mercredi 29 mars 2017

Rien de trop.

"La seule manière, pour un individu, de demeurer constant parmi des circonstances changeantes, c'est de changer avec elles..."
Sir Winston Churchill - De la constance en politique.

Alors que son engagement avait été annoncé à grand renforts de publicité il y a quelques semaines par l'équipe de campagne du "candidat du mouvement", le Général Soubelet, ancien N°3 de la Gendarmerie a rendu public hier une lettre annonçant sa défection. S'il jette l'éponge c'est parce qu'il est déçu et son argument fait sens : "J’avais besoin de croire qu’une nouvelle façon de faire de la politique était en train de naître (…) Les ralliements successifs tous azimuts et symboliques à bien des égards, à commencer par ceux de l’actuel gouvernement, ne correspondent pas à ma conception du changement".

Les commentateurs louent, depuis le début de cette campagne sans précédent, l'irrésistible pouvoir d'attraction de M. Macron et égrènent, jour après jour, la litanie des ralliements de ceux qui, oublieux des engagements souscrits, des serments prononcés ou plus simplement de leur amour-propre, ne veulent surtout pas prendre le risque de ne pas en être. A force d'enregistrer le soutien de caciques socialistes et de membres du Cabinet sortant, apparaissant comme celui qui offre la plus astucieuse voie de recyclage d'une gauche si ce n'est en déroute, du moins déroutée, le candidat attrape-tout s'expose au risque de plus en plus avéré de révéler la vraie nature de celui qui pourrait demain engager la France sur le chemin de la marche... arrière.

Les limites - mais y-en-a-t'il encore ? - viennent d'être franchies avec le ralliement, qu'on nous vend pour inconditionnel, de Manuel Valls. Si, si, celui-là même qui fut le - très - autoritaire chef du Gouvernement auquel appartenait M. Macron et qui, candidat à la primaire de la "Belle Alliance Populaire" (sic!), signait alors la charte l'engageant à lier son propre sort à celui des urnes et à apporter son soutien à celui ou celle qui serait désigné comme candidat de la gauche. Et puis, patatras, un autre que lui gagnât et tout soudain le futur devint moins désirable.



Vive la sociale !
Ce n'est pas comme le dit tantôt M. Hamon avec grandiloquence que "la démocratie a pris un coup" mais juste une manière d’écœurement et la nausée qui peuvent gagner l'électeur sincère face à tant de cynisme et aux petits calculs de ceux qui adoptent publiquement le discours du mouvement en espérant secrètement que surtout rien ne change. A l'image de Tancrède, très aristocratique neveu du prince de Salina, le célèbre "Guépard" du roman éponyme de Lampedusa, qui, comprenant la nature des enjeux du risogimento italien, embrasse le combat des républicains et justifie son choix par cette célèbre maxime : "il faut que tout change pour que rien ne change". Autrement dit, les socialistes, pour essayer de sauver ce qui peut encore l'être du quinquennat de M. Hollande, doivent prendre toute leur place dans la campagne de M. Macron pour éviter, à tout prix, de sombrer avec la défaite du candidat officiel de leur parti qui, lui, en est réduit à lancer un appel solennel à "sanctionner (...) ces politiciens qui ne croient plus en rien, et qui vont là où le vent va". Ambiance !

Pour justifier son choix, l'ancien Premier ministre nous ressort pour argument ultime l'antienne du "vote utile", quelle blague !

Les petits calculs rejoignent les grandes ambitions dans le fourre-tout qui naît aujourd'hui de tant d'enthousiasme désintéressé ! Belle photo de famille sur laquelle on reconnait désormais, entre autres, MM. Bayrou et Hue, Mme Pompili et M. Douste-Blazy, MM. Madelin et Valls...! Jamais l'auberge n'aura autant été espagnole.

On m'a autrefois enseigné qu'en matière politique il était préférable de bénéficier d'un surcroît d'abondance plutôt que d'avoir à gérer la pénurie mais, à tous les jours se découvrir de nouveaux amis, c'est désormais le trop plein qui menace la campagne du champion des réformistes, au risque de la confusion. Au risque de l'embolie et de l'immobilisme. 

Rien de trop.

Les derniers vers de la Fable de La Fontaine me serviront aujourd'hui de conclusion :

« …De tous les animaux l'homme a le plus de pente
À se porter dedans l'excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands. Il n'est âme vivante
Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point
Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point. »

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