jeudi 23 février 2017

Rien n'est possible. Vraiment ?

Jacques Toubon, mon cher et vieux compagnon, qui était ce matin invité à s'exprimer à l'antenne sur une radio qu'on appelait autrefois "périphérique" évoquait d'un joli mot la figure de "l'aquoiboniste" rendue célèbre par Serge Gainsbourg. Parlait-il alors de celui pour qui rien ne justifie vraiment la nécessité d'entreprendre mais qui, au contraire, pense toujours "à quoi bon" ? Faisait-il référence à cette manière d'expression de l'apathie, du doute qui peut saisir tout un chacun face à l'utilité d'une action ? Une forme aboutie, consciente et définitive de la procrastination où rien ne serait définitivement plus possible ? Non, au fond, ce que soulignait le défenseur des droits c'est que "l'aquoibonisme" naît aussi de la difficulté que certains peuvent rencontrer pour faire défendre leurs droits, faute de tout simplement les connaître.

C'est précisément en faisant ce constat et pour faire face à une situation de blocage entre voyageurs et professionnels du tourisme et des transports que, le 26 avril 2010, pour "éviter des situations préjudiciables aux consommateurs ayant pu rencontrer des difficultés pour connaître leurs droits", Hervé Novelli, alors Secrétaire d'état dans le Gouvernement Fillon me confiait une mission de médiation ministérielle après l'éruption du volcan islandais Eyjflallajökull. 


Renouant avec mes lointaines études et me permettant - enfin! - de pratiquer le droit, j'ai alors travaillé plusieurs mois dans le seul et passionnant objet de protéger et réconcilier les intérêts de chacune des parties en présence en mettant en oeuvre une procédure originale de résolution extrajudiciaire des conflits entre professionnels et consommateurs (une première réussie dans le secteur, qui sera à l'origine de la mise en place du dispositif pérenne de Médiation Tourisme et Voyages dont j'avais recommandé la création et qui est opérationnel depuis le 1er janvier 2012).

Dans le rapport  remis à l'issue de cette mission, je suggérais de préciser les dispositions européennes remontant à 1990 à l’effet de mieux encadrer les responsabilités des professionnels vis-à-vis de leurs clients en suggérant notamment qu’une réflexion puisse être engagée sur le montant et la durée des obligations pesant sur les professionnels en cas de retour impossible occasionné par une situation de force majeure. Et puis, le temps a passé et la médiation m'est devenue, peu à peu, un souvenir...

De son côté, la Commission a enclenché un processus de  révision de la directive de juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait. S’inspirant très directement des préconisations que j'avais faites en 2010, un projet de législation européenne adopté par la Commission du marché intérieur en 2014 préconisait notamment que "si des circonstances "inévitables" et "imprévisibles" empêchent le voyageur de rentrer à temps chez lui, l'organisateur est tenu de prévoir un logement à un niveau équivalent à celui réservé à l'origine ou de payer un séjour de cinq nuits allant jusqu'à 125 € par nuit s'il ne peut pas ou ne veut pas faire une réservation..."

Visant à renforcer les droits des consommateurs, une nouvelle Directive du Parlement et du Conseil européens est entrée en vigueur au début de l'année 2016. J'ai, en l’apprenant, vraiment eu l'impression que mon action, au-delà d'avoir permis, en 2010, le déblocage et la résolution très concrète de milliers de dossiers, aura influencé, directement ou indirectement, une évolution positive de la législation communautaire dans le domaine de la protection des consommateurs.

Prenant, en cette occasion, conscience des limites d'une philosophie strictement "aquoiboniste", j'ai réalisé l'utilité de certains de nos actes, et, contrairement à ce que je pensais spontanément, que tout n'était pas impossible. Une manière de bonne surprise à même de venir tempérer mon pessimisme raisonné.





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