dimanche 21 juin 2015

Rien ne dit qu'ils seront plus jeunes... (Transhum' contre Biocons - 2)

Depuis la démocratisation du moteur à hydrogène et la découverte de la propulsion bio-sonique, se déplacer partout, en toute occasion, en tous sens est devenu le lot commun des transhumains. Pour rallier n'importe quel point du globe, un temps de trajet de deux heures - pas plus - est désormais la limite absolue acceptée pour la durée d'un vol terrestre.

Pour rajeunir, ou en tout cas vieillir moins vite, seule une poignée de très privilégiés a pu, depuis les années 50, bénéficier d'un vol interstellaire, au départ de l'astroport brésilien de Nova-Kourou, à bord de vaisseaux à propulsion de nouvelle génération - combinant les technologies les plus avancées en matière d'hydrogène comprimée et de maîtrise de la trajectoire inertielle - qui ont permis d'atteindre des vitesses proches de celles de la lumière et, par la même, d'apporter une réponse concrète aux hypothèses de travail théorisées au début du XXème siècle par Paul Langevin et connues sous le nom de paradoxe des jumeaux. Alors oui, quelques-uns sont même revenus plus jeunes qu'ils n'étaient partis. Douze ans plus tard, on commence à rencontrer des parents qui, après trois voyages dans l'espace-temps, sont revenus plus jeunes que leurs enfants.

Paradoxe des paradoxes, certains avatars de troisième ou quatrième génération pourraient aisément passer aux yeux de l'homme du début du siècle  pour les petits-enfants de leur progéniture. Rien ne va plus sur Terre. Toutes les références sont bouleversées. Père, fils et esprit, désormais maintenu éternellement vivant au cœur des neuro-réseaux de silicium d'une machine affranchie des lois naturelles des hommes, tout se confond.

Et pendant que certains vont toujours plus vite pour ralentir le cours du temps, la guerre civile planétaire menace de s'étendre aux colonies de la Lune et de Mars.

Pour échapper à la furie meurtrière des machines et des hommes, un audacieux groupe de techtrans', allié contre toute attente à une bande de biocons dissidents, a réussi à s'emparer d'un vaisseau intersidéral Pakistano-indien sur la base spatiale de Bangalore. Ceux-là ont choisi d'exporter la paix et de laisser loin derrière eux une planète devenue folle. Nul ne sait où ils sont partis et si même ils reviendront un jour et rien ne dit qu'ils seront plus jeunes alors...

lundi 8 juin 2015

Transhum' contre Biocons (un rien anticipé... ou pas ?)

Après avoir, il y a déjà longtemps, un peu tâté de l'uchronie, je te propose aujourd'hui, ami lecteur, un court billet d'anticipation (ou pas...).

Nous sommes le 2 mai 2062. Pourquoi cette date ? Parce que, si la grande faucheuse m'oublie un peu, je pourrais alors fêter mes 100 ans, entouré de ma femme, ma mère, mes enfants, leurs enfants, les enfants de leurs enfants et notre nombreuse descendance.

Au-delà du recours à la cryogénisation et à la biologie de synthèse ou de la démocratisation des bio-imprimantes 4D, les transplantations d'organes, les implants bioniques en tous genres, l'immunothérapie individualisée, le clonage reproductif et l'utérus artificiel sont devenus le quotidien de millions d'individus sacrifiant au culte de la modernité et à la recherche, à tout prix, de l'immortalité. En 2047, le dernier tabou est tombé. La 1ère transplantation complète cerveau-moelle a été réussie, grâce à l'utilisation d'un polyéthylène glycol modifié, par l'un des apôtres  de la techno-chirurgie au New Cedars-Sinai de Los Angeles. De la lutte contre le vieillissement et la réparation des dommages du corps, on est peu à peu passé à l'immortalité virtuelle rendue possible par les évolutions de l'Intelligence Artificielle, puis, refusant toute limite éthique et malgré les nombreux moratoires sur les travaux cyber-génétiques, les technoscientifiques ont dérivé vers la recherche prométhéenne de l'immortalité tout court.
 
Dans le même temps, ou presque, sont apparues sur le marché les toutes 1ères machines intelligentes dotées de conscience, entraînant une réaction en chaîne dans le développement de l'Intelligence Artificielle et une inexorable confluence, fruit de la mécanisation de l'homme et de l'humanisation des machines.

Désormais, une partie de l'Humanité (le mot a-t-il d'ailleurs encore un sens ?), une "élite" tenante du technopouvoir - celle qui a les moyens de le faire - a pris l'habitude de changer tout ou partie de son corps pour améliorer ses performances, comme on change les pièces d'une machine. De l'autre, plusieurs milliards d'individus se revendiquent de la défense d'un humanisme disparu, refusent l'administration numérique du monde et s’abandonnent aux chimères de la décroissance. Ceux-là n'acceptent pas de sacrifier le souverainisme de l'Humanité à une forme de culte de la gouvernance algorithmique.

Ce qui a réellement mis le feu aux poudres, c'est l'apparition des techno-transgenres (les techtrans'), hybrides mi-machines/mi-humains marquant l'ultime étape de la cyborgisation et l'accomplissement du rêve démiurgique des tenants des techno-sciences; sans qu'on ne sache plus très bien si les hommes sont devenus machines ou vice-versa. Avec la peur ancestrale du mythe de Frankenstein et la crainte de voir les machines prendre la place des hommes, on a vu au mitan des années 50, s'organiser, comme en écho aux pogroms du début du vingtième siècle, de véritables chasses aux techtrans'.

La guerre civile fait désormais rage entre les milices transhumanistes qui, se revendiquant d'un progrès scientifique tout puissant, soutiennent l'émergence d'un monde totalement contrôlé par les technologies et des combattants alter' bioconservateurs, alliés aux néo-religieux, qui s’y opposent.

30 ans après que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme Augmenté a été adoptée, l'ONU, le G7, le G20, l'Union Européenne (...) ne sont plus que de vagues souvenirs. Le mouvement centrifuge initié, en Europe, au début du siècle par la Grèce avec le succès qu'on connait du slogan "UExit!", la sortie de la Chine et du Brésil du FMI en 2028 et l'implosion du Conseil de sécurité en 2035, ont entraîné une cascade de démantèlements en tous genres. A l'image de l'échec de la Société des Nations qui n'était parvenue à empêcher ni la guerre civile espagnole, ni la montée du nazisme, l'utopie de l'organisation d'une  sécurité collective a vécu et le monde, morcelé comme jamais, est à présent à feu et à sang. Le cocktail détonnant des nanotechnologies et d'un individualisme narcissique a fait explosé les référents sociaux traditionnels. Il n'y a plus, à proprement parlé, d'ordre mondial, plus d’organisations inter-étatiques. Seule subsiste la forme de dialogue la plus archaïque et la mieux partagée: la voix des armes...