lundi 16 juillet 2018

Tout ou rien ?

Blanc ou noir, vrai ou faux, intérieur ou extérieur, transcendance ou immanence... La vie doit-elle seulement se résumer à une succession de choix ? L'alternative est-elle aussi simpliste ? Tout ou rien ?

Et si le choix ne se résumait pas à sa plus simple acception binaire. Et si, enfin, on décidait d'être un peu plus nuancé, tout simplement. Et si on renouait avec cette belle idée de l'unité perdue ? 

Pas simplement l'un ou l'autre mais l'un et l'autre. Avec "un" et "autre" qui ne se contenteraient pas de s'additionner mais fusionneraient, au-delà des valeurs du "vrai" ou du "faux" dans un troisième terme qui serait celui de la "possibilité". Oubliant un instant la logique classique bivalente pour laquelle une proposition ne peut être que vraie ou fausse, la logique ternaire nous permet d'aborder la troisième voie de l'inconnu et du possible. Un plus un faisant bien plus que deux et un par un ne se résumant pas à un. Une fusion dans laquelle un par un s'exalterait en un trois rayonnant. Mais pas le "trois" entendu dans l'acception classiquement ternaire du chiffre mais bien dans le sens trinitaire d'un "je" qui parlerait à "tu" de "il", l'un parlant à l'autre d'un tiers absent, insaisissable mais pourtant bien présent, symbole de l'unité plurielle, diverse et pourtant perdue de l'humanité.

Mais, si la vie ne saurait se résumer à devoir opter entre "tout ou rien", à force de vouloir en toutes choses exprimer de la nuance, certains pourront objecter que le risque est grand aussi qu' on finisse par ne plus jamais rien choisir du tout... Nous en sommes pourtant loin, tant notre époque utilitariste voudrait partout voir triompher la pensée causale et dualiste du langage le plus répandu qu'est désormais le langage informatique. Une logique binaire tend à s'installer, mortifère en ce sens qu'elle est, par essence, exclusive du tiers. Plus de place pour les interstices ou les chemins de traverse dans une pensée qui ne s'exprime qu'en bits, succession infinie de "0" et de "1". 

Et certains de décrire notre temps comme celui des "ravages de la binarité"ou de la "forclusion du tiers"*. Un temps où la polémique a remplacé la discussion, où le chroniqueur a pris le pas sur le débatteur, ou le tweet tient désormais lieu de figure de rhétorique. "Si tu n'es pas avec moi, tu es forcément contre moi". Est-ce vraiment si simple ?

En un sens, accepter la figure trinitaire c'est nous accepter nous même et donc renouer avec notre humanité. S'ouvrir au tiers, c'est comprendre et accepter l'autre en nous et, partant, concourir un peu à retrouver au fond de soi la trace de l'unité perdue pour essayer, à notre manière, de réunir ce qui est épars à l'effet de nous unir vers l'uni.


* Cf. les travaux de Dany Robert-Dufour sur les mystères de la trinité