mardi 23 novembre 2010

Ça tient parfois à trois fois rien...


La scène se passe en 1970, dans la cour de récréation de l'école Saint Jean Eudes, établissement d'enseignement qui accueillait alors les classes élémentaires de garçons de l'Institution Sainte Marie, rue Auguste Mounié à Antony. Un groupe d'élèves est réuni autour de celui qui raconte ses aventures en forêt de Fontainebleau. Fait prisonnier par une troupe de sauvages amazones aux seins nus alors qu'il se promenait le weekend précédent dans les gorges de Franchard avec ses parents, il nous raconte comment la cheftaine de la tribu a fait de lui pendant quelques temps le jouet de sa fantaisie. Comment ses "grandes" d'une quinzaine d'années ont abusé de sa faiblesse en lui roulant des palots baveux, et, entre deux parties de billes nous l'écoutons, en l'enviant, nous conter ses aventures et ce qui constitue à nos yeux de véritables exploits. Le souvenir précis et minutieux de sa capture, celui des tortures indiennes qu'il a subies sans broncher, comment il s'en est sorti, en séduisant la plus belle des guerrières et en jurant de ne jamais révéler le chemin de leur secret repaire donnent le prétexte à d'épiques récits. Autant d'épisodes qui, durant une semaine, vont nourrir nos rêves et animer la récré... Sans doute avait il croisé une troupe de jeannettes pendant la ballade dominicale et familiale... Ah que la vie est belle en ce début des années 70 !

Nous sommes au printemps. Mon voisin, un "hippie" plus âgé que nous, habillé de soieries indiennes, chaussé de Pataugas, et déjà grand fumeur de shilom, m'a offert trois disques pour mon huitième anniversaire ...  

Sweet Smoke - Just a poke

Abbey Road - The Beatles

Abbey Road, dernier album enregistré en studio par les Beatles, Sweet Smoke de Just a poke - un album composé de deux uniques plages de plus de 15 minutes chacune, à la  musique au moins aussi psychédélique et colorée que l'était la pochette de ce groupe américain exilé en Europe ... - et Atom heart mother du Pink Floyd, album de rock progressif déjà marqué par la créativité sonore d'un ingénieur du son nommé Alan Parsons dont le talent génial allait définitivement éclaté trois ans plus tard avec le soin si particulier qu'il allait porter à la production de "The dark side of the moon". Je suis encore très reconnaissant aujourd'hui à ce voisin que je n'ai plus revu depuis qu'il a  décidé un matin de quitter les trottoirs de l'avenue Aristide Briand pour les plages de Goa et  les cimes de Katmandou. Je le remercie de son goût très sur. Il a tôt contribué à m'ouvrir tout grand les oreilles. 
Atom Heart Mother - Pink Floyd
Ces trois 33 tours vont pendant longtemps tourner en boucle sur mon phono. Avec la Soul de Solomon Burke et son Everybody needs somebody to love, un disque de la série "Formidable Rythm'n Blues" du label Atlantic qui appartenait à mon père et que j'ai lui aussi beaucoup écouté, ils constitueront l'amorce de ma collection et ont contribué à me plonger avec délice dans l'univers du Rock'n Roll. Quarante ans plus tard, je suis toujours dans le bain.

Pop Music, Rock'n Roll et Soul, voilà le triptyque fondateur sur lequel j'ai bâti mon propre panthéon musical. Et si mes goûts m'ont ensuite davantage fait pencher du coté des Stones, je suis resté fidèle à "Come together", "Because" ou "Carry that weight" et "Here comes the sun" reste pour moi une ballade essentielle dans l'histoire de la musique populaire. 

Ces trois disques que ma mère regardait comme s'il s'était agi des objets maudits d'un culte satanique, ces trois galettes de vinyle noir avec leurs pochettes reconnaissables entre toutes, je les écoute encore aujourd'hui. Ils ont contribué à changer ma perception du monde.  Ça tient parfois à trois fois rien...