modem y joue, à sa marge droite, le rôle dévolu hier au Parti Social Démocrate de Max Lejeune, à la gauche de l'ancienne UDF de Giscard, l'alliance que nous ont proposée cette semaine MM. Macron et Bayrou n'est au fond rien d'autre que la énième version des petits dérangements entre ennemis dont certains, comme moi, pensaient que la Constitution de la cinquième République nous mettrait définitivement à l'abri.

Les masques tombent. Emmanuel Macron commence à dévoiler son programme et, se faisant, inscrit ses pas dans la tradition sociale-libérale; celle de Mendès-France, de Rocard, de Delors... tout en préservant et en défendant l'héritage de François Hollande. Une manière de Manuel Valls, sans l'autoritarisme. A sa façon, il nous refait le coup de "la rupture". Où comment tout changer - ou presque - dans le discours, pour que - au fond - rien ne change dans les faits... Nos compatriotes seront-ils dupes de cette fausse transgression tout en vrais calculs politiciens ?

Masquant volontairement son ancrage partisan, il essaie cependant de nous vendre l'idée d'une majorité d'union nationale, dans laquelle pourraient s'exprimer demain les plus belles voix de gauche comme de droite. Le projet de M. Macron n'est ni porteur d'une véritable alternance, ni même promesse d'une quelconque alternative, mais plutôt l'expression moderne d'une forme bien connue de courant alternatif de la politique française qui, au grée des sujets, parvient à changer de direction, sans modifier son cap...

Peut-être par une forme de réaction assumée d'ancien militant gaulliste, je reste pour ma part, contrairement à certains de mes vieux compagnons de campagnes désormais acquis à sa cause et qui se reconnaîtront, persuadé de la pertinence du clivage et de l'apport du débat, dès lors qu'il peut s'exprimer de façon démocratique. De quoi demain l'opposition serait-elle le nom si nous poussions au bout la logique du "ni droite, ni gauche, bien au contraire..." de M. Macron ? Deux extrémismes renvoyés dos à dos, mais seuls à même de fournir un cadre à l'expression d'un refus ?

En opposant progressistes et réformateurs, le candidat simplifie à l'envie les données d'un problème beaucoup plus complexe. En justifiant sa démarche par la perte de repères idéologiques des partis traditionnels, il inscrit son discours dans une forme de dénonciation d'un "vieux" système qu'il incarne tout autant, sinon davantage même, que ses concurrents.

Dans le seul but de pouvoir poursuivre et amplifier l'oeuvre de décomposition engagée par François Hollande et Manuel Valls, à laquelle il a largement contribué, il prend également le risque d'un syncrétisme politique au fondement très artificiel et, dès lors, extrêmement fragile.

Le jeu de massacre des derniers mois et les résultats inattendus des primaires, à droite comme à gauche, le caractère totalement inédit et imprévisible de la campagne pour l'élection présidentielle et la "peoplisation" de la vie publique lui ont ouvert des perspectives, mais, avec une expérience limitée des affaires du monde, lui suffira-t-il d'exceller en matière de communication audiovisuelle et de s'afficher souvent en "une" des hebdomadaires pour convaincre de sa capacité à diriger la France ? D'autres candidats de l'extrême centre ont, déjà, dans le passé, fait la douloureuse expérience que le marketing et les moyens pour le mettre en oeuvre, ne pouvaient - heureusement -  à eux-seuls garantir le résultat d'une élection.

jeudi 23 février 2017

Rien n'est possible. Vraiment ?

Jacques Toubon, mon cher et vieux compagnon, qui était ce matin invité à s'exprimer à l'antenne sur une radio qu'on appelait autrefois "périphérique" évoquait d'un joli mot la figure de "l'aquoiboniste" rendue célèbre par Serge Gainsbourg. Parlait-il alors de celui pour qui rien ne justifie vraiment la nécessité d'entreprendre mais qui, au contraire, pense toujours "à quoi bon" ? Faisait-il référence à cette manière d'expression de l'apathie, du doute qui peut saisir tout un chacun face à l'utilité d'une action ? Une forme aboutie, consciente et définitive de la procrastination où rien ne serait définitivement plus possible ? Non, au fond, ce que soulignait le défenseur des droits c'est que "l'aquoibonisme" naît aussi de la difficulté que certains peuvent rencontrer pour faire défendre leurs droits, faute de tout simplement les connaître.

C'est précisément en faisant ce constat et pour faire face à une situation de blocage entre voyageurs et professionnels du tourisme et des transports que, le 26 avril 2010, pour "éviter des situations préjudiciables aux consommateurs ayant pu rencontrer des difficultés pour connaître leurs droits", Hervé Novelli, alors Secrétaire d'état dans le Gouvernement Fillon me confiait une mission de médiation ministérielle après l'éruption du volcan islandais Eyjflallajökull. 


Renouant avec mes lointaines études et me permettant - enfin! - de pratiquer le droit, j'ai alors travaillé plusieurs mois dans le seul et passionnant objet de protéger et réconcilier les intérêts de chacune des parties en présence en mettant en oeuvre une procédure originale de résolution extrajudiciaire des conflits entre professionnels et consommateurs (une première réussie dans le secteur, qui sera à l'origine de la mise en place du dispositif pérenne de Médiation Tourisme et Voyages dont j'avais recommandé la création et qui est opérationnel depuis le 1er janvier 2012).

Dans le rapport  remis à l'issue de cette mission, je suggérais de préciser les dispositions européennes remontant à 1990 à l’effet de mieux encadrer les responsabilités des professionnels vis-à-vis de leurs clients en suggérant notamment qu’une réflexion puisse être engagée sur le montant et la durée des obligations pesant sur les professionnels en cas de retour impossible occasionné par une situation de force majeure. Et puis, le temps a passé et la médiation m'est devenue, peu à peu, un souvenir...

De son côté, la Commission a enclenché un processus de  révision de la directive de juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait. S’inspirant très directement des préconisations que j'avais faites en 2010, un projet de législation européenne adopté par la Commission du marché intérieur en 2014 préconisait notamment que "si des circonstances "inévitables" et "imprévisibles" empêchent le voyageur de rentrer à temps chez lui, l'organisateur est tenu de prévoir un logement à un niveau équivalent à celui réservé à l'origine ou de payer un séjour de cinq nuits allant jusqu'à 125 € par nuit s'il ne peut pas ou ne veut pas faire une réservation..."

Visant à renforcer les droits des consommateurs, une nouvelle Directive du Parlement et du Conseil européens est entrée en vigueur au début de l'année 2016. J'ai, en l’apprenant, vraiment eu l'impression que mon action, au-delà d'avoir permis, en 2010, le déblocage et la résolution très concrète de milliers de dossiers, aura influencé, directement ou indirectement, une évolution positive de la législation communautaire dans le domaine de la protection des consommateurs.

Prenant, en cette occasion, conscience des limites d'une philosophie strictement "aquoiboniste", j'ai réalisé l'utilité de certains de nos actes, et, contrairement à ce que je pensais spontanément, que tout n'était pas impossible. Une manière de bonne surprise à même de venir tempérer mon pessimisme raisonné.





lundi 20 février 2017

Je ne la ferme pas quand j'ai tort, alors imagine quand j'ai raison...

Cette phrase, au-delà de son absurdité, me semble intéressante comme un prétexte à nourrir une réflexion sur la mauvaise foi. La mauvaise foi comme une attitude consciente de (re)construction de la vérité; d'invention de sa vérité : "J'ai des raisons de mentir. J'ai déraison de mentir. J'ai (dé)raison de mentir. Je mens, donc j'ai raison".

La bienséance impose d'écouter avec courtoisie son interlocuteur, même si la mauvaise foi de son propos est manifeste. Vérité d'ici n'est pas nécessairement vérité ailleurs. Il ne s'agit pas de se hausser "au-dessus de la vérité" comme je peux parfois le lire, mais bien de considérer simplement "sa vérité" comme une question d'angle de vue relativisant la valeur du vrai. Une fausse naïveté assumée et consciente, permettant d'éviter l'évidence, de faire un pas-de-côté; comme une forme de recours, de sursaut existentiel contre le pathétique de la réalité (*)

La mauvaise foi ? Déjà, je ne sais pas très bien ce qu'est la foi, alors la mauvaise foi... De mes anciennes études juridiques, je crois me souvenir que la bonne foi c'est à peu près comme une forme de sincérité, de conscience d'agir sans léser autrui et conformément au droit. Mais la mauvaise foi ? Peut-on agir sincèrement de mauvais foi ou cette dernière est-elle systématiquement synonyme d'insincérité, d'hypocrisie ou de déloyauté ? Il peut y avoir me semble-t-il, au contraire, une forme d'honnêteté morale à affirmer même à tort - surtout, à tort - plutôt que de choisir de se taire, à l'effet de dissimuler son désaccord et d'éviter ainsi le risque du débat, voir de la polémique. Je n'y vois qu'une limite : celle, à l'heure où les chaînes info doivent trouver matière à remplir leurs grilles de programmes de l'aube au crépuscule, et où les médias sociaux contribuent de plus en plus à faire une opinion au sens de moins en moins critique, du risque de la manipulation et de la désinformation.

Pourtant, je préférerai toujours une grande gueule, à la mauvaise foi affirmée mais drôle, aux tristes tartufes taiseux, à la bonne foi bigotement affichée. Car la mauvaise foi peut être ironique et même introduire une forme de complicité permettant de désamorcer, par la force comique qu'elle emporte, la colère de l'autre. L'erreur de mauvaise foi, bien que cynique, porte conscience de sa triche - elle sait qu'elle ment, mais ce mensonge est assumé -, alors que l'erreur de bonne foi est commise au nom du bien, de la Vérité, d'une forme de bonne intention qui se croyait innocente, mais n'est qu'ignorante. Au fond, un mensonge commis de bonne foi et gravement - "à l'insu de son plein gré" comme auraient pu dire les Guignols de l'info - n'en dit-il pas davantage qu'une duplicité ironiquement assumée ? Je pense, pour ma part, comme l'affirment certains psychanalystes comme Véronique, dans la suite des travaux de Lacan, que la commission de bonne foi d'une erreur ne la rend pour autant pas plus pardonnable; c'est même le contraire.

Faut-il, pour pouvoir parler, être certain d'avoir raison (de qui ? sur quoi ?...), d'être dans le juste, le vrai ? Alors, souvent, je devrais, ici-même, me contenter de me taire. Non, ami lecteur, comme je l'ai déjà dit : "c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule" .

(*) cf. mon post précédent "Ne rien oublier de tout ce qu'on a pas fait".

mardi 14 février 2017

Ne rien prendre tout à fait au sérieux.

Après avoir vu La La Land, je suis tenté de nuancer un peu le propos de mon précédent post (qui a suscité une - petite - amorce de débat parmi les lecteurs). Si j'ai trouvé les premières minutes du film un peu déroutantes tant le rythme me paraissait lent - et tant le décalage est grand avec le paysage cinématographique contemporain en général - rarement oeuvre de fiction, pourtant décrite par certains critiques comme une bluette sans grand intérêt, ne m'aura au final autant ému... 
En rompant avec la tradition - pour ne pas dire, le canon - d'un bonheur écrit d'avance, l'absence de "happy end" de la comédie musicale de Damien Chazelle m'a particulièrement touché. Certainement, parce qu'en évoquant des amours impossibles et l'amertume comme les désillusions que portent en eux les métiers de la scène, l'auteur fait écho, tout en usant des clichés et des artifices d'un Hollywood mythifié, à la philosophie d'une vie fragile, empreinte de mélancolie et d'un romantisme au ton pessimiste qui me parait assez juste au fond. 

L'existence heureuse est à mes yeux - tu l'auras compris - une forme d'oxymore, ou comme l'aurait écrit Schopenhauer une véritable "contradiction dans les termes".  Lorsque l'on est comme moi sans grande illusion, angoissé pour tout et par rien, le seul moyen pour s'en sortir - et c'est précisément le bémol que je souhaitais apporter à mon précédent envoi - est de ne rien prendre tout à fait au sérieux et, partant, d'exprimer par là même un refus de l'acceptation simple et résignée du tragique. N'est-ce pas après tout ce que nous suggère aussi ce film ? Une comédie dramatique qui aborde les difficultés d'être, de réaliser ses rêves, d'aimer, d'avancer, seul ou à deux,  mais qui le fait avec le sourire, sous une forme légère et musicale; une manière de mélancolie joyeuse. Un regard un rien burlesque et l'ironie pour mieux affronter l'affreuse laideur du monde.

Peut-être ai-je parfois pâti de cette philosophie de vie, mais c'est aussi, sans aucun doute possible, ce qui m'aura plus d'une fois permis de mieux supporter le tragique du quotidien en me débarrassant - comme aurait pu l'écrire Freud - de l'oppression trop lourde que fait peser sur moi la vie. Paradoxe me diras-tu car comment se dire angoissé et, dans le même temps, prendre le recul qui permet de relativiser les causes probables de ce tourment ? Peut-être parce que j'ai réalisé que le malheur était désespérément sérieux et qu'user de détachement et parfois même d'ironie a pour effet de pouvoir conserver toujours au cœur une forme d'espérance. L'ironie pour continuer à sourire ; sourire pour espérer, même d'un sourire triste car, comme le dit mon pote Maxime, "s'il existe quelque chose de plus triste qu'un sourire triste, c'est bien la tristesse de ne plus savoir sourire".

vendredi 10 février 2017

Rien à foutre....

L'un de mes amis, et néanmoins un temps patron, m'a un jour dit : "Il faut que tu apprennes à imposer davantage ton point de vue. Ton problème, c'est que tu es trop bien élevé !"...

Encore faudrait-il pour y arriver lever les doutes qui ne me quittent jamais. Ce besoin de toujours peser pour et contre, de dialectiser, de n'être que très rarement catégorique ; de, tout simplement, garder un esprit critique. J'ai souvent considéré que de cet esprit critique pouvait naître le désir de transformation, celui de changement qui permet la mise en mouvement, l'évolution, le progrès.

Comment donc peuvent bien faire ceux qui ne confessent aucun doute, aucune angoisse, que rien ne semble jamais pouvoir arrêter ? Ceux dont aucune norme, même intériorisée, ne paraît venir organiser le rapport à l'autre en canalisant leurs pulsions; ceux dont l'aptitude à vivre avec les autres n'est régie par aucune règle, encadrée par aucune barrière bornant les limites à la toute-puissance de l'enfant qui toujours les anime - limites pourtant indispensables à l'équilibre affectif et psychique -.

A force de séances plus ou moins silencieuses, plus ou moins animées, tôt le matin comme tard le soir, dans un cabinet froid et un peu sombre, j'ai fini par accepter, à l'écoute du récit libre de mon quotidien - de ce discours agissant permettant de passer de la pensée silencieuse à la verbalisation - que mon moteur personnel devait en grande part résider dans mes angoisses. Une manière, au-delà de la potentielle expression d'un certain déséquilibre, de principe existentiel ? Les angoissantes questions nées de la confrontation au réel des interdis intimes ne me paraissent pas seulement culpabilisantes, pas uniquement castratrices et destructrices. Au contraire, elles peuvent sans doute tout aussi bien fournir la base à un travail de construction personnelle. Car, au fond, pour initier le mouvement, ne-convient-il pas d'abord d'accepter de rompre l'équilibre ? De faire un pas de côté. Même au risque d'une certaine déstabilisation, voir même, de la chute.

C'est drôle comme certains n'en ont rien à foutre. De rien...

mardi 7 février 2017

Un rien d'air de famille.

Il y a quelques semaines, j'ai brocardé l'emphase, qui m'apparaissait un peu décalée, mise par le leader des marcheurs dans la conclusion de son "grand" discours parisien. J'ai écouté l'autre jour une partie de son prône lyonnais. Je dois admettre que la manière du candidat du Mouvement de l'Extrême Centre, bien que s'affirmant de gauche, ne m'est pas apparue si maladroite. En tout cas, sur la forme, il semble avoir appris. Mais, bien que nécessaire, cet apprentissage ultra-rapide d'un élève appliqué et il faut le reconnaître, doué,  ne sera je le crois, pas suffisant.

On raille aujourd'hui sur les réseaux sociaux sa manière de mettre la main sur le cœur lorsqu'il chante la Marseillaise. D'aucun argue même que "ça n'est pas prévu par le protocole". Soit ! Mais est-ce là tout ce qu'on a trouvé à lui reprocher que ce geste que, pour ma part je ne trouve au fond pas tellement choquant. Ce qu'en revanche je considère comme nettement plus inquiétant c'est que, moins de trois mois avant le premier tour de l'élection, son programme et ses propositions restent toujours aussi flous. Aurait-il fait sien l’adage du candidat populiste qui proclamait à qui voulait l'entendre : "Mon programme, c'est le vôtre" ? Compte-t-il révéler le contenu de son agenda après qu'il aura été élu ? En fait, j'ai le vague sentiment que le présupposé vent de nouveauté porté par ce candidat "hors système" (sic!) n'est autre qu'une tentative de recyclage d'idées et de formules anciennes dont on a malheureusement déjà pu constater l’inefficience. Comme aimait à le dire François Mitterrand en paraphrasant le Cardinal de Retz : "on ne sort de l’ambiguïté qu'à ses dépens..."

Même si "l'homme public ne monte jamais aussi haut que lorsqu'il ne sait pas où il va"(1), l'affichage volontariste du renouveau et de la modernité ne sauraient à eux-seuls faire un programme présidentiel  !

Dans sa volonté d'incarner, à tout prix, un certain modernisme et de vouloir tout changer, M. Macron candidat auto-proclamé "libre et indépendant", ressemble à s'y méprendre aux images qui me reviennent en mémoire de JJSS. Mais si, souviens-toi ami lecteur : Jean-Jacques Servan Schreiber. Celui que Chirac surnommait "Turlupin" et qui pensait dans les années 60, comme notre brillant inspecteur des finances d'aujourd'hui, qu'il avait un rôle central à jouer dans le "nécessaire renouvellement du personnel politique". Social-libéral, il voulait jeter des ponts entre les réformateurs de gauche et de droite qu'il tenta de réunir, avec son ami Jean Lecanuet (autre beau spécimen de candidat "du progrès", lui aussi jeune et à l'image tellement télégénique...), au sein d'un "Mouvement" (déjà !). Il lui arrivait, à lui aussi, de mettre la main sur le cœur, sans-doute inspiré par les photos d'un JFK pour lequel il confessait une grande admiration. L'éphémère ministre du gouvernement Chirac  - 13 jours, une forme de record, en 1974 - terminera sa vie politique en réunissant 1,84 % des voix aux premières élections au parlement européen au suffrage universel de 1979. Tiens, 1979, c'est justement l'année où je me suis engagé en politique en faisant campagne pour soutenir la liste conduite par un certain Jacques Chirac. Une liste dont la promesse - "Défense des Intérêts de la France en Europe" - reste encore tellement actuelle mais paraîtra sans doute complètement ringarde aux yeux des jeunes marcheurs post-modernes.

1979, une année où le Parti Communiste Français osait encore afficher une forme de patriotisme.

1979, l'année où Margaret Thatcher entamait un bail d'une décennie au 10 downing street, résidence du Premier ministre britannique (à choisir, vaut-il mieux une Thatcher ou un tchatcheur ? Après tout, on a les élites qu'on mérite...).

1979. Cela fera bientôt 40 ans. L'âge de M. Macron...

Tu me diras que comparaison n'est pas raison. N'empêche ! Le candidat des marcheurs sera-t-il une forme de moderne "kennedillon" au destin brûlé au feu de paille médiatique ou le vrai réformateur de la vie politique française ? Pour rencontrer les électeurs, il ne lui suffira pas de distribuer des adhésions gratuites ou des investitures en ligne, ni de dénoncer à chaque discours la fossilisation de la vie politique à laquelle il a pourtant depuis plusieurs années pris une part largement active ; encore lui faudra-t-il porter un projet crédible et convaincant. Vanité bien française ! Moi, pour l'instant, la seule certitude que j'ai le concernant, c'est la ressemblance physique frappante - la couleur en plus - que j'ai relevée avec une photo ancienne de Boris Vian ; celui qui écrivit de façon visionnaire en 1952 : "Dire des idioties, de nos jours où tout le monde réfléchit profondément, c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre et indépendante"(2)Un rien d'air de famille, non ?


(1) Cardinal de Retz -  Mémoires
(2) Boris Vian - Le goûter des généraux.

mercredi 1 février 2017

Parler de tout et de rien.

Aujourd'hui, ami lecteur, je voudrais te parler de tout et de rien.

De la manie qu'ont les gens de vouloir avoir un avis sur tout, de parler pour rien, pour ne rien dire, ou surtout - devrais-je dire - pour parler d'autre-chose, un autre-chose qui souvent parle d'eux. J'avais déjà abordé ce thème dans un post intitulé "ne rien dire ou fermer sa gueule ?"

Petit enfant, je pleurais chaque fois que j'entendais "les roses blanches".

Cette chanson, au rythme qui n'avait rien de Rock’n’roll, interprétée par Berthe Sylva (et récemment reprise par Sanseverino) raconte l'histoire d'un poulbot, un pauvre gamin de Paris n'ayant pour toute famille que sa mère hospitalisée, à laquelle il apporte chaque dimanche des roses blanches... Chaque fois que je l'entendais, je pleurais. Je ne percevais alors que la tragédie dans l'accumulation sordide de détails tous plus tristes les uns que les autres, et pas encore le comique - même involontaire - de cette "chanson réaliste". J'avais honte, je me cachais; puis je me suis contenté de pleurer en silence. 

De quoi au juste ce triste silence pouvait-il bien être le nom ? Même si la sagesse populaire admet volontiers qu'on pleure quelques fois sans trop savoir pourquoi et malgré les quelques séances d'analyse qui y ont été consacrées, je n'ai toujours pas compris ce qui, dans ce mélo, pouvait tant m'émouvoir...



Revenons au silence.
Vaut-il mieux parler, même et surtout lorsqu'on à rien à dire, que la fermer quand on connaît le sujet ? Un mensonge est-il préférable à rien ? Le péché par action ou par omission ? Dans les civilisations classiques, le silence entendu comme absence de parole était souvent considéré comme l'expression d'une forme de paix intérieure, de méditation, de maîtrise, de sagesse. N'est-ce-pas, au fond, un signe de maturité que de savoir parfois ne rien dire ?

D'expérience, comme il m'arrivait enfant de pleurer en silence, souvent je préfère  me taire tant il me paraît de plus en plus difficile de se faire entendre, de se faire comprendre. Chacun parle, j'en suis certain, une langue qui lui est propre. Essayer de communiquer c'est déjà trahir une pensée qui, par essence, ne saurait totalement - je veux dire dans la totale portée de ses conséquences - être exprimée par des mots à la signification nécessairement limitative et qui nous échappent dès qu'ils sortent de notre bouche.

Peut-on, pour autant, se contenter de "passer sous silence" certaines de nos pensées ? Convient-il d'imposer, en gage de tranquillité, une manière d'auto-censure à nos passions plutôt que de parler, au risque du dialogue, au risque du conflit auquel pourraient conduire les excès de la rhétorique ? Au risque de l'émotion ?  

Si le silence est caractérisé par une absence de son, il symbolise une forme de vide quasi-existentielle pour les fils de la communication, ces enfants du 21ème siècle qui plus que tout le craignent tant ils l'identifient à l'ennui(*), au néant et à la mort. Pourtant, le silence n'est pas vide. Le silence n'est pas absence de bruit. Le silence n'est pas absence de sens. il peut parfois même être lourd... Le silence peut aussi faire peur en ce qu'il réfléchit comme un miroir qui renverrait l'autre à la conscience de sa propre solitude. Alors le silence c'est comme tout, il ne faut sans doute pas en abuser.

En concluant mon propos du jour par une citation du Révérend Martin Luther King - "À la toute fin, nous ne nous rappelons pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis" -, je voudrais rassurer les miens d'amis, comme les autres d'ailleurs, en leur indiquant que si souvent je ne dis rien c'est que je n’en pense pas davantage. Enfin, j'dis ça, j'dis rien...


(*) Alain Corbin - Histoire du silence - éditions Albin Michel.