En ce maussade
et gibouleux dimanche de mars, j'ai choisi, bien calé au fond d'un canapé, de parcourir un exemplaire
d'une traduction française du Yi King appartenant à Véronique.
Rien de tel que de se
plonger dans ce grand livre chinois de la sagesse, fruit
de la combinaison de la doctrine duale taoïste du Yin et du Yang avec
"les cinq états de transformation", pour
se remettre la tête à l'endroit en cette période de désarroi et de grandes
incertitudes, conséquences déprimantes des primaires.
Ex perfecto nihil fit.
Rien n'est le produit de la perfection. En lisant cette phrase en incipit de la
préface de cette édition de 1968 du livre des transformations, j'ai
immédiatement fait un lien - une association, presque, au sens
analytique - avec la formule magique qui rend compte du
grand mystère, au cœur du secret des alchimistes médiévaux en quête de la
perfection intérieure et de la pierre philosophale, également devise ésotérique de l'Écossisme : Ordo ab chao. Rien n'est le fruit de
la perfection, l'ordre naît du chaos. l'ordre qui naît du
bruit et de la fureur, du Tohu-bohu originel. Ou comment percevoir, au-delà de la
multiplicité chaotique, l'unicité des lois constantes et
universelles; comprendre l'harmonie de l'univers pour établir l'ordre en
soi-même.
Ex perfecto nihil fit. Cette locution latine
me fait également davantage percevoir le sens de la maxime populaire qui veut que le
mieux soit l'ennemi du bien. Inutile en effet de vouloir, en tout, faire
mieux, toujours. Mieux faire, pour être le meilleur; pour tenter
d'atteindre je ne sais quelle perfection... Une perfection qui,
au fond, resterait stérile. Une perfection qui, bien que souvent parée de toutes les vertus, pourrait même, à l'image de la société idéale et du meilleur des mondes promis et promus par tous les régimes totalitaires, s'avérer au final dangereuse...
Mais revenons à
l'énergie du Tao, à ces transformations silencieuses décrites
par François Jullien dans un livre que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ici-même. Penser - comme ce grand spécialiste de la philosophie chinoise nous y invite - l'existence comme une mutation
continue; invisible certes, silencieuse, mais continue; où la vie, sur tous les plans, n'est plus conçue que comme un jeu de transitions ininterrompues. Une perception du monde dans laquelle il faut accepter qu'un contraire, pour qu’il puisse s’inverser en son contraire, le
contient déjà et l’implique en lui.
J'apprécie cette approche philosophique représentée par le symbole bien connu du Yin et du Yang, en ce qu'elle trace, au-delà d'un raisonnement simplement dualiste - celui de l'opposition du blanc et du noir, du bien et du mal, du passé et du futur, de l'intérieur et de l'extérieur... - les voies de la perception d'un "entre". Cet "entre", invisible mais bien présent, qui non seulement réconcilie passivité et activité mais, au-delà, permet la jonction et la transition entre plusieurs états, sans ressentir le besoin de se poser les questions de savoir ni où ni quand commence l'un et où se termine l'autre; comprenant enfin, au-delà de l'approche trop souvent ontologique de la pensée grecque, en se libérant de l'être comme acte, de la stricte causalité d'un agent agissant, que les limites que nous croyons percevoir n'existent peut-être que parce que nous nous les imposons. Non, décidément, rien n'est le fruit de la perfection.
J'apprécie cette approche philosophique représentée par le symbole bien connu du Yin et du Yang, en ce qu'elle trace, au-delà d'un raisonnement simplement dualiste - celui de l'opposition du blanc et du noir, du bien et du mal, du passé et du futur, de l'intérieur et de l'extérieur... - les voies de la perception d'un "entre". Cet "entre", invisible mais bien présent, qui non seulement réconcilie passivité et activité mais, au-delà, permet la jonction et la transition entre plusieurs états, sans ressentir le besoin de se poser les questions de savoir ni où ni quand commence l'un et où se termine l'autre; comprenant enfin, au-delà de l'approche trop souvent ontologique de la pensée grecque, en se libérant de l'être comme acte, de la stricte causalité d'un agent agissant, que les limites que nous croyons percevoir n'existent peut-être que parce que nous nous les imposons. Non, décidément, rien n'est le fruit de la perfection.
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