dimanche 22 mai 2011

Il n'en fut rien


En lisant dans le Point de cette semaine la chronique de Gilles Pudlowski, le souvenir d'un repas mémorable partagé, à l'occasion d'un séjour lotois avec le cousinage des Bailly, chez la mère Daudet me revient tout soudain. C'est sur la toile cirée de cette maison lotoise, au cœur du village de Lhospitalet, situé entre les communes de Labastide-Marnhac et Pern, perché sur le Causse à dix kilomètres de Cahors, que le président Maurice Faure avait pour habitude de traiter ses invités de marque... C'était une époque - révolue - où les hommes politiques n' hésitaient pas à passer à table, et à y rester de longues heures. J'ai compris ce jour-là pourquoi dans le langage populaire de la quatrième République on avait coutume de marier radicalisme et cassoulet...

Le "Pastis"
Notre ami et voisin de la rue de Babylone, Luc, qui faisait alors son service militaire était déjà connu pour son coup de fourchette. Il fut le seul, je crois, à faire honneur à chaque plat, et même à se resservir sous les assauts répétés - et insistants - d'une mère Daudet trop heureuse d'avoir trouvé un convive dont l'appétit était à la mesure de son talent... 

Bouillon gras, crudités variées, cou farci, fritons, foie gras, truites au bleu, confit de canard et pommes de terre sarladaises, salade aux noix et cabecous de Roquamadour crémeux, sorbets et tartes, et pour finir un Pastis d’anthologie. Ce menu d'un déjeuner qui constituait l'ordinaire de cette table d'hôte fut arrosé d'un gouleyant coteaux du Quercy de Castelnau-Montratier. Et pour finir, nous fîmes honneur à une vieille prune de Souillac de chez Louis Roque. Rien de trop...

Dans le même ordre d'idée me revient - c'était bien des années après - un très agréable souvenir de la campagne présidentielle de 1995. 
Une tête de veau mémorable
C'était à la fin de l'hiver. Nous avions emprunté en convoi la route nationale, au sortir d'un meeting électoral tenu dans le gymnase où jouait habituellement l'équipe de Basketball de Clermont-Ferrand. Nous avions fait le déplacement en Auvergne pour que le président du Conseil régional, après qu'il eut reçu notre candidat dans son bureau de Chamalières, put officiellement appeler à voter pour son ancien Premier ministre. 

Comme souvent dans ces occurrences j'étais sorti de la voiture le cœur au bord des lèvres. Malade, sans oser le dire, d'une conduite chahutée et trop rapide sur les routes du massif central. Nous avions soupé fort tard en compagnie des journalistes, à l'occasion d'une étape nocturne aux Gravades, cet hôtel d'Ussel où Jacques Chirac avait en haute-Corrèze ses habitudes. Peu nombreux furent ceux qui allèrent se coucher sans manger tant les odeurs de cuisine qui nous accueillirent étaient allèchantes.

Jamais je n'aurais cru pouvoir, en cette heure avancée de la nuit, faire un tel honneur au pâté aux cèpes, à l'omelette aux truffes, à la tête de veau sauce Gribiche et aux pommes de terre sautées dans la graisse d'oie. La nuit fut courte mais le sommeil lourd et réparateur. Dès le lendemain, nous repartions sur les routes du Limousin et je m'arrangeais, dès lors, pour m'asseoir à l'avant des voitures. J’espérais, en prenant la place du mort, éviter les tourments de la route. Il n'en fut rien...