mercredi 1 février 2017

Parler de tout et de rien.

Aujourd'hui, ami lecteur, je voudrais te parler de tout et de rien.

De la manie qu'ont les gens de vouloir avoir un avis sur tout, de parler pour rien, pour ne rien dire, ou surtout - devrais-je dire - pour parler d'autre-chose, un autre-chose qui souvent parle d'eux. J'avais déjà abordé ce thème dans un post intitulé "ne rien dire ou fermer sa gueule ?"

Petit enfant, je pleurais chaque fois que j'entendais "les roses blanches".

Cette chanson, au rythme qui n'avait rien de Rock’n’roll, interprétée par Berthe Sylva (et récemment reprise par Sanseverino) raconte l'histoire d'un poulbot, un pauvre gamin de Paris n'ayant pour toute famille que sa mère hospitalisée, à laquelle il apporte chaque dimanche des roses blanches... Chaque fois que je l'entendais, je pleurais. Je ne percevais alors que la tragédie dans l'accumulation sordide de détails tous plus tristes les uns que les autres, et pas encore le comique - même involontaire - de cette "chanson réaliste". J'avais honte, je me cachais; puis je me suis contenté de pleurer en silence. 

De quoi au juste ce triste silence pouvait-il bien être le nom ? Même si la sagesse populaire admet volontiers qu'on pleure quelques fois sans trop savoir pourquoi et malgré les quelques séances d'analyse qui y ont été consacrées, je n'ai toujours pas compris ce qui, dans ce mélo, pouvait tant m'émouvoir...



Revenons au silence.
Vaut-il mieux parler, même et surtout lorsqu'on à rien à dire, que la fermer quand on connaît le sujet ? Un mensonge est-il préférable à rien ? Le péché par action ou par omission ? Dans les civilisations classiques, le silence entendu comme absence de parole était souvent considéré comme l'expression d'une forme de paix intérieure, de méditation, de maîtrise, de sagesse. N'est-ce-pas, au fond, un signe de maturité que de savoir parfois ne rien dire ?

D'expérience, comme il m'arrivait enfant de pleurer en silence, souvent je préfère  me taire tant il me paraît de plus en plus difficile de se faire entendre, de se faire comprendre. Chacun parle, j'en suis certain, une langue qui lui est propre. Essayer de communiquer c'est déjà trahir une pensée qui, par essence, ne saurait totalement - je veux dire dans la totale portée de ses conséquences - être exprimée par des mots à la signification nécessairement limitative et qui nous échappent dès qu'ils sortent de notre bouche.

Peut-on, pour autant, se contenter de "passer sous silence" certaines de nos pensées ? Convient-il d'imposer, en gage de tranquillité, une manière d'auto-censure à nos passions plutôt que de parler, au risque du dialogue, au risque du conflit auquel pourraient conduire les excès de la rhétorique ? Au risque de l'émotion ?  

Si le silence est caractérisé par une absence de son, il symbolise une forme de vide quasi-existentielle pour les fils de la communication, ces enfants du 21ème siècle qui plus que tout le craignent tant ils l'identifient à l'ennui(*), au néant et à la mort. Pourtant, le silence n'est pas vide. Le silence n'est pas absence de bruit. Le silence n'est pas absence de sens. il peut parfois même être lourd... Le silence peut aussi faire peur en ce qu'il réfléchit comme un miroir qui renverrait l'autre à la conscience de sa propre solitude. Alors le silence c'est comme tout, il ne faut sans doute pas en abuser.

En concluant mon propos du jour par une citation du Révérend Martin Luther King - "À la toute fin, nous ne nous rappelons pas des mots de nos ennemis, mais du silence de nos amis" -, je voudrais rassurer les miens d'amis, comme les autres d'ailleurs, en leur indiquant que si souvent je ne dis rien c'est que je n’en pense pas davantage. Enfin, j'dis ça, j'dis rien...


(*) Alain Corbin - Histoire du silence - éditions Albin Michel.

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