dimanche 18 juin 2023

Un rien de perversion

Je viens de terminer la lecture du dernier roman d'espionnage(*) publié par le - toujours - très bien renseigné Cédric Bannel. Ayant pour toile de fond l'actualité dans l'Est de l'Ukraine, comme à chaque fois qu'il nous entraîne à suivre une aventure de son agent "Sigma" de la DGSE, son récit est passionnant tout autant que glaçant par son réalisme froid.

Pourtant, en posant ce soir le livre achevé, et en allumant le poste de TV pour prendre connaissance des titres des actualités du jour, un léger malaise m'envahit. Pendant que je prenais plaisir à lire les aventures d'un héros de fiction, des hommes, des femmes, êtres de chair et de sang, se battaient pour leur liberté en Ukraine, y mourant chaque jour, victimes du pire conflit armé qu'ait connu notre continent depuis la seconde guerre mondiale. Un rien de perversion ? Quel plaisir peut-il en effet y avoir à lire une fiction s'appuyant sur une aussi sordide actualité ? 

Je me suis alors souvenu que certains des meilleurs films de guerre et d'espionnage sur le conflit mondial de 39-45 étaient sortit des studios d'Hollywood alors même que, en Europe, en Afrique et dans le Pacifique, les combats faisaient encore rage et qu'au même moment d'aussi illustres réalisateurs que John Ford, Howard Hawks ou Franck Capra s'illustrèrent, en réalisant des films de genre et, pour dire le vrai, d'excellents supports de propagande en faveur de la lutte contre les forces de l'Axe. Alors, toutes choses étant égales par ailleurs, lire aujourd'hui des œuvres qui exposent les crimes des séides et des sbires de la Russie poutinienne au grand jour, même sous un tour romanesque, et qui mettent en valeur le rôle des hommes de l'ombre qui, chaque jour, risquent leur vie pour défendre la nôtre et qui luttent pour notre commune conception de la démocratie, est-ce si malencontreux ?

Lire une fiction qui s'appuie sur une actualité dramatique peut offrir plusieurs plaisirs et avantages. Je te propose, cher lecteur, quelques points que tu voudras bien considérer :
  • Exploration des émotions : La lecture d'une fiction basée sur une actualité dramatique peut permettre d'explorer et de ressentir les émotions associées à cet événement réel. Cela peut susciter des réactions émotionnelles intenses, offrant une catharsis et une occasion de réfléchir sur les conséquences émotionnelles de l'actualité.
  • Compréhension approfondie : La fiction peut offrir une compréhension plus approfondie de l'actualité en la replaçant dans un contexte narratif. Elle peut donner vie aux personnages et aux situations, permettant aux lecteurs de mieux saisir les enjeux et les dilemmes auxquels chacun d'entre nous peut être confronté.
  • Réflexion critique : Lire une fiction basée sur l'actualité la plus sombre peut inciter à porter une réflexion critique sur les problèmes sociaux et les enjeux politiques qui sous-tendent ces événements.
  • Créativité et imagination : La fiction offre une liberté créative qui peut permettre aux auteurs de présenter des perspectives alternatives, des personnages complexes et des histoires captivantes. Cela peut enrichir l'expérience de lecture en offrant une vision différente de l'actualité et en stimulant l'imagination du lecteur.
  • Sensibilisation et empathie : Lire une fiction basée sur une actualité dramatique contribue, j'en suis persuadé, à sensibiliser les lecteurs à des problèmes auxquels ils pourraient ne pas avoir été exposés auparavant. Cela favorise l'empathie envers les personnes affectées par ces événements et peut même encourager l'action individuelle.
Sans compter que le plaisir ou simplement l'effet provoqué à la lecture d'une fiction basée sur l'actualité la plus pathétique peut considérablement varier d'une personne à l'autre. Lors que certains peuvent  chercher une évasion totale de la réalité, d'autres peuvent trouver de la valeur dans l'exploration de thèmes pertinents à travers la fiction. Chacun a ses propres préférences et motivations de lecture. Une des caractéristiques fondamentales de la fiction est de s'appuyer sur le réel pour l'interpréter et le reconstruire. Les œuvres de fiction puisent souvent leur inspiration dans la réalité. Les auteurs utilisent alors ces éléments réels comme matériau pour créer des mondes imaginaires, des personnages et des situations qui reflètent ou commentent la réalité d'une manière particulière, offrant des perspectives et un angle de vue différents.

La fiction permet enfin de donner un sens et une forme narrative aux expériences et aux idées. En utilisant des éléments du réel, elle peut explorer nos émotions de manière plus profonde et nuancée. En reliant la fiction à la réalité, les auteurs peuvent susciter des résonances chez les lecteurs et les inviter à réfléchir sur des questions essentielles. Relevons, cependant, que la fiction ne se limite pas à reproduire simplement la réalité telle qu'elle est. Les auteurs ont la liberté de manipuler, de déformer ou de réinventer le réel selon leur vision artistique et leur intention narrative. Après tout, n'est-ce pas l'essence même de toute œuvre de fiction que de s'appuyer sur le réel pour l'interpréter et le reconstruire ?



mercredi 14 juin 2023

Rien ne me plaît tant que rien

Véronique me fait fréquemment remarquer que j'attache trop d'importance à l'heure, au temps, aux contraintes du calendrier. Et si le temps n'existait pas ? Et si nous l'avions inventé pour mesurer ce sur quoi nous n'avons aucun contrôle ? Cela remettrait en question notre conception fondamentale de la réalité tant le temps est une composante essentielle de notre expérience quotidienne, influençant nos actions, nos projets et nos interactions avec le monde qui nous entoure.

Si nous considérons que le temps est une simple construction humaine, cela signifie que notre perception de la durée, du passé, du présent et de l'avenir est très largement arbitraire. Les horloges, les calendriers et les unités de mesure du temps deviennent de simples outils que nous avons créés pour ordonner notre existence.

Si l'on croit qu'il n'existe pas, le temps devient une illusion collective, une convention sociale. Nous pourrions imaginer que chaque instant est une éternité en soi, sans division ni succession. Les notions de passé, de présent et d'avenir se dissolvent, et nous sommes confrontés à un continuum intemporel. Cela soulève des questions profondes sur notre compréhension de la causalité et de la responsabilité. Sans le temps comme repère, notre capacité à mesurer les conséquences de nos actions serait remise en question. Le passé et le futur n'auraient plus d'influence sur nos décisions, car chaque moment serait dès lors indépendant et autonome.

D'un autre côté, si nous considérons que le temps est une invention pour mesurer ce qui nous échappe, cela pourrait refléter notre désir de donner un sens et une structure à un monde chaotique, complexe et changeant. Le temps nous permettant alors de planifier, de coordonner et d'organiser nos vies en nous offrant un cadre pour comprendre les processus naturels, l'évolution et les rythmes du monde.

Néanmoins, si nous prenons pour hypothèse que le temps est une création de l'esprit humain, il peut être intéressant de réfléchir à notre relation à cette notion. Nous pourrions même être amenés à remettre en question notre dépendance vis-à-vis du temps, à nous interroger sur notre obsession de toujours vouloir mesurer et quantifier. A toujours vouloir être à l'heure, à la bonne heure pour certains, ou à toujours être en avance ou en retard, pour d'autres. Chacun sa névrose... Peut-être que la réalisation que le temps est une construction nous inciterait à adopter une perspective plus holistique, à apprécier davantage l'instant présent et à vivre pleinement chaque moment, indépendamment de toute notion de passé ou d'avenir. Aujourd'hui, hier, demain : ces notions ont-elles un sens à l'échelle de la relativité de l'espace et du temps de l'univers ?

En fin de compte, que le temps soit une réalité objective ou une invention humaine, il reste un aspect essentiel de notre expérience et de notre compréhension du monde. La question de son origine et de sa nature véritable peut susciter une réflexion philosophique profonde, mais quelle que soit la réponse, notre interaction avec le temps façonne notre existence de manière significative, en donnant à nos vies un rien d'ordonnancement. Dans ma quête des petits riens, qu'est-ce que je recherche au fond ?

Rien ne me plaît tant que rien, cet espace-temps hors du temps. Cette notion paradoxale peut sembler étrange, mais elle résonne profondément en moi. Dans un monde en mouvement, un monde où tout un chacun est en quête de nouveauté et d'excitation, une vie où l'assurance de notre finitude nous donne constamment le sentiment que le temps file et nous échappe, je trouve la voie d'une forme de paix  dans le rien, dans le vide apparent. Car le rien est un espace où le temps n'existe pas, un lieu où l'on peut s'échapper de la frénésie du quotidien, où l'on peut trouver un refuge tranquille. C'est un moment de calme et de quiétude, où l'on peut se déconnecter du bruit du monde et se reconnecter avec soi-même. Dans ce vide, il n'y a pas de contraintes, pas d'attentes, pas d'horaire à respecter ni de pression. Je peux simplement être, sans aucune obligation ni responsabilité. Je peux alors laisser mon esprit vagabonder librement, sans aucune limite. Je peux explorer les recoins les plus profonds de ma créativité, laisser mon imagination se déployer sans entraves et se laisser porter par des petits riens. Les idées se forment et se transforment, les rêves prennent vie. Rien ne me limite, rien ne me retient.

Le rien est une invitation à la contemplation. En accordant une attention particulière au moment présent, en savourant chaque sensation et chaque expérience, nous découvrons la beauté et la richesse qui se cachent dans les petites choses. Nous réalisons que même dans le rien, il y a tout.

Rien mieux que rien ne me permet de me libérer des attentes externes et de me reconnecter à mes propres désirs et besoins. Je peux me débarrasser des pressions sociales et me concentrer sur ce qui est authentique pour moi. Dans ces petits riens, je trouve ma véritable essence, mes valeurs fondamentales. Alors, oui, rien ne me plaît tant que rien. C'est dans ce vide apparent que je trouve la plénitude, la liberté et la joie. C'est dans le rien que je me trouve et que je me perds à la fois. C'est là que je me sens vraiment vivant. Ni le temps, ni l'espace, plus rien ne me limite.