vendredi 11 février 2022

Rien d'autre

"Être dilettante, c'est savoir sortir de soi, non peut-être pour servir ses frères humains, mais pour agrandir et varier sa propre vie, pour avoir, au bout du compte, délicieusement pitié des autres, et non, en tout cas, pour leur nuire."  Jules Lemaître


Plus que jamais peut-être, l'heure apparaît, en toutes choses, à l'expertise. 

Ils sont partout ! Et ils nous emmerdent...

Les pédants, les fats, les sentencieux et les pompeux, tous ces faux savants qui font profession de ne rien ignorer sur rien m'épuisent. Rarement, il faut bien dire, une conjoncture comme celle que nous avons traversée au cours des deux dernières années leur aura autant fourni l'opportunité de faire étalage de leur suffisance. C'est bien simple, quelque soit le sujet, ils ne se contentent jamais de questionner ni de conjecturer mais - du haut de leur supposé savoir - ils possèdent, toujours ils affirment et surtout, pas un instant, ne doutent.

En cet instant, te vient-il, ami lecteur, l'image familière d'un ou l'autre de ces importuns ? Si, si, réfléchis, nous en connaissons tous... Je voulais illustrer mon propos par un exemple bien réel, vécu hier en regardant mon poste de TV, mais je me suis ravisé. Ce serait encore lui donner une publicité qu'il ne mérite à mes yeux pas.

Bon, voilà, l'écriture de ce texte rapide en forme de coup de gueule m'a, pour quelques instants, soulagé. Pour ma part, depuis une certaine campagne présidentielle de 1995, je me garde des experts, ces grands sachants qui toisent ceux qui n'en sont pas et je ne crains pas de revendiquer, en de très nombreux points, une manière de dilettantisme. Mais qu'ils sont fatigants ceux-là qui prétendent tout savoir, et rien d'autre.

jeudi 3 février 2022

Croire à rien

"L'on n'a jamais cru tant de choses que depuis que l'on ne croit plus en rien."
Emmanuel de Las Cases

Au-delà d'un bon mot du mémorialiste de Sainte-Hélène, cette maxime, écrite par celui qui joua dans les tous derniers instants de l'Empereur le rôle de secrétaire particulier, me semble assez prodromique tant elle pourrait, près de deux siècles après, parfaitement s'appliquer à une part de plus en plus importante de nos contemporains que l'éloignement de toute spiritualité incline aisément à tout croire, même et surtout, l'incroyable. Je m'explique : A trop vouloir rompre avec l'essentiel, le risque est grand de se perdre dans l'accessoire, et surtout un dangereux accessoire de pacotille...

A force d'exclure toute idée de transcendance, toute spiritualité, alors que nous sommes fondamentalement des êtres spirituels, les mêmes qui rejettent un passé qu'ils refoulent autant qu'ils contestent un présent qu'ils exècrent s'étonnent de ne plus avoir foi en l'avenir ! Mais comment espérer - pour vivre - quand on ne croit plus en rien ?

On peut avoir une présence au monde critique, manier le doute, considérer que l'image que nous nous faisons de la réalité naît d'une forme de construction de notre esprit, tout en conservant - ce qui est mon cas - un regard d'enfant, un regard qui accepte de s'émerveiller et ne rejette pas l'idée même d'une manière de transcendance ; mais sans pour autant sombrer dans le grand n'importe quoi d'une forme de prêt-à-penser spirituel teinté de folklore new-age ni s'égarer dans les méandres de - trop rarement - séduisantes mais - très souvent - délirantes, thèses complotistes ou même céder aux sirènes de théories en "-isme" à la mode ou à une quelconque "post-vérité".

Après que, dans les temps modernes, l'homme a, en toutes choses, voulu rationnaliser en systématisant l'esprit critique, dans notre époque de post-modernité les croyances les plus folles, les théories les plus absurdes, encouragées dans leur développement par l'émergence des réseaux sociaux et l'immédiateté du partage de "l'information" (sic !) font leur grand retour.

Parce que l'homme du 21ème siècle, contrairement à ce qu'a pu prophétiser Malraux, ne sait plus croire, il est enclin à se mettre à croire n'importe quoi. Dans un monde où tout se vaut, il défend son droit de croire, même les pires conneries, au nom de sa liberté de conscience, trop souvent confondue avec la liberté d'opinion. Et, malheureusement, face à ce retour en force d'un imaginaire délirant, soutenu et amplifié par une technologie à la prolifération hors de contrôle, la raison elle-même ne suffit plus à nous fournir les armes pour y répondre. Comment en effet raisonner le déraisonnable ?

Comme l'a écrit G.K. Chesterton, "quand les hommes cessent de croire en Dieu, ils ne croient pas pour autant à rien. Ils se mettent, au contraire, à croire n'importe quoi."