mardi 7 février 2017

Un rien d'air de famille.

Il y a quelques semaines, j'ai brocardé l'emphase, qui m'apparaissait un peu décalée, mise par le leader des marcheurs dans la conclusion de son "grand" discours parisien. J'ai écouté l'autre jour une partie de son prône lyonnais. Je dois admettre que la manière du candidat du Mouvement de l'Extrême Centre, bien que s'affirmant de gauche, ne m'est pas apparue si maladroite. En tout cas, sur la forme, il semble avoir appris. Mais, bien que nécessaire, cet apprentissage ultra-rapide d'un élève appliqué et il faut le reconnaître, doué,  ne sera je le crois, pas suffisant.

On raille aujourd'hui sur les réseaux sociaux sa manière de mettre la main sur le cœur lorsqu'il chante la Marseillaise. D'aucun argue même que "ça n'est pas prévu par le protocole". Soit ! Mais est-ce là tout ce qu'on a trouvé à lui reprocher que ce geste que, pour ma part je ne trouve au fond pas tellement choquant. Ce qu'en revanche je considère comme nettement plus inquiétant c'est que, moins de trois mois avant le premier tour de l'élection, son programme et ses propositions restent toujours aussi flous. Aurait-il fait sien l’adage du candidat populiste qui proclamait à qui voulait l'entendre : "Mon programme, c'est le vôtre" ? Compte-t-il révéler le contenu de son agenda après qu'il aura été élu ? En fait, j'ai le vague sentiment que le présupposé vent de nouveauté porté par ce candidat "hors système" (sic!) n'est autre qu'une tentative de recyclage d'idées et de formules anciennes dont on a malheureusement déjà pu constater l’inefficience. Comme aimait à le dire François Mitterrand en paraphrasant le Cardinal de Retz : "on ne sort de l’ambiguïté qu'à ses dépens..."

Même si "l'homme public ne monte jamais aussi haut que lorsqu'il ne sait pas où il va"(1), l'affichage volontariste du renouveau et de la modernité ne sauraient à eux-seuls faire un programme présidentiel  !

Dans sa volonté d'incarner, à tout prix, un certain modernisme et de vouloir tout changer, M. Macron candidat auto-proclamé "libre et indépendant", ressemble à s'y méprendre aux images qui me reviennent en mémoire de JJSS. Mais si, souviens-toi ami lecteur : Jean-Jacques Servan Schreiber. Celui que Chirac surnommait "Turlupin" et qui pensait dans les années 60, comme notre brillant inspecteur des finances d'aujourd'hui, qu'il avait un rôle central à jouer dans le "nécessaire renouvellement du personnel politique". Social-libéral, il voulait jeter des ponts entre les réformateurs de gauche et de droite qu'il tenta de réunir, avec son ami Jean Lecanuet (autre beau spécimen de candidat "du progrès", lui aussi jeune et à l'image tellement télégénique...), au sein d'un "Mouvement" (déjà !). Il lui arrivait, à lui aussi, de mettre la main sur le cœur, sans-doute inspiré par les photos d'un JFK pour lequel il confessait une grande admiration. L'éphémère ministre du gouvernement Chirac  - 13 jours, une forme de record, en 1974 - terminera sa vie politique en réunissant 1,84 % des voix aux premières élections au parlement européen au suffrage universel de 1979. Tiens, 1979, c'est justement l'année où je me suis engagé en politique en faisant campagne pour soutenir la liste conduite par un certain Jacques Chirac. Une liste dont la promesse - "Défense des Intérêts de la France en Europe" - reste encore tellement actuelle mais paraîtra sans doute complètement ringarde aux yeux des jeunes marcheurs post-modernes.

1979, une année où le Parti Communiste Français osait encore afficher une forme de patriotisme.

1979, l'année où Margaret Thatcher entamait un bail d'une décennie au 10 downing street, résidence du Premier ministre britannique (à choisir, vaut-il mieux une Thatcher ou un tchatcheur ? Après tout, on a les élites qu'on mérite...).

1979. Cela fera bientôt 40 ans. L'âge de M. Macron...

Tu me diras que comparaison n'est pas raison. N'empêche ! Le candidat des marcheurs sera-t-il une forme de moderne "kennedillon" au destin brûlé au feu de paille médiatique ou le vrai réformateur de la vie politique française ? Pour rencontrer les électeurs, il ne lui suffira pas de distribuer des adhésions gratuites ou des investitures en ligne, ni de dénoncer à chaque discours la fossilisation de la vie politique à laquelle il a pourtant depuis plusieurs années pris une part largement active ; encore lui faudra-t-il porter un projet crédible et convaincant. Vanité bien française ! Moi, pour l'instant, la seule certitude que j'ai le concernant, c'est la ressemblance physique frappante - la couleur en plus - que j'ai relevée avec une photo ancienne de Boris Vian ; celui qui écrivit de façon visionnaire en 1952 : "Dire des idioties, de nos jours où tout le monde réfléchit profondément, c'est le seul moyen de prouver qu'on a une pensée libre et indépendante"(2)Un rien d'air de famille, non ?


(1) Cardinal de Retz -  Mémoires
(2) Boris Vian - Le goûter des généraux.

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