samedi 31 octobre 2020

En rien rationnelle

"Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel" Wladimir Jankélévitch

La deuxième vague de l'épidémie nous a rattrapé à la vitesse de la marée montante dans la baie du Mont Saint Michel. Avec ce nouvel épisode, en passant d'une crise unique à une deuxième (qui en annoncerait d'autres ?...), nous sommes entrés dans le temps de l'épidémie. Au sens de la symbolique des nombres, en nous écartant de l'Unité, nous sommes entrés dans une période de corruption et de conflit, mais aussi d'évolution. Cette crise à répétitions, avec ses "stop-and-go" annoncés, permettra-t-elle, enfin, une prise de conscience que, malgré notre désir d'explication et de compréhension de tout, la réalité nous échappera toujours car, à l'image de la vie et de son mystère, la réalité n'est en rien rationnelle ? Face à cet "immense merdier" dans lequel semble peu à peu sombrer notre monde, pourquoi y-a-t-il la vie ? Et pourquoi n'y a-t-il pas rien ? Comment simplement envisager que nous puissions tout à la fois jouir de nos pleines capacités d'êtres développés et conscients et, dans un même temps, devoir accepter le caractère éphémère de la vie ? Voilà bien en quoi la réalité est irrationnelle. Les savants, les sachants et toute la cohorte des experts qu'on voit et qu'on entend à longueur de journée nous asséner "leur" vérité auront beau penser, anticiper, prévoir, calculer, projeter, rien ne se passera jamais comme ils nous l'avaient annoncé. Seule restera la certitude de notre finitude, au regard de l'immensité d'un univers inatteignable et d'un désir insatisfait d'omniscience et d'éternité.

Dépasser la dialectique d'une raison fortement établie et dogmatique. Unir l'instinct et l'intelligence. Accepter, à l'instar de ce que je perçois de l'œuvre singulière de Carl Gustav Jung, "les intermittences de la raison". Faire confiance à une manière d'intuition, sans nécessairement recourir au raisonnement. S'ouvrir à une pensée éveillée pour simplement recouvrer une étincelle d'espérance. N'est-ce pas le chemin que nous devrions davantage suivre à l'effet d'envisager, d'essayer de percevoir, de penser une réalité intrinsèquement impensable ? 

Le fou peut-il mieux que le savant penser l'irrationnel ? 

Toute vérité est emprunte de relativité, mais à ce point ? Vérité scientifique du matin n'est même plus vérité scientifique de midi, alors que dire de la vérité scientifique du soir ? 

La seule solution trouvée pour faire face à une pandémie hors de contrôle (mais comment contrôler la vie même ?), à défaut de pouvoir y remédier et prendre le moins de risque possible, a été de tous nous (re)confiner. Tout mettre sous cloche en pensant qu'on va pouvoir laisser le virus à l'extérieur et, calfeutrés bien au chand dans nos foyers, à l'image du gamin blotti au fond des draps pour échapper aux monstres issus de l'ombre, penser que l'on pourra durablement vivre heureux en vivant caché. Vivre caché pour mourir heureux ?

Alors je me prends à rêver de fuite. Pas de la fuite, ni d'une fuite, de fuite, simplement.