lundi 20 février 2017

Je ne la ferme pas quand j'ai tort, alors imagine quand j'ai raison...

Cette phrase, au-delà de son absurdité, me semble intéressante comme un prétexte à nourrir une réflexion sur la mauvaise foi. La mauvaise foi comme une attitude consciente de (re)construction de la vérité; d'invention de sa vérité : "J'ai des raisons de mentir. J'ai déraison de mentir. J'ai (dé)raison de mentir. Je mens, donc j'ai raison".

La bienséance impose d'écouter avec courtoisie son interlocuteur, même si la mauvaise foi de son propos est manifeste. Vérité d'ici n'est pas nécessairement vérité ailleurs. Il ne s'agit pas de se hausser "au-dessus de la vérité" comme je peux parfois le lire, mais bien de considérer simplement "sa vérité" comme une question d'angle de vue relativisant la valeur du vrai. Une fausse naïveté assumée et consciente, permettant d'éviter l'évidence, de faire un pas-de-côté; comme une forme de recours, de sursaut existentiel contre le pathétique de la réalité (*)

La mauvaise foi ? Déjà, je ne sais pas très bien ce qu'est la foi, alors la mauvaise foi... De mes anciennes études juridiques, je crois me souvenir que la bonne foi c'est à peu près comme une forme de sincérité, de conscience d'agir sans léser autrui et conformément au droit. Mais la mauvaise foi ? Peut-on agir sincèrement de mauvais foi ou cette dernière est-elle systématiquement synonyme d'insincérité, d'hypocrisie ou de déloyauté ? Il peut y avoir me semble-t-il, au contraire, une forme d'honnêteté morale à affirmer même à tort - surtout, à tort - plutôt que de choisir de se taire, à l'effet de dissimuler son désaccord et d'éviter ainsi le risque du débat, voir de la polémique. Je n'y vois qu'une limite : celle, à l'heure où les chaînes info doivent trouver matière à remplir leurs grilles de programmes de l'aube au crépuscule, et où les médias sociaux contribuent de plus en plus à faire une opinion au sens de moins en moins critique, du risque de la manipulation et de la désinformation.

Pourtant, je préférerai toujours une grande gueule, à la mauvaise foi affirmée mais drôle, aux tristes tartufes taiseux, à la bonne foi bigotement affichée. Car la mauvaise foi peut être ironique et même introduire une forme de complicité permettant de désamorcer, par la force comique qu'elle emporte, la colère de l'autre. L'erreur de mauvaise foi, bien que cynique, porte conscience de sa triche - elle sait qu'elle ment, mais ce mensonge est assumé -, alors que l'erreur de bonne foi est commise au nom du bien, de la Vérité, d'une forme de bonne intention qui se croyait innocente, mais n'est qu'ignorante. Au fond, un mensonge commis de bonne foi et gravement - "à l'insu de son plein gré" comme auraient pu dire les Guignols de l'info - n'en dit-il pas davantage qu'une duplicité ironiquement assumée ? Je pense, pour ma part, comme l'affirment certains psychanalystes comme Véronique, dans la suite des travaux de Lacan, que la commission de bonne foi d'une erreur ne la rend pour autant pas plus pardonnable; c'est même le contraire.

Faut-il, pour pouvoir parler, être certain d'avoir raison (de qui ? sur quoi ?...), d'être dans le juste, le vrai ? Alors, souvent, je devrais, ici-même, me contenter de me taire. Non, ami lecteur, comme je l'ai déjà dit : "c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule" .

(*) cf. mon post précédent "Ne rien oublier de tout ce qu'on a pas fait".

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