mardi 24 novembre 2020

Ne reste-il vraiment plus rien ?

Au loin, ce matin, les ombres des tours apparaissent dans les brumes de l'aube. 

Solastagie face aux incertitudes du futur, anxiété face aux questions sans réponses du quotidien, et, nostalgie malsaine d'un âge d'or largement fantasmé, et qui ne reviendra plus. Regrets et remords d'une part, ennui, lassitude et frustrations de l'autre, joli cocktail, auquel si tu ajoutes une bonne dose de peurs et d'angoisses viscérales inhérentes à notre nature humaine, tu obtiendras la trame du formidable décor de la vie psychique de nombre de nos contemporains. Le passé n'est plus, le présent, pas terrible et l'avenir sombre ! Dès lors, on pourrait être tenté de rapidement en conclure qu'il ne reste rien. Car, comment espérer sans croire en un au-delà pensé mais qu'on ne connait pas (un au-delà des mots, du temps et de l'espace. Un idéal qu'on ne goûtera jamais...) ?

Pour autant, je l'ai déjà ici écrit, le questionnement métaphysique de chaque homme, qu'il soit déiste, théiste ou agnostique, le relie intrinsèquement au Grand Tout, en ce que, par la pensée même, il existe en chacun de nous une petite étincelle divine en quête d'idéal. N'est-ce pas là l'essence même de l'existence ? Il le sait, et, dans le cas contraire, peu importe même qu'il ne sache pas qu'il le sait. Car, au fond, bien que la quête spirituelle nous entraîne à la poursuite d'un ineffable, d'un indépassable, d'un insurmontable qui sans cesse nous échappe et que nous ne pénètrerons jamais, elle soutient, en soi, la vie elle-même. Car c'est bien cet "au-delà", indicible et inaccessible, qui suscite les questionnements les plus profonds. Nous sommes d'abord, et avant tout peut-être, des êtres spirituels.

Les premiers rayons d'un pâle soleil d'automne percent enfin. Et j'imagine des tours sans rez-de-chaussée, et qui n'auraient pas d'étages... Un nouveau jour se lève. L'espoir avec lui ?

mardi 3 novembre 2020

Rien de vraiment social


De quoi le monde est-il réellement malade ? Les microbes sont des organismes vivants, certes infiniment petits, certes parfois pathogènes, mais avec lesquels nous vivons le plus souvent en bonne intelligence (plusieurs milliards par exemple de ces micro-organismes sont présents dans nos intestins et sont indispensables au processus digestif). Les virus, eux, ne sont pas des entités organiques autonomes, ils ont besoin de coloniser une cellule pour croître et se multiplier. C’est donc un parasite mortel qui s’est aujourd’hui inséré dans notre corps social. Un parasite sans volonté, sans raison d'être, si ce n’est celles de proliférer de façon exponentielle au sein des cellules de son hôte pour survivre, quitte même à provoquer la mort de celui-ci. 

Depuis longtemps les auteurs d'anticipation et de science-fiction, en imaginant des situations que nous pensions extrêmes, ont décrit, avec ce que nous croyions alors être une vision hyper-catastrophiste, les dégâts et les conséquences d’une pandémie pour laquelle nos organismes ne seraient pas préparés, contraignant les survivants d'une humanité éclatée en groupes plus ou moins autonomes à se confiner, et pour se protéger d'une atmosphère viciée et devenue irrespirable, à survivre sous cloche. Mais assurer la survie à long terme peut-il se faire au détriment de la vie-même? La vie, c'est ici et maintenant. Car la vie, notre vie, ne saurait se résumer à une acception simplement organique ou au seul intervalle de temps qui nous sépare de la mort. La vie humaine est bien plus que cela! Vivre c’est exister.

Êtres pensants, sociaux, aimants, nous sommes vivants parce que les événements autant que nos activités donnent un cadre à notre existence, un cadre individuel autant que collectif qui nous permet d’espérer tout simplement. Sauf à adhérer aux théories collapsologiques ou aux fantasmes survivalistes, notre existence ne saurait se résumer durablement à la satisfaction exclusive de nos besoins vitaux. 

Depuis plusieurs mois maintenant, l’espérance n’a cessé de diminuer alors que la peur, elle, s’est durablement installée. Oui, la peur s’est généralisée et elle a changé de nature. De la peur pour l’autre nous sommes aujourd’hui passés à la peur de l’autre. Le malade n'est plus celui dont on doit s'occuper mais un "porteur" que tout le discours anxiogène nous incite à craindre et à tenir à l'écart. Isolement, quarantaine, confinement, couvre-feu : notre vie peut-elle être réduite au respect de "gestes barrières" et d'une distanciation physique qui n'a, quand on y songe, rien de vraiment social ?

Au fond, la question semble ne plus être celle de l'objet de notre peur, mais bien plutôt de son sujet. De qui avons-nous peur ? Notre capacité à accepter l'autre, y compris dans ses souffrances, semble s'être réduite avec l'espace de notre liberté d'aller et venir. Au XVIIème siècle, malgré le pessimisme qui marque pourtant son œuvre, François de La Rochefoucault écrivait, dans ses célèbres maximes, que "nous avons tous assez de force pour supporter les maux d'autrui". Si seulement nos contemporains pouvaient trouver dans cette pensée pleine de bon sens les éléments d'une morale d'action au service de la vie !