vendredi 31 mars 2017

Frénésie du vide.

"Le mot rien est sonné tous les jours par les cloches de Saint-Germain-des-Prés."*

Publié en septembre 2009, mon tout premier texte commençait par ces mots : " Trois mois, jour pour jour...". Il y aura bientôt huit ans... Huit ans de publications irrégulières et inégales de ces petits riens qui, je l'espère, ont tenu la promesse de leur inutilité.

Partons, si tu le veux bien, ami lecteur, d'un constat strictement quantitatif. J'ai commis autant de textes sur ce blog depuis le début de cette année que tout au long des trois précédentes. Comment expliquer une telle frénésie ? La peur du vide ? Une appétence pour ces petits riens dont la lecture peut, je l'espère, être aussi distrayante pour toi que l’écritureje l'avoue, s'avère amusante pour moi ? Enivrant vertigo ou simple   remplissage ? Pourquoi le rythme de publication, qui était plus proche d'un billet tous les six mois, s'est-il soudain accéléré pour dépasser six textes en un mois ? Et si c'était une manière d'annonce d'un sprint qui, à défaut d'être définitif, pourrait quand-même être provisoirement final ? 

Tu me diras qu'une multiplication de riens ne fait, au bout du compte, pas grand-chose. Paradoxe diront certains. Je ne le crois pas. Car si je n'aurai pas l’afféterie de prétendre ne rien écrire, je souhaite en revanche ne faire le lit que de petits riens et j'essaie de le faire bien. Des petits riens qui constituent aujourd'hui un ensemble, fruit d'un effort conséquent mais salutaire auquel j'aurais bien du mal à renoncer. Des futilités qui tentent d'apporter, par une forme de philosophie du "rien, jamais" une manière de réponse au "tout, tout de suite". Au fond, j'essaie d'approcher une pensée du rien en tant que quelque chose et sans me contraindre, pour y parvenir, à raisonner exclusivement par soustraction. Face à la boulimie frénétique, à la recherche de la performance immédiate, d'un tout purement utilitariste qui est la marque de notre époque, j'aime à penser parfois qu'on peut opposer une frénésie du vide, un goût du peu, le désir d'être inutile. 

Ces textes courts, ces jaillissements inspirés par un souvenir ou bien telle ou telle nouvelle puisée dans l'actualité, ne sont soutenus par aucune prétention, juste une aspiration, une inspiration si ce n'est utile, du moins devenue nécessaire au fil du temps qui passe et qui, lui aussi, semble s'accélérer. Mais quel bruit fait donc le temps qui passe ? Peut-être celui du bourdon qui égrène les heures au clocher de Saint Germain, celui-là même qu'évoquait Roger Nimier dans une allégorie où il raillait les "gendelettres germanopratins", renvoyant ces "cloches" à l'inanité de leur message.
Un de mes amis m'a récemment fait grief du caractère par trop politique à son goût de certains de mes textes mais n'est-ce pas au fond toute l'histoire de ma vie que ces aller-retours et cette nécessité parfois de prendre parti, sans pour autant toujours être contraint de prendre à partie ? Un peu de philosophie de la vie quotidienne, un soupçon de politique, un travail de mémoire, beaucoup de rêves et la liberté de pouvoir imaginer le reste, telle est la recette des textes qui nourrissent ce blog.  Il me revient qu'à l'âge de douze ou treize ans, j'avais commencé à noircir quelques pages d'un joli carnet de Moleskine qui m'est assez vite tombé des mains. Aujourd'hui, l'idée même non pas du mais d'un prochain texte m'est devenue une forme de moteur dont le carburant n'est autre que mon désir. Je ne vais plus arrêter...

* Roger Nimier - Les écrivains sont-ils bêtes ? - Recueil de textes publié aux éditions Rivages.

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