samedi 13 juillet 2019

Jamais rien

Retenons aujourd'hui comme sujet de réflexion trois hommes. Ces trois-là ont en commun d'avoir partagé la vie de la même femme...

Le premier est professeur de médecine. Chirurgien de renommée mondiale, il répare les corps et avec obstination, essaye de lutter contre la maladie et de réduire la souffrance physique.

Le second est psychiatre et psychanalyste. Il sonde et, à sa façon, contribue à rafistoler les âmes abîmées et à réduire la souffrance psychique.

Il plaît, au troisième, de croire aux forces de l'esprit et au long travail de retournement vers le centre qui, délivrant celui qui cherche sincèrement de toute forme de savoir, tend à l'unir vers l'uni et à saisir le monde dans la vérité de sa connaissance.

Deux hommes qui pensent, chacun à leur manière, qu'ils peuvent modifier le cours du monde, réviser les corps, corriger les âmes, et, un autre qui croit que la vraie transformation - la rectification  - ne peut venir que de l'intérieur.

Trois hommes qui partagent cependant la conviction qu'il suffirait de mieux ordonner pour transformer les choses. Mais deux pour qui l'action ouvre la voie au possible, à tous les possibles, et un autre pour qui seule la pensée est réellement agissante...

Malgré leurs différences, n'ont-ils pas en commun, au fond, d'être dupe de leur espérance ?

La recherche, et surtout la croyance en la réalisation d'un résultat, d'une fin, n'est-elle pas le plus sur moyen de créer de la frustration ? Paraphrasant Krishnamurti dans ses commentaires sur la vie, on pourrait dire que "chercher à (s') accomplir c'est appeler la frustration."

On dit parfois que l'espoir fait vivre, mais, au bout de l'attente, seule la mort est au rendez-vous et ceux qui luttent pour retarder l'inéluctable échéance ne sont-ils pas dupés par leur propre vanité ? 

Eternelle tragédie de notre mortelle condition. Angoisse et culpabilité de notre finitude. On voudrait pouvoir tout réparer, tout changer, tout maîtriser; trouver des raisons à tout, pour tout, mais "la tragédie des dupes c'est qu'on n'impose jamais rien au monde"*... "car la vie elle-même est emplie de folie et dans son essence même déraisonnable (...) La vie elle-même ne connait pas de règles. Voilà son secret et sa loi inconnue"**.