mardi 28 septembre 2021

Rien n'est plus terrible

A l'exception de la sphère intime qui, fort heureusement, réserve encore des instants où le bonheur sait faire irruption dans nos vies, les temps ne sont guère heureux. Nul doute qu'il puisse être alors tentant pour beaucoup de se réfugier dans les chimères faussement rassurantes d'une toute puissance promise par un progrès débridé, celui d'une science sans conscience, telle qu'évoquée il y a près de 500 ans par Rabelais. De celles d'une pensée exclusivement rationnelle et scientiste qui autoriserait tous les fantasmes en repoussant l'idée même de transcendance dans les limbes d'une histoire de l'humanité qu'elle croit révolue. 

Selon un récent sondage, si pour 68 % des français "la religion transmet des repères et des valeurs positives", seuls 49 % de nos concitoyens affirment "être croyants". N'est-ce pas la peur de la mort qui pourrait paradoxalement les faire de plus en plus renoncer à Dieu ou même simplement douter de son existence ? Certains de nos commensaux semblent en effet tentés de se tenir éloignés de Dieu, espérant sans doute que, les ignorant, il pourrait, le moment venu, oublier de les rappeler à lui. Pour vivre heureux, vivons caché ! Trop humain, peut-être ?

C'est oublier un peu vite notre condition d'être spirituel et de mortelle créature. Deux qualificatifs qui, à mes yeux, sont au sens propre inséparables. Nous voudrions être libres et humains, oubliant parfois, un peu vite, qu'il n'est de liberté sans respect de certains principes et que c'est d'abord notre qualité d'êtres spirituels qui nous rend libres. La science annonce régulièrement la très prochaine "mort de la mort". Mais vouloir, à tout prix, prolonger la vie pour la vie, n'est-ce pas nier notre humanité elle-même en voulant s'affranchir d'un des éléments majeurs qui la fonde ? Le désir d'éternité ne dément-il pas le désir d'appartenance à une Humanité qui nous dépasse ? Que serait demain un être que les progrès de la science auraient rendu immortel ? Quelle serait encore sa part d'humanité ?

Si notre condition humaine se définit comme celle d'animaux rêveurs et poétiques, au fond qu'avons-nous en commun ?  Le rêve, qui est fondement de notre rapport intime au monde, cette langue intérieure, dans laquelle s'exprime l'inconscient, cette part la plus sacrée enfouie au plus profond de chacun de nous et, bien sûr, la mort, qui n'est autre que l'expérience tangible de la finitude. Certains semblent vouloir, quel qu'en soit le prix, s'en acquitter. Rien n'est plus terrible qu'oublier.

lundi 20 septembre 2021

Mieux vaut ne plus rien lire

Certainement as-tu relevé, comme moi, le nombre désespérément surprenant et toujours exponentiel de conneries que l'on peut lire sur le Net. Entre les attardés du bulbe, les complotistes néo cons, les vrais-faux experts, les illuminés (et pas seulement de Bavière...), les amateurs de chatons et les inconditionnels enfiévrés de tout et n'importe quoi, chacun peut s'exprimer comme bon lui semble et exposer "sa" vérité.

S'il m'arrive parfois d'exprimer ce que je crois, jamais ce blog n'a eu la prétention de révéler une vérité. Il faut être bien prétentieux et même faire preuve d'une forme d'impudence pour oser prétendre détenir ne serait-ce qu'une once de vérité. Et d'ailleurs - comme l'a si justement écrit Pascal - ce qui est vrai ici l'est-il toujours ailleurs ? Ce qui est tenu pour vrai pas les uns l'est de moins en moins souvent pour les autres. La vérité, comme l'horizon, s'éloignerait-elle chaque fois qu'on s'en approche ?

Savoir et connaissance ne font pas toujours bon ménage. Nombreux sont ceux qui, pour mieux comprendre, sont désormais enclins à lire ou à écouter tout et n'importe quoi tant nous sommes, pauvres humains, incapables de supporter l'incertitude et le vide. Se contentant d'emmagasiner un savoir parfois douteux, certains pensent accéder à la connaissance. Ils confondent souvent acte de foi, opinion et expérience du réel et pensent pénétrer la vérité en essayant de trouver des réponses à l'incertitude de l'existence, même et surtout si ces réponses sortent du cadre rationnel. L'absence de toute preuve de ce en quoi ils croient devient à leurs yeux la preuve même de la véracité de ce qu'ils affirment.

Avec les réseaux sociaux, la tentation est grande pour celui qui le souhaite de vivre dans une bulle où tout débat, toute controverse, toute confrontation sont bannis. Qu'il est rassurant de vivre dans un monde dans lequel ne s'expriment exclusivement que des points de vue qui vous plaisent et qui vous affermissent dans vos certitudes ! Il est tellement plus facile de croire uniquement ce qui vous arrange... 

Méfions nous des préjugés, de l'illusion et des opinions dogmatiques ! Alors, en guise de - provisoire - conclusion, ami lecteur, je te livre cette sentence dont tu feras bien ce que tu voudras : Si tu crois tout ce que tu lis, mieux vaut ne plus rien lire.

jeudi 9 septembre 2021

S'oublier un peu pour davantage se souvenir

Les morts des autres sont notre vieillissement, et rien de plus. 

Elias Canetti

Qui d'entre vous, chers lecteurs, se souviendra avec moi du temps des cantonniers et des gardes champêtres ? Quand j'étais enfant, ces deux figures étaient des personnages importants du paysage du village où, chaque été, je séjournais au mois de juillet auprès de mes grands-parents. Nous passions alors presque tout notre temps libre, au grand air, à gambader dans les champs environnants. il n'était pas rare alors de croiser l'un ou l'autre au détour d'un chemin ou d'une route vicinale.

Quand la journée touchait à sa fin, c'est de la lecture des bibliothèques, rose puis verte, que venait parfois l'inspiration pour le scénario des aventures buissonnières du lendemain. Et puis, le dimanche soir nous le consacrions au film que nous regardions en famille sur la première chaîne. Deux des films favoris de mon enfance étaient L'homme de Rio et Les tribulations d'un chinois en Chine. J'aimais le cinéma de Philippe de Broca et le jeu tout en énergie comique de Jean-Paul Belmondo. Et puis, Hong-Kong était encore un orient lointain et fantasmé et Rio, synonyme de musique, de fête et de légèreté. Ces films ont, je le crois, beaucoup œuvré à me donner le goût des voyages et lorsque, bien des années plus tard, j'ai découvert l'une puis l'autre de ces deux villes, j'ai repensé aux aventures picaresques du deuxième classe Adrien Dufourquet et du milliardaire désœuvré Arthur Lempereur. 

Aujourd'hui la France à rendu un hommage national à Jean-Paul Belmondo. Tout comme des millions de français, j'aimais Bebel. Qui plus est, j'ai eu la chance que mon père et lui jouent ensemble au Football au sein de l'équipe des Polymusclés et qu'ils nourrissent alors une réelle amitié. Quelques fois, il m'est arrivé - inconscient de ma chance - d'embarquer, à ses cotés, à bord de son rutilant cabriolet de l'époque, sur les genoux d'une starlette bronzée, quand il arrivait à mes parents de passer, en bande, des vacances sur la Côte d'Azur. Même si mes souvenirs sont aujourd'hui un peu flous, ma mère me racontait, peu de temps avant que la maladie l'emporte, nos séjours azuréens des années 60 et je comprenais alors, en voyant les étoiles dans ses yeux, combien la vie était légère à cette époque et comme mes parents savaient s'amuser. En roulant sur la corniche, entre Monaco et Saint Jean, ce sont les routes du Corcovado ou du Pic Victoria que j'arpentais assis dans l'auto de mon héros. 

Oubliant un peu ma peine de voir, avec cette disparition, une partie de mon enfance s'envoler définitivement, ce sont mes joies de gosse dont je préfère aujourd'hui évoquer le souvenir. S'oublier un peu pour davantage se souvenir... Merci Bebel et salut l'artiste !

Les Polymusclés dans les années 60, une équipe de légende...
Des mecs, des potes, qui jouaient sérieusement au Foot sans jamais se prendre au sérieux!
Sur cette photographie, on reconnait Michel Creton, Claude Brasseur, Jean-Marie Baudier, Jean-Paul Belmondo, Pierre Vernier, Mario David et Just Fontaine.