lundi 22 février 2010

Oxymores, réalité virtuelle et vivant souvenir


Joli mot de la langue française que celui d'oxymore, cette forme d'expression qui permet de mettre côte-à-côte des mots aux sens opposés. Quelle richesse de la langue, quelle liberté aussi, celle qui autorise le mariage de tout et son contraire, du grand tout et des petits riens; la contradiction dans la cohabitation entre les mots eux-mêmes.

Contradiction. Comme cette "réalité-virtuelle" qui nous permet de trouver sur la toile un espace d'expression où tout n'est rien; rien qu'illusion numérique, chimère analogique, un support sans chair d'où, comme je l'ai déjà dit, les écrits d'aujourd'hui s'envolent à l'image des paroles d'autrefois (cf. "Scripta volant" du 5/10/09). Pourtant, il me faut bien admettre que ce rien technologique peut favoriser l'expression des souvenirs, activer une mémoire qui pouvait sembler morte. Car ce sont les lettres, les mots qui se forment et les phrases qui s'enchaînent qui donnent du sens et qui tissent un réel pourtant sans support physique.

Les quelques semaines récemment passées à rechercher sur le Net des traces de chansons que je croyais oubliées, de morceaux que nous écoutions et sur lesquels, au Bus Palladium, nous dansions dans les années 80, m'ont conduit à écrire ce texte. La première expression qui m'est en effet venue en surfant sur le site des amateurs de la musique du Bus fut celle de "vivant souvenir"; rejoignant en cela le poète Federico Garcia Lorca pour qui "rien n'est plus vivant qu'un souvenir".

Or, je croyais que le souvenir n'était qu'une évocation, une impression qui demeurait en mémoire d'un passé révolu. Comment dès lors pourrait il être vivant ? Pourtant, à chaque écoute, l'envie me vient de danser, de chanter, et les sensations sont bien réelles, vivantes, présentes, tellement même que je peux parfois sentir vivre ce passé... N'est ce pas finalement vivre que se souvenir ? Ces chansons, ces petits riens qui me reviennent en mémoire, je les entends, et, dès lors, tout me revient. Les images, les odeurs, les sons, les visages... D'un petit rien se forme un tout. Un tout vivant, évocateur, loin du monde virtuel; une manière de réalité.

Alors puisque ce sont ces airs dansants qui, en l'espèce, ont activé ma mémoire, quoi de mieux pour conclure que ces vers extraits d'une belle chanson du plus célèbre des fumeurs de Gitanes :

"On se souvient de rien, et puisqu'on oublie tout, rien c'est bien mieux, rien c'est bien mieux que tout".

vendredi 12 février 2010

Il suffit souvent d'un rien


Les championnats de "Air Guitar" n'existaient pas et pourtant nous étions nombreux en ce  milieu des années 80 rue Fontaine (où il y a foule, n'est ce pas Gainsbourg...) qui dansions sur la piste du Bus au rythme du meilleur de la musique de l'époque en nous accompagnant d'une invisible Fender Startocaster ou d'une Gibson Les Paul transparente !

Assis à notre table favorite, dans l'ambiance enfumée des boîtes d'alors, au plus près de la piste nous observions les danseurs en sirotant des Whisky-coca, des Vodka-orange, ou des Gin-Get les soirs de grande soif. Flight jacket Schott, Jean's Levis 501 foncés, ceintures mexicaines aux grosses boucles argentées et Santiags achetées chez Cowboy Dream aux Halles pour les garçons; T shirts blancs et Bandanas aux couleurs vives de chez Fiorucci sous un Perfecto noir, Jeans slim fit à revers larges et chaussures vintage à talons aiguilles pour les filles.

Le très entrainant "Howzat" - que j'ai longtemps cru être interprété par Genesis - d'un groupe australien au nom improbable de glace à l'eau, la grandiose version Claptonienne de l'hymne  de J.J. Cale "Cocaine", l'énorme "Goin' back to my roots" de Lamont Dozier, "Solsbury Hill" de Peter Gabriel, "Dreams" de Molly Hatchett ou encore l'héroïque "(I want you) Show me the way" d'un Peter Frampton qui faisait littéralement chanter sa guitare... Les titres et les morceaux s'enchainaient et les riffs nous emportaient au-delà du grand Océan, au-delà du Continent, au bout de la route 66, vers cette Californie fantasmée et le Rock FM des Doobie Brothers et de Steely Dan.

Quand la fête était finie, en échange de quelques francs nous achetions, avec la complicité de Josy, à la porte de la cabine du D.J., une cassette qui allait tourner dans la voiture des copains jusqu'à l'usure complète d'une bande magnétique finissant avalée par le lecteur, mais qui aurait encore évoqué pendant soixante minutes le souvenir de tant de soirées festives. Parfois, quand la nuit devenait jour,  il m'arrivait de partager un sandwich shawarma ou une dernière cigarette sur le trottoir avec Bruno le portier (on ne disait pas doorman à cette époque, et on l'appelait entre nous "Nobru"...) au petit matin avant de repartir, ivre de musique, vers la banlieue sud de mes jeunes années. Autre époque de ma vie nocturne dont les souvenirs me reviennent aujourd'hui. Une période moins insouciante, moins adolescente, plus noire, plus Rock; déjà annonciatrice des heures plus sombres de l'âge adulte; d'autres fêtes, d'autres têtes. Michel, Manuela, Lydie... vous en souvenez vous ?

Ces souvenirs sont encore bien vivants et, si par un incroyable malheur ils venaient à s'émousser, la liste de lecture "Bus Palladium Tribute" qui n'a cessé de s'enrichir depuis lors et passe en boucle sur mon i-pod et le talent unique de Nicolas Lespaule pour ranimer la flamme chaque samedi soir à la radio seraient là pour les réveiller. Il suffit souvent d'un rien...