Bonnets rouges, zadistes, nuit debout, sens commun, frondeurs du PS, République en marche, Républicains constructifs et maintenant les progressistes... L'uberisation de la politique est désormais une réalité qui a trouvé, dans les urnes, une concrétisation synonyme de déroute pour les représentants des partis traditionnels aux dernières élections législatives.
Querelle classique des anciens et des modernes, du parti du mouvement face à tous les tenants de l'immobilisme, de la création libre de l'avant-garde face au conservatisme du classicisme? En tout cas, force est de reconnaître que rien aujourd'hui ne ressemble plus guère à ce que nous avons connu hier.
Les électeurs seraient-ils, à l'instar des consommateurs décrits dans les modernes manuels de marketing, devenus des zappeurs dont la fidélité n'aurait d'égal que leur inculture politique, comme ceux dont la voix a pu passer, entre deux tours de scrutin, de la France Insoumise au FN sans barguigner ?
Le moderne citoyen se moque bien d'avoir sa carte dans un parti politique et s'il est prompt à signer un jour une pétition en ligne, à s'engager le lendemain pour une cause à laquelle il ne connait rien mais qu'il trouve "sympa" ou à défiler pour dire "non", il s'abstient pourtant de voter à l'occasion d'une élection majeure qui engage son avenir pour plusieurs années... Va comprendre!
A l'Assemblée, on annonce aujourd'hui la création possible d'un nouveau groupe politique, situé entre celui du Président et les socialistes. La fragmentation entamée avec les constructifs à droite trouvera-t-elle son pendant à senestre? L'ancien Premier ministre - dont l'élection même est fortement contestée sur sa gauche - n'a pas cru devoir rejoindre le groupe du parti qui fut celui de sa majorité jusqu'à la semaine passée...
Ce que certains décrivent comme de simples péripéties politiques m'apparaissent comme autant de signes d'une uberisation en marche, caractérisée, en contrepoint du fait collectif d'un groupe majoritaire pléthorique, par l'affirmation d'initiatives individuelles ou numériquement très faibles. Au final, et malgré le poids écrasant de l'ensemble majoritaire, on battra peut être cette semaine au Palais Bourbon le record du nombre de groupes sous la cinquième République. Comme si chacun de ceux qui ne se revendiquent pas de la majorité élue voulait s'assurer son petit "sam'suffit" et s'en contentait.
Recomposition ou décomposition ?
Recomposition ou décomposition ?
Après les temps héroïques des cathédrales, celui des grandes ambitions collectives et partagées, semble être venu celui du développement des petites chapelles individuelles. Querelles picrocholines et divertissement garantis grâce au mariage du formatage médiatique qui s'impose au discours et d’un accès supposé interactif au plus grand nombre rendu possible par la médiation du Web, mais union et efficacité dans l'action sans doute très fortement fragilisées. Après tout, peut-être ce retour d'un choix plus ouvert est-il annonciateur de l'avènement d'une démocratie plus directe, plus représentative et moins figée? Mais pour ceux qui, comme moi, ont été biberonnés au lait des grands partis qui ont façonné la France de la deuxième moitié du vingtième siècle, pour ceux qui considèrent qu'au-delà des égoïsmes et du tumulte des passions du moment la plus belle des ambitions reste d’essayer de rassembler ce qui est épars, il est bien difficile de s'y retrouver...
Non, décidément, rien ne sera plus comme hier.
Non, décidément, rien ne sera plus comme hier.