mardi 15 novembre 2011

Six mois sans rien avoir écrit...

Tout soudain je m'aperçois que je n'ai plus rien publié sur ce blog depuis longtemps. Presque une demi-année. Mais après tout est-ce si grave ? Est-ce si long ? Oui, si l'on considère l'exercice du blog comme une forme d'expression instantanée, presque immédiate, et qui obligerait à une manière de régularité quasi-quotidienne et presque mécanique. Non, si l'on ne veut pas risquer d'avoir, juste pour respecter le rythme et la forme à n'écrire pas grand chose sur presque rien. La question en tout cas mérite d'être posée car  si le fait de ne rien écrire ne m'a pas gêné outre mesure, au risque du narcissisme je crois pouvoir dire que celui de ne pas avoir pu être lu m'a parfois été reproché.

Pourtant, ce constat d'absence de production ne me fait ni chaud, ni froid. Aucune angoisse ne m'étreint. Rien à voir en tout cas avec la fameuse angoisse de la page blanche; cette difficulté, ce blocage parfois rencontré par les écrivains pour trouver l'inspiration et qui les terrorise. Non, simplement, je me rends compte que je n'ai pas vu le temps passé, que je ne suis plus venu m'allonger sur ce blog depuis bientôt six mois et que si je n'ai pas écrit c'est que je n'en ai pas éprouvé le besoin car je n'avais rien de plus à dire. Le silence, mon silence, n'a en rien été l'expression d'une absence à pouvoir communiquer mais bien plutôt celle d'une communication de l'absence. Et puis l'angoisse de la page blanche lorsqu'on publie sur un blog, tu conviendras avec moi, cher lecteur, que c'est une formule quelque peu inadaptée! J'aime l'idée d'être un blogueur du dimanche et d'écrire quand l'envie me prend, à mes heures perdues, le soir tard, le matin tôt, sans contrainte aucune sauf peut-être celle de devoir respecter des règles que j'aurais moi même fixées pour satisfaire mon désir d'écriture.

Écrivain ne suis, blogueur très occasionnel je reste. Ce que j'aime dans cet exercice du blog c'est qu'il autorise  une forme d'illusion de l'écriture. En rédigeant des textes courts et rapidement écrits, sur un support dématérialisé, le rapport aux mots  me semble moins dramatique, moins essentiel, et pour tout dire moins vital; somme toute bien différent de celui qu'entretiennent au Verbe ceux qui professent d'écriture, qui vivent parce qu'ils écrivent, qui écrivent pour vivre, qui vivent de et par leur écriture. Les mots ne sont pas pour le blogueur amateur que je suis une question de vie ou de mort mais au contraire une forme ludique de jeu auquel je m'adonne, de temps à autre, pour m'amuser et distraire, avec légèreté. Sans les symptômes de l'addiction. Ni angoisse, ni manque, ni dépendance...
Blogueur, blagueur, oui ça me va bien.

Mais si "je suis parce que je pense", suis-je vraiment ce que je pense être ? En écrivant, je donne forme à mes petits riens par des signes visibles et compréhensibles aux autres. Ce long silence d'un semestre n'est-il pas au fond l'expression même de ce que je suis et du rapport que j'entretiens avec la parole ? Est-on vraiment parce que l'on a conscience d'être et qu'on l'exprime, qu'on le verbalise ? Est-on parce que l'on sait qu'on est ? Le sachant ne court-on pas le risque de ne pas s'avoir ? S'avoir pour mieux être ? Devenir un être sans savoir et douter davantage encore, en silence...

vendredi 17 juin 2011

Rien à faire

Les voitures, je suis quasiment né dedans. Toute mon enfance, chefs d'atelier, vendeurs ou mécaniciens se sont succédés pour me conduire à l'école au volant... Selon qu'ils laissaient dans l'habitacle une fragrance mêlée de Gitanes et d'huile de vidange ou bien des effluves de Petrol Hahn ou d'un après-rasage Aqua-Velva couvrant à peine des relents de cigarillos bon marchés, je comprenais qu'ils appartenaient à tel ou tel de ces deux mondes que ne séparait pas uniquement la Nationale 20. Car les équipes des Établissements Roger Porte se faisaient face et se toisaient d'un coté et de l'autre de l'avenue Aristide Briand. Sur un trottoir, le service après-vente, l'atelier et les pièces détachées. Sur l'autre, la direction générale et les ventes. Ma mère régnait sur l'un quand mon père dirigeait l'autre...Une forme de résumé du monde avec ses cols bleus et ses cols blancs, son aristocratie et son prolétariat, ses rouleurs de mécanique et ses mécanos, ses hommes et ses femmes...

Pour mon dix-huitième anniversaire mon père m'a offert un petit coupé sport italien. Je n'avais pas encore  le permis de conduire. Alors c'est dans le garage de la rue du Nord qu'au volant de mon Alfa-Romeo Giullietta Coupé GT Veloce 2000 de 1969 je rêvais aux mythiques spéciales du Tour de Corse ou aux étapes de montagne du rallye de Monte-Carlo. Avec mon ami Pierre comme copilote, nous tournions la clé de contact juste pour écouter le ronronnement du deux-litres italien et si nous nous risquions parfois à faire une manœuvre, c'était uniquement sur quelques mètres, d'avant en arrière, lorsque, en fin de semaine, l'atelier était moins encombré...

Cette splendide petite italienne, je n'ai jamais roulé avec ailleurs que dans mes rêves et, sur quelques mètres, dans ce garage.  Je l'ai revendue au frère de l'un de mes amis d'alors, aristo très catholique et très à droite qui fréquentait la faculté de la rue d'Assas. Les rallyes qu'il courait ne dépassaient pas les frontières du seizième arrondissement et ses trophées étaient des filles à papa qui peuplaient le grand amphithéâtre pour y trouver le futur père de leurs nombreux enfants...

Moi, la voiture m'a toujours rendu malade !

A la simple évocation du souvenir d'une lecture en auto, fut-ce seulement quelques malheureuses lignes, j'ai des sueurs froides, la nausée me submerge et la migraine me prend.  Mes parents, les médecins, mon Psy... On a eu beau faire et essayer de me convaincre du contraire, je suis malade en voiture. Alors pouvoir, à l'occasion d'un trajet automobile, faire sa correspondance, signer des parapheurs, ou simplement lire le journal, tout m'est dans l'évocation même insupportable ! Ce handicap, car c'est un handicap, m'aurait à lui seul empêcher de pouvoir avoir le goût ou l'envie de me faire élire quelque part. Rien à faire.

dimanche 22 mai 2011

Il n'en fut rien


En lisant dans le Point de cette semaine la chronique de Gilles Pudlowski, le souvenir d'un repas mémorable partagé, à l'occasion d'un séjour lotois avec le cousinage des Bailly, chez la mère Daudet me revient tout soudain. C'est sur la toile cirée de cette maison lotoise, au cœur du village de Lhospitalet, situé entre les communes de Labastide-Marnhac et Pern, perché sur le Causse à dix kilomètres de Cahors, que le président Maurice Faure avait pour habitude de traiter ses invités de marque... C'était une époque - révolue - où les hommes politiques n' hésitaient pas à passer à table, et à y rester de longues heures. J'ai compris ce jour-là pourquoi dans le langage populaire de la quatrième République on avait coutume de marier radicalisme et cassoulet...

Le "Pastis"
Notre ami et voisin de la rue de Babylone, Luc, qui faisait alors son service militaire était déjà connu pour son coup de fourchette. Il fut le seul, je crois, à faire honneur à chaque plat, et même à se resservir sous les assauts répétés - et insistants - d'une mère Daudet trop heureuse d'avoir trouvé un convive dont l'appétit était à la mesure de son talent... 

Bouillon gras, crudités variées, cou farci, fritons, foie gras, truites au bleu, confit de canard et pommes de terre sarladaises, salade aux noix et cabecous de Roquamadour crémeux, sorbets et tartes, et pour finir un Pastis d’anthologie. Ce menu d'un déjeuner qui constituait l'ordinaire de cette table d'hôte fut arrosé d'un gouleyant coteaux du Quercy de Castelnau-Montratier. Et pour finir, nous fîmes honneur à une vieille prune de Souillac de chez Louis Roque. Rien de trop...

Dans le même ordre d'idée me revient - c'était bien des années après - un très agréable souvenir de la campagne présidentielle de 1995. 
Une tête de veau mémorable
C'était à la fin de l'hiver. Nous avions emprunté en convoi la route nationale, au sortir d'un meeting électoral tenu dans le gymnase où jouait habituellement l'équipe de Basketball de Clermont-Ferrand. Nous avions fait le déplacement en Auvergne pour que le président du Conseil régional, après qu'il eut reçu notre candidat dans son bureau de Chamalières, put officiellement appeler à voter pour son ancien Premier ministre. 

Comme souvent dans ces occurrences j'étais sorti de la voiture le cœur au bord des lèvres. Malade, sans oser le dire, d'une conduite chahutée et trop rapide sur les routes du massif central. Nous avions soupé fort tard en compagnie des journalistes, à l'occasion d'une étape nocturne aux Gravades, cet hôtel d'Ussel où Jacques Chirac avait en haute-Corrèze ses habitudes. Peu nombreux furent ceux qui allèrent se coucher sans manger tant les odeurs de cuisine qui nous accueillirent étaient allèchantes.

Jamais je n'aurais cru pouvoir, en cette heure avancée de la nuit, faire un tel honneur au pâté aux cèpes, à l'omelette aux truffes, à la tête de veau sauce Gribiche et aux pommes de terre sautées dans la graisse d'oie. La nuit fut courte mais le sommeil lourd et réparateur. Dès le lendemain, nous repartions sur les routes du Limousin et je m'arrangeais, dès lors, pour m'asseoir à l'avant des voitures. J’espérais, en prenant la place du mort, éviter les tourments de la route. Il n'en fut rien...

vendredi 28 janvier 2011

Rien de spécial...

Ce matin en entendant le groupe "Au Bonheur des Dames" programmé sur FIP - dont on fête ces jours-ci le 40ème anniversaire - beaucoup de souvenirs me reviennent. Je réalise à quel point FIP a compté dans l'élaboration de mes choix musicaux et pour la constitution de ma playlist personnelle. Presque autant que NOVA, que Patrice Blanc-Francard, que Bernard Lenoir ou encore Antoine de Caunes et son Chorus. Presque autant que les sets des Disc-Jockeys du Bus en cette fin des années 70, début des années 80.
ABBD c'était un OVNI, le fruit défendu d'un croisement osé entre Chuck Berry, pour l'énergie d'un rock dépouillé et agressif, et le Grand Magic Circus pour les costumes et la dérision très 70. Je les avais vus sur scène au Parc Heller, à Antony. Ce devait être en 75/76, au moment de leur - premier et seul - succès populaire, "Oh les filles"! Je trouve encore, trente cinq ans plus tard, ce morceau toujours aussi fendard et entraînant. J'adorais le coté bon enfant et décalé, mais dans le même temps très rock' n roll de Ramon Pipin et sa bande. A leur façon, ils annonçaient avant l'heure une manière de Punk à la française. L'énergie sans la révolte...

L'été qui suivit ce concert en plein air, mes parents ayant décidé de tourner le dos à dix ans de fidélité à la Baule les pins, nous avions passé les vacances à Port Barcarès. De ma chambre, d'hôtel, j'apercevais la silhouette immense et solitaire d'un paquebot immobile et balayé par la Tramontane. Il avait été échoué sur cette plage du Roussillon pour y servir de décor à un casino-salle de spectacle qui complétait le complexe hôtelier où, sur le modèle de la Costa Brava toute proche, un groupe d'investisseurs japonais imaginait alors les vacances du futur des européens... 

Construit en Scandinave dans les années 30 pour des croisières dans les eaux australiennes avant d'être revendu à une compagnie grecque pour assurer la ligne régulière Beyrouth-Marseille, désarmé en 1967, le "Lydia" avait été ensablé sur cette immense plage par quelque promoteur sans doute un rien mégalomane qui rêvait d'en faire le symbole de la naissance des nouvelles stations balnéaires de Port-Barcarès et Port-Leucate.

Je me suis ennuyé ferme à Barcarès...

Sauf un jour où, dans le grand hall où traînait un billard américain, je les ai vus. Eddick Ritchell, Rita Brantalou, Shitty Télaouine, Ramon Pipin, Hubert de la Motte Fifrée ... Bref les membres d'ABDD au grand complet ! Ils descendaient force bières et cocktails au rythme de parties de billard aux règles de plus en plus hétérodoxes pour tuer le temps qui les séparait de l'heure de monter sur la scène du Lydia...  Ce fut pour moi un grand moment de rigolade et cela reste, encore aujourd'hui, un souvenir agréable. Pourtant, rien de spécial ne s'est passé ce jour-là. J'avais juste partagé la déconnade d'une bande de potes un peu allumés qui jouaient au billard.

Quelques années plus tard, dans la gare d'Orsay pas encore transformée en musée, nous étions allé avec Cécile, Claire et Arnaud assister à un concert du groupe "Odeurs", nouvel avatar du gang de musicos allumés mais talentueux qui s'agrégeaient autour de Ramon Pipin. Un fou furieux, mais aussi un excellent guitariste. Nous y étions allé parce que Claire nous y avait entraînés. Il faut dire que son oncle par alliance David Rose, excellent violoniste de jazz-rock qui porte le même nom que l'ex-mari de Juddy Garland, jouait ce soir là avec eux. 

Avec ce nouveau groupe de rock parodique, on était dans le délire intégral. Sur scène encore plus que sur leurs disques d'ailleurs. Nous avons beaucoup ri et beaucoup dansé. Je venais de m'acheter un appareil photo argentique Canon et j'avais fait de - très - mauvais clichés dont la médiocre qualité ne m'a malheureusement pas permis de conserver une trace physique de ce concert. Ces photos n'auraient sans doute pas intéressé grand monde d'ailleurs. Elles n'avaient rien de spécial, Non vraiment, rien de spécial.