lundi 30 août 2010

Un peu en dehors du jeu


C'est dans la section Athlétisme que j'ai défendu les couleurs bleu et rouge du Métro. A part un peu de Handball en corpo scolaire avec l'équipe de Sainte Marie, je n'ai en effet jamais été très porté sur la pratique des sports collectifs. D'ailleurs, c'est au poste de gardien de but que je me trouvais le plus à ma place; un peu en dehors du jeu.

M. Cheyrouze, notre professeur de sport était également entraîneur au stade. Avec lui, je me suis lancé dans le saut en longueur, le disque et le javelot. Sans doute - le pauvre ! -  croyait-il en mes capacités à rapporter quelque médaille au club. Alors, à l'entraînement intensif succédaient les stages d'hiver à l'École Inter-Armées des Sports de Fontainebleau, l'ancien Bataillon de Joinville. Celui-là même où mon père aurait dû faire son service militaire s'il n'y avait eu cette  malheureuse altercation avec un gradé à la gare de l'Est au retour d'une permission...Tarif : deux ans d'Algérie; fin de carrière prématurée pour lui qui avait été le plus jeune footballeur professionnel de sa génération, sélectionné plusieurs fois en équipe de France espoir. Fin du rêve sans doute. Tout ça pour un salut manqué.

Marie-Christine Debourse
Au stade, notre aînée de quelques années, celle qui nous faisait rêver, que nous regardions avec admiration - et aussi un peu de concupiscence - c'était la plusieurs fois championne de France de saut en hauteur et de pentathlon, Marie-Christine Debourse. Elle était gironde Marie-Christine, alors on guettait ses entraînements pour pouvoir admirer le galbe de ses cuisses lorsqu'elle ôtait son pantalon de survêtement.

Moi, ce que je détestais dans l'athlétisme, c'était les courses de fond. Et puis d'avantage encore, en hiver , les cross-country... J'ai toujours eu horreur de ça et je n'ai d'ailleurs depuis  jamais sacrifié à la mode du jogging. 
Je garde un souvenir particulièrement ému d'un cross couru à Orléans. Ce fut le dernier. J'avais terminé longtemps après les autres concurrents, accompagné par mes camarades de club dans ce qui m'est apparu à l'époque comme un effort surhumain . Ils étaient revenus dans la course pour me soutenir, sous quelques flocons de neige qui commençaient à tomber, car ils sentaient bien que j'aurais pu flancher. Je suis quand même allé au bout. Une fois la ligne d'arrivée passée, à l'orgueil d'avoir terminé malgré tout se mêlait la honte  et une grande reconnaissance envers mes compagnons de club. Je n'ai pas abandonné, je suis arrivé dernier - il en faut bien un  - et ce jour-là, j'ai décidé d'arrêter. Pas seulement l'athlétisme, le sport en général.

C'est mon pote Denis qui m'avait amené à fréquenter le stade. Orphelin très tôt de père et de mère, il vivait avec sa vieille grand-mère près de la station Chemin d'Antony du RER . C'était un colosse breton qui lançait loin le poids et le marteau et qui vouait une passion dangereuse et inconsidérée aux armes à feu. Tellement d'ailleurs que quelques années plus tard il est tombé pour détention illicite d'armes de guerre et trafic. Ce qui lui valut de passer pas mal de temps derrière les barreaux. Il avait été appréhendé sur une bande d'arrêt d'urgence d'autoroute pour cause d'utilisation malencontreuse et , il faut bien le dire, un peu abusive, d'un gyrophare de Police et d'une sirène deux-tons. Il avait un calibre sur lui. Il s'en séparait rarement... En perquisitionnant  le pavillon de la rue des Pivoines, les flics sont tombés sur une véritable armurerie dans la cave. De quoi faire sauter tout le pâté de maison !

Délégué national adjoint des jeunes du R.P.R.
C'est le même Denis qui, la toute première fois, m'entraîna  dans une réunion politique. Lui, ce qu'il aimait c'était le parfum des campagnes électorales. L'odeur de la colle Quelyd pour les affiches. Et puis la bagarre. Les relents de poudre qui parfumaient encore à cette époque les campagnes. Moi j'étais emballé par le ton de l'appel de Cochin. Celui que Chirac avait lancé depuis le lit d'hôpital sur lequel il était cloué par les séquelles du grave accident de voiture qu'il avait eu au volant de sa CX en hiver sur une petite route de haute-Corrèze. C'était en 1979, pour les élections européennes. Nous pensions alors que la France était menacée par un complot fomenté par les tenants du parti de l'étranger (sic !) et nous recouvrions les murs d'affiches de la liste "Défense des Intérêts de la France en Europe". Cette élection se solda par l'un des plus gros échecs du futur Président. Elle marqua aussi mon adhésion au R.P.R.


vendredi 27 août 2010

Je suis né....


Je suis né dans l'arrière-cour d'un bistrot. J'aime les bistrots.
Je suis le fruit de deux générations de bistrotiers corrèziens.

Le café-hôtel-restaurant de mon arrière grand-père, le citoyen Porte François - comme il est fait mention sur sa carte du PCF, section des corrèziens de Paris et natifs  - accueillait en fin de semaine les parisiens qui voulait prendre l'air de la campagne. On  venait de loin pour la cuisine d'Eugénie. On mangeait bien à Antony à cette époque. C'était encore une zone très rurale par bien des aspects. Dans le Petit Journal, on décrit encore, en 1922 : "La jolie commune d'Antony" comme "une de celles, dans la banlieue de Paris, où l'agriculture est restée la plus florissante". Dans son auberge, il accueillait noces, bals et banquets ; les clients y jouaient à la coinche et au billard français, et même, dans une grande salle aménagée tout exprès, on donnait alors des séances de Cinématographe !

Pendant ses jours de congés, ma grand-mère Simone, lorsque son travail de vendeuse au rayon garçonnets du magasin du Bon Marché lui en laissait le loisir, servait  pour donner un coup de main à Roger qui, après une solide formation initiale acquise à l'école hôtelière de Clermont-Ferrand et ses premières armes chez Maxim's de Paris et au très luxueux Grosvenor House de Londres, supervisait en salle  pour aider ses parents. A cette époque, on ne chipotait pas sur le Beaujolais. Le Clacquesin, le Byrrh et le Saint Raphaël étaient à la fête plus souvent qu'à leur tour et pour  affronter le coup de feu du dimanche, une aide n'était jamais de trop.

Quelques mois après la fin de la guerre, mon grand-père maternel qui sentait l'avènement de l'ère de l'automobile agrandit l'affaire familiale en lui adjoignant une station-service et se spécialisa, avec la complicité d'amis américains, dans la vente d'articles de caoutchouc : bottes, tuyaux d'arrosage et pneumatiques de marque Firestone figuraient alors aux rangs des produits rares et recherchés. La voiture prit le pas sur la limonade et, dans les années Cinquante, il transforma le tout en un garage Peugeot qui devint très vite une belle et florissante affaire dont il confia la direction à son gendre, mon père. Contraint de mettre un terme prématuré à sa carrière de footballeur professionnel, mon père sut admirablement opérer sa reconversion dans l'automobile et il développa tant et si bien ses affaires qu'il se trouva dix ans plus tard à la tête de  l'une des plus importantes concessions automobiles de France.

J'ai grandi dans une pièce de l'appartement aménagé dans les anciennes chambres de l'hôtel Albuisson qui donnait sur la RN 20. C'était une pièce d'angle, au premier étage, où souvent j'étais réveillé par le tremblement des carreaux de la fenêtre et le souffle rauque de l'hydraulique des freins des semi-remorques qui, empruntant la Nationale, redémarraient après une halte imposée par le feu tricolore qui régulait la circulation à l'angle de la rue du Nord et de l'avenue Aristide Briand. J'aimais alors rester des heures derrière la vitre, espérant voir les bolides de mes rêves traverser à vive allure le théâtre de la rue qui s'offrait à mes yeux. On ne parlait pas encore de limitation de vitesse.

Leclerc à la Croix de Berny
Parfois le 14 juillet, les  Marsouins du régiment de marche du Tchad s'en retournaient avec leurs chars vers leurs casernements de Monthlery en passant devant la maison. Ils faisaient trembler les murs et j'imaginais alors les blindés de Leclerc et de sa 2ème D.B. fonçant à toute allure en direction de Paris, subitement arrêtés dans leur course vers la capitale par une résistance allemande solidement accrochée au carrefour de la Croix de Berny et décidée à défendre farouchement l'accès à la prison de Fresnes. Les durs combats qui s'y déroulèrent et dont la façade de notre immeuble et les volets métalliques des fenêtres portaient encore les stigmates coûtèrent la vie à cinq des compagnons d'armes du héros de Koufra.

Et puis, visible depuis ma chambre, dans l'enfilade, au bout de l'avenue, il y avait l'entrée du stade. C'était bien avant les exploits en "Top 14" des Chabal, Nallet et autres joueurs-vedettes du Racing-Métro 92 au "parc des sports"...


A l'époque de l'US-Métro, on disait "le stade". Il s'y trouvait un restaurant et plusieurs buvettes dont celle du vélodrome qui, pendant un temps, fut tenue par mes grands parents. Car à Berny il y avait un bel anneau de béton où les meilleurs spécialistes de la poursuite derrière moto couraient comme au Vel'd'hiv ou à la Cipale. Avec son revêtement de ciment et ses virages à 45° c'était, avant guerre, l'une des pistes les plus rapides de France. On s'y pressait les jours de grandes courses et on y buvait sec. C'était aussi un temple du noble art où Marcel Cerdan tira plusieurs fois le gant et où, le 13 mai 1945, il l'emporta à la 5ème reprise dans un beau combat contre Jean Despeaux. Ce jour-là, la recette fut exceptionnellement bonne. Mon grand-père se souvenait avec émotion de cette victoire par K.O. du Bombardier Marocain.

Dans ce stade aux installations très complètes, on trouvait même un fronton de Pelote Basque. Véritable complexe sportif avant l'heure, il fut construit dans les années Trente sur l'emplacement de l'ancien champ de courses hippiques de la Croix de Berny. Cet hippodrome oublié fut pourtant, de 1838 à 1848, l'un des berceaux du steeple-chase en France. Les anciennes écuries devinrent des vestiaires.

On y trouvait aussi une très belle piscine en plein air. Un bassin olympique au bord duquel mes parents se sont rencontrés. Ils avaient quinze ans. C'était en 1952. Je suis né 10 ans plus tard...

vendredi 6 août 2010

Le futur, ou presque...


Le Président, grand amateur de petite reine,  montrait lui-même l'exemple en consacrant chaque matin une heure à pédaler, accompagné de deux membres du SPHP, parfois de son fils Jean, de tel ou tel ministre , ou même d'un visiteur de passage, pour actionner le générateur high-tech situé dans l'ancien jardin d'hiver construit en 1881 dans l'aile ouest du Palais par Jules Grevy; son lointain prédécesseur qui avait décidé d'installer la Présidence de la République dans l'ancien hôtel d'Évreux.

Après la débâcle de la réforme des pensions et le grand remaniement consécutif de l'automne 2010, il fallait trouver des idées, une idée, la Grande Idée....  L'illumination  vint sans prévenir de l'esprit fécond de Kevin Grelot, heureux lauréat du Concours Lépine 2011; grâce à sa géniale invention  il donnait enfin au gouvernement l'occasion d'une vraie relance par la participation de chacun et la contribution de tous : l' "éléctrisanté" était née. En faisant sienne la promotion de cette idée, le Président savait qu'il frapperait un grand coup, un très grand. Le concept en était simple et trouvait son expression dans le slogan conçu par un familier du pouvoir - de tous les pouvoirs d'ailleurs -  pharmacien Montpellierain de renom que sa  mère avait longtemps cru pianiste dans un bordel : " l'énergie partout, par tous ! "

Dans chaque maison, chaque immeuble, chaque école, chaque université, chaque prison, chaque foyer d'immigrés, etc... des centres primaires de production d'énergie étaient installés. Ils devaient permettre à terme à la France d'assurer son indépendance énergétique à la force du mollet. En consacrant  désormais une heure chaque jour au successeur moderne de la Sécu, le "Service Universel Civique de l'Energie", chaque citoyen en âge de pédaler et de servir la Nation fournissait de l'énergie au prix de revient très modique et permettait, dans le même effort,  de résorber par une activité physique saine et productive, le déficit de l'assurance maladie en luttant de façon simple et efficace contre l'obésité, l'excès de cholestérol et toutes les pathologies consécutives à un excès de sédentarité. Seuls les coureurs du Tour de France - s'inspirant du glorieux exemple donné par l'équipe de France de football un an plus tôt en Afrique du Sud - avaient renâclé, au début en tout cas, à devoir faire ce qu'ils considéraient être des heures supplémentaires non rémunérées et avaient menacé de faire grève ... un compromis avait heureusement été trouvé sous une forme élaborée d'annualisation du temps de pédalage.

Poursuivant dans la logique technocratique de la RGPP, de la recherche d'économies, et au nom du développement des synergies et de la rationalisation,  le ministère des sports et de la santé avait vu ses compétences élargies à l'énergie, alors que dans le même temps le ministre de l'intérieur voyait son portefeuille s'agrandir à l'écologie et au tourisme... Le vent de la réforme soufflait de nouveau depuis Bercy.

Tapie dans l'ombre et traquée par la nouvelle police de l'énergie, l'opposition "anti-partousarde" tentait de s'organiser au nom du droit à ne rien faire en dénonçant ce que  le leader charismatique du groupuscule de l'extrême centre, avait baptisé de "S.T.O. des temps modernes". Mais en pure perte, car l'idée faisait son chemin, elle s'exportait, on la copiait, le monde entier s'extasiait devant le génie français retrouvé et déjà le président Chinois, en visite estivale et familiale au Cap Nègre, avait annoncé son intention d'importer le concept. L'orgueil national était restauré, les usines de production de générateurs et de cycles tournaient à plein régime, l'économie repartait, et avec elle la création d'emplois. 2012 s'annonçait comme une belle année...