A l'issue d'une conférence du Docteur Laurent Alexandre1,
spécialiste reconnu des questions touchant au mouvement transhumaniste,
je suis ressorti très partagé. Assez bluffé par la clarté du discours
et la brillance du propos, mais presque désespéré sur le fond. Son
approche très matérialiste, presque exclusivement quantitative,
impressionne par la série de chiffres qu'il met en avant et les sombres
perspectives qu'elle permet d'entrevoir, mais ne laisse aucune place à
l’espérance, à la spiritualité, aucune place à la moindre forme de
transcendance (qu'elle soit d'ailleurs entendue aussi bien au sens
métaphysique ou philosophique que du seul point de vue marxiste, savoir la capacité de l'homme à créer son avenir par son travail conscient au présent).
Ernest Renan considérait que l'individu moderne devrait "naître enfant trouvé et mourir célibataire".
Beau programme ! Quelle signification donner à cette phrase ? Que,
comme seul on naît, tout autant seul on meurt. Mais entre les deux
comment vivons-nous ? Sommes-nous condamner à naître, vivre et mourir
seul ?
Si
j'aime bien - au 1er degré - cette phrase qui, tu t'en doutes, me
conforte dans une forme de pessimisme tempéré mais inquiet pour l'avenir
de l'humanité, pour autant je ne peux me résoudre à la terrible
désespérance qu'elle porte en germe. Je ne crois pas que nos émotions,
l'entrelacs des relations humaines que nous tissons au long de nos
existences, les sentiments que nous ressentons ne soient qu'illusions.
Je
ne peux me contenter, comme Nietzsche, de la simple acceptation
résignée et nihiliste du tragique. Même si au fil du temps qui passe et
des épreuves traversées se développent le sentiment d'une forme
d'absurdité et la conscience de la précarité et de la finitude de notre
existence, le désir, source de nos émotions, reste heureusement le
moteur
même de nos en-vies. Au-delà, le simple fait de porter un regard
différent sur les choses, sur ce qui
nous affecte ou a pu nous affecter, le "pas-de-côté", celui qui permet
d'abandonner
la seule analyse rationnelle - et par là-même souvent inquiétante - du
monde pour
revenir au simple étonnement, à l'émerveillement parfois, me permet de
lutter contre l'angoisse existentielle.
Introduire en quelque sorte une vision poétique du monde pour mieux en supporter l'horrible quotidien. Voir dans l'absurdité même de nos vies non pas la tragédie d'une situation sans issue - ou même l’anxiogène conscience d'une issue plus que certaine - qui s'abandonne au pathos, mais, par une forme de catharsis, y puiser l'ironie ou le burlesque qui seront la source d'une vision comique propre à ranimer dans le rire une petite flamme de joie. A l'instar de certaines œuvres surréalistes, en ouvrant notre regard, en portant une vision moins orthogonale sur le monde, sans pour autant céder aux sirènes d'un volontarisme à l'optimisme béat, peu à peu s'introduit une forme complètement renouvelée de notre perception des choses.
Introduire en quelque sorte une vision poétique du monde pour mieux en supporter l'horrible quotidien. Voir dans l'absurdité même de nos vies non pas la tragédie d'une situation sans issue - ou même l’anxiogène conscience d'une issue plus que certaine - qui s'abandonne au pathos, mais, par une forme de catharsis, y puiser l'ironie ou le burlesque qui seront la source d'une vision comique propre à ranimer dans le rire une petite flamme de joie. A l'instar de certaines œuvres surréalistes, en ouvrant notre regard, en portant une vision moins orthogonale sur le monde, sans pour autant céder aux sirènes d'un volontarisme à l'optimisme béat, peu à peu s'introduit une forme complètement renouvelée de notre perception des choses.
On
peut même aller au-delà d'une simple vision diagonale et être tenté
d'inventer sa vie pour la rendre plus supportable. L'imagination comme
un outil de dépassement de la limite même de nos existences. Le rêve, ou
plutôt le songe éveillé - l'invention de soi - pour mieux vivre avec
l’insupportable idée de notre obsolescence programmée. L'adjonction à
une réalité (dé)passée d'évènements imaginaires permet, j'en suis
aujourd’hui certain, de lutter efficacement contre le cauchemar de nos
vies en y opposant la vision onirique d'une forme de rêverie du monde.
Comment mieux satisfaire à la puissance d'un désir de vie qu'en rêvant
la sienne ?
Les
tenants des théories transhumanistes nous annoncent que, bientôt, on
pourra jouer avec nos souvenirs en manipulant la mémoire, et donc les
émotions, par l'implantation de souvenirs artificiels ou, sur un mode "Total recall",
les souvenirs d'un autre (sic!). Meilleure façon de lutter contre
l'ennui, ils espèrent que cette opération permettra d'enjoliver la vie!
Il faudra en télécharger des souvenirs bidons pour accepter de vivre la
transcendance technologique que nous annoncent les oracles transcistes2!...
Pour
ne rien oublier de tout ce qu'on n'a pas fait, je crois pour ma part
que le plus simple reste encore de s'inventer des souvenirs.
(1) Auteur et chef d'entreprise, Laurent Alexandre est Chirurgien urologue de formation, diplômé de l’IEP Paris, d'HEC et de l'ENA,.
(2) Moment où la technologie sera capable non-seulement de progresser seule dans son élaboration et sa complexification, mais également où l'humanité se sera abandonnée en totale confiance dans le progrès technologique.
(1) Auteur et chef d'entreprise, Laurent Alexandre est Chirurgien urologue de formation, diplômé de l’IEP Paris, d'HEC et de l'ENA,.
(2) Moment où la technologie sera capable non-seulement de progresser seule dans son élaboration et sa complexification, mais également où l'humanité se sera abandonnée en totale confiance dans le progrès technologique.
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