samedi 8 décembre 2018

8 décembre 2018

Samedi 8 décembre 2018, en la basilique Santa Cruz d'Oran les sept moines trappistes assassinés à Tibhirine au printemps 1996 ont été béatifiés par l'Eglise catholique.

Actualité heureuse pour ceux qui croient aux forces de l'esprit, mais d'abord horrible drame qui puise sa source dans la souffrance toute humaine d'une violence infligée jusqu'au martyre, j'associe cette information à un - très récent - moment agréable (il y en a peu, ces derniers temps...) avec maman qui a bien ri quand elle m'a raconté comment sa gériatre, lui parlant de l'inscription de sa propre fille au collège, lui avait dit sa "fierté" (sic!) de connaître la mère d'un "grand ancien de Sainte Marie" (re-sic!). Alors, nous sommes allés y regarder de plus près et, en effet, à l'article consacré à Sainte Marie d'Antony sur Wikipédia, parmi les quelques "personnalités" (re-re-sic!) citées, nous avons été surpris de voir figurer mon nom... En excellente compagnie, puisque entouré de  Jean Raspail et de Christian de Chergé. Et que pourrait-il bien y avoir de commun, mis à part d'avoir fréquenté le même établissement scolaire, entre un écrivain monarchiste et réactionnaire, au catholicisme très traditionnel, le prieur des moines de Tibhirine, ami de la paix ayant oeuvré sans relâche au dialogue islamo-chrétien, et, un républicain ayant essayé de servir son pays de façon bien modeste, cherchant anonyme, à la spiritualité toute laïque ?

Raspail aime la France, "sa" France, une France royaliste et conservatrice, celle de Jeanne d'Arc et des Bourbons. Il affirme toujours sa nostalgie d'un temps passé et, en popularisant la figure d'Antoine de Tounens, roi de Patagonie, c'est de la grandeur de la France dont il nous parle. N'étant pas monarchiste et certainement bien plus progressiste que cet écrivain de marine, hérault d'un monde ancien et disparu, j'apprécie pourtant, pour sa belle plume et son lyrisme emprunt de nostalgie, son oeuvre, et pas seulement son odyssée patagone.

Le père Christian de Chergé est mort non pas parce que prêtre mais parce que français. c'est en tout cas ce qui transparaît dans les communiqués de revendication attribués à l'époque de l'enlèvement au GIA. Français ayant fait le choix, par amour, d'aller vivre en Algérie, au coeur d'un pays qu'il connaissait depuis l'enfance et qu'il aimait au point - ce sont ses propres termes - "de donner sa vie pour lui". Mais s'il était français de nationalité, il était aussi moine et prêtre et voulait oeuvrer à une meilleure compréhension entre l'Islam et la Chrétienté. Il a notamment créé un groupe d'échanges et de prières avec des membres de la confrérie soufie Alawiya fondée par Sidi Ahmad Mustafa al-Alaoui (dont fut proche Frithjof Schuon, déjà cité ici pour ses travaux sur le soufisme, et qui entretenait une correspondance régulière avec René Guénon) orienté sur l'intériorité et un retour au divin excluant tout activisme religieux extérieur (et, par essence, tout fondamentalisme et tout recours à la violence). Peut-être faut-il aussi y trouver une raison supplémentaire à son assassinat ? Je me reconnais un peu, et très immodestement, dans cette recherche de transcendance qui m'a également conduit à lire Schuon et Guénon...

En ce qui me concerne, je me contente de croire - encore - à notre idéal laïc et républicain.

Si le réel n'est que par ce qu'il est impensable, ce que Paris et d'autres grandes villes de province ont connu aujourd'hui est malheureusement bien réel. Pour ceux qui en douteraient encore, s'en prendre aux symboles de la République et, au-delà, de la Nation, c'est s'en prendre à la République et à la Nation. S'en prendre à un haut-relief de Marianne comme ce fut le cas à l'arc de triomphe la semaine passée ou vouloir, par la force, entrer à l'Elysée, c'est bien s'en prendre à la République et aux valeurs qui la fondent, de Liberté, d'Egalité et de Fraternité.


Quand j'entends sur les plateaux télé certains parler de "violence pacifique" (sic!) ou de "légitime violence" (!!!...), je suis simplement révolté. La première des libertés c'est la sécurité de nos concitoyens. Heureusement que nous avons des forces de l'ordre dont l'engagement républicain est lui, une réalité et qui ne transigent pas lorsque l'essentiel est en cause.

Placée au centre de la place de la Nation à Paris, Marianne c'est tout à la fois la mère patrie, la protectrice et la guerrière. N'en déplaise à ceux de Tarnac, aux comités invisbles et aux obsédés de tous bords de l'insurrection qui vient, à ceux qui pensent que toutes les raisons de faire la révolution sont réunies, heureusement le chaos ne l'a aujourd'hui pas emporté. Pour un républicain sincère, rien ne justifie de s'en prendre à Marianne, rien.