Cioran
mercredi 19 février 2025
Rien à savoir, rien à démontrer
samedi 18 janvier 2025
Serait-il préférable que rien n'existe ?
Serait-il vraiment préférable que rien n’existe ? Cette interrogation, à première vue déconcertante, m’a traversé récemment l’esprit à plusieurs reprises, notamment en observant les bouleversements de l’actualité et la prolifération incessante de fausses informations véhiculées par le Net. Cher lecteur, tu le sais, sur le blog des petits riens, j’aime m’attarder sur ces questionnements philosophiques qui surgissent au détour du quotidien. Ce sont parfois ces infimes détails – ces fameux « petits riens » – qui agissent comme des portes d’accès à des réflexions plus profondes. Alors, entre l’étonnement que suscite la question et la portée quasi vertigineuse de son contenu, je t’invite à plonger avec moi dans cette exploration : serait-il vraiment mieux que rien n’existe ?
Pour comprendre la radicalité de ce « rien », il me semble
essentiel de se tourner vers la pensée de Spinoza. Chez lui, chaque être est
animé par ce qu’il appelle le « conatus », c’est-à-dire un élan vital, une
force intrinsèque qui nous pousse à persévérer dans notre être. Le simple fait
d’imaginer l’univers vidé de toute substance, de toute existence, revient à
nier cette pulsion fondatrice. Nous perdrions alors l’étincelle de vie qui,
au-delà de l’instinct de survie, nous oriente vers la recherche de la joie et
de la connaissance. Spinoza nous rappelle que l’existence n’est pas un fait
figé, mais un processus continu d’expansion et de compréhension. À travers sa
philosophie, il nous invite à considérer que la vérité ne surgit pas telle une
illumination soudaine : elle se construit progressivement, patiemment, au gré
de la raison et de l’échange argumenté.
Or, si l’on regarde le monde contemporain, force est de
constater que le conatus spinoziste semble constamment mis à l’épreuve. Nous vivons
à une époque où les « opinions » se substituent parfois aux faits établis, où
le sensationnalisme se fait plus audible que l’analyse réfléchie. La
propagation de fake news, ces fausses informations colportées sur toute la planète
à la vitesse de la lumière sur les réseaux sociaux, brouille nos repères et
crée parfois un profond sentiment d’impuissance. Il est facile, face à ce
déluge d’informations contradictoires, de sombrer dans le désenchantement et de
se demander si, finalement, il ne vaudrait pas mieux que rien ne soit. Mais
Spinoza, à l’inverse, nous exhorterait à renouer avec notre pouvoir de
compréhension et d’action. Loin d’être un luxe réservé à quelques érudits,
l’effort rationnel est à la portée de chacun de nous : il consiste à mettre en
doute, examiner et recouper ce qui nous parvient, afin de forger une
connaissance plus solide, plus partagée.
Cette exigence de lucidité ne doit cependant pas nous faire
oublier l’autre, c’est-à-dire la dimension relationnelle de notre existence.
Appelons en maintenant, si tu veux bien, à la philosophie d'Emmanuel Levinas, en recentrant le débat sur la question
éthique. Pour Levinas, l’existence n’est pas seulement un état de fait : elle
est un appel émanant d’autrui. Le visage de l’autre m’interpelle, me confronte
à ma propre responsabilité, et me rappelle que je ne me définis pas seul. Il y
a dans cette rencontre un appel à la transcendance, au dépassement de soi. Si
plus rien n’existait, nous serions certes débarrassés de toutes les
controverses politiques ou médiatiques. Plus de polémiques stériles sur
Internet, plus d'affrontements houleux autour du fact-checking… Mais nous perdrions
simultanément la possibilité de rencontrer autrui, d’entendre sa voix
singulière, d’entrer dans ce face-à-face qui m’oblige à répondre à ses besoins
et à sa soif de vérité. Exister, comme le dirait Levinas, c’est déjà répondre :
répondre aux questions qui me sont adressées, répondre aussi à la souffrance
qui se manifeste, et parfois même répondre aux dérives de la désinformation.
Dans ce contexte, le fact-checking apparaît non pas comme un
simple gadget technique, mais comme un outil crucial pour préserver la qualité
du lien social. Recouper les faits, vérifier les sources, clarifier les
contextes : autant de « petits riens », souvent perçus comme fastidieux ou
insignifiants, qui peuvent pourtant faire toute la différence. Ces gestes
minutieux, presque invisibles, permettent de retisser la confiance dans un
espace public fragilisé par la suspicion et le doute. Et c’est peut-être là que
se cache l’enjeu principal : en réhabilitant la parole exacte, en prenant soin
de sa fiabilité, nous faisons œuvre de respect mutuel. Dans un monde où le
mensonge peut se répandre à la vitesse d’un clic, il n’est pas exagéré de dire
que s’efforcer d’établir et de partager la vérité s’apparente à un acte de
résistance.
Mais alors, pourquoi toutes ces réflexions nous amèneraient elles à conclure qu’il ne vaut pas mieux que rien n’existe ? Tout simplement parce que, dans l’existence, même troublée par la confusion des faits et la multiplication des opinions trompeuses, persiste une potentialité créatrice : celle d’une véritable rencontre, d’une élaboration commune de sens , d’une joie partagée. Spinoza nous apprend qu’en comprenant mieux le monde, nous accroissons notre puissance d’agir et notre joie. Levinas nous rappelle que dans cette aventure, l’autre est toujours présent, et qu’il vient exiger de nous une réponse éthique. Sans existence, cette éthique disparaîtrait, emportant avec elle la possibilité de toute relation et de toute transcendance.
Bien sûr, je ne sous-estime pas la tentation nihiliste.
Parfois, la complexité du réel et la lassitude face aux innombrables dérives
médiatiques peuvent faire naître un sentiment de désespoir, voire un désir de
fuite. Il m’arrive moi-même de me surprendre à rêver d’un silence absolu, d’un
monde sans disputes ni dissonances. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser
qu’en perdant ces voix multiples, en perdant ce grondement permanent de la vie,
nous perdrions aussi ce qui la rend si précieuse : l’élan vital, la possibilité
d’apprendre, la responsabilité envers autrui, le plaisir de saisir un fragment
de vérité au milieu du chaos.
En fin de compte, souhaiter la non-existence reviendrait
donc à renoncer à notre humanité. Cette tension entre la
nécessité d’examiner le réel et la responsabilité que, en tant qu’être social,
j’ai envers l’autre est au cœur même de ce que signifie « être ». Notre quête
de sincérité et de sens n’est pas un long fleuve tranquille, elle est jalonnée
de zones d’ombre et de tromperies, de combats pour la vérité et de remises en
question incessantes. Mais ces « petits riens » du quotidien, qui paraissent
parfois insignifiants, sont précisément les occasions de redonner chair à
l’existence : un fait vérifié, une conversation honnête, un geste d’entraide,
un regard bienveillant.
Voilà pourquoi, à mes yeux, il est infiniment plus
enrichissant de se confronter à la complexité du réel que de la fuir. Nous
avons tout à gagner à honorer ce conatus spinoziste qui nous pousse à nous
élever par la connaissance, et à répondre à l’injonction éthique lévinassienne
qui nous rappelle que nous ne sommes pas seuls. L’existence, malgré ses
épreuves et ses imperfections, est porteuse de promesses. En y veillant
ensemble, en tissant des liens de confiance et en veillant à ce que la
recherche de la vérité demeure notre boussole commune, nous découvrons un sens
qui dépasse la simple somme de nos individualités.
Ainsi, en cette époque troublée, il me paraît plus que
jamais nécessaire de défendre l’existence - et d’y veiller avec soin,
jusque dans les plus infimes détails - des petits riens. Parce que dans ces « petits riens » se loge l’essence même de notre humanité, de notre pouvoir d’agir, et de notre
responsabilité les uns envers les autres. En définitive, souhaiter la
non-existence de tout reviendrait à renoncer à ce qui fait de nous des êtres spirituels : l’élan
vital cher à Spinoza et l’exigence éthique de Levinas. À mes yeux, et j’espère
aux tiens aussi, il est infiniment plus enrichissant de se confronter à la
complexité du réel que de la fuir. Parce que c’est en cela que réside
peut-être la promesse d’un monde où, si chacun pourra toujours librement exprimer son point de vue dans le respect de la parole de l’autre,
la recherche de la vérité demeurera notre boussole commune et partagée.
mardi 3 décembre 2024
Rien à comprendre
Tu comprends, toi ?
Le « front républicain »
: Expression d’un idéal ou stratagème politicien ?
Rappelons nous. L’été dernier, le "front républicain" était brandi par les hoplites de la bien-pensance comme
le bouclier d’Athéna contre la percée des spartiates d’une extrême droite
présentée comme l’ennemi absolu. La démocratie était en danger ! La morale
républicaine était portée comme un étendard. Ceux qui, la veille encore, se
déchiraient à coups de slogans acérés et de tweets délétères, trouvaient subitement un "intérêt supérieur et partagé" à défendre les "valeurs communes" devant la "menace brune".
Quel miracle ! Mais que reste-t-il de tout ça aujourd’hui ?
Barnier arrive. Le gouvernement
tangue sur l’adoption du budget de la Sécurité Sociale, et avec, en sous-main,
le positionnement tactique et les postures grotesques de ceux qui pensent demain pouvoir porter les couleurs de leur coterie à la magistrature suprême, l’intérêt partisan bien
compris reprend ses droits. La question n’est plus de "barrer la route au
RN", mais de jouer de sa présence en force sur les bancs de l'assemblée, de l’utiliser pour mieux déstabiliser un pouvoir jugé
incompatible avec les intérêts, pourtant totalement divergents de ceux qui s’accordent
à jouer le chaos pour des raisons purement tactiques. Les idéaux ? Aux
orties. Le front républicain ? Jeté aux oubliettes. La morale politique ? Un
ornement qu’on ne sort que pour les grandes occasions, mais qu’on abandonne dans les
couloirs du Palais Bourbon à la moindre turbulence. L’intérêt du pays ? Quoi ?...
Le parti, d'abord, pour le pays on verra !
Peut-être faut-il lire tout cela
à travers le prisme de la philosophie stoïcienne. À la manière d’Epictète,
rappelons nous : "Il ne dépend pas de toi de changer le monde, mais
bien de comprendre ce qui dépend de toi." Traduction : la
politique ne serait qu’un échiquier où les règles
changeraient selon les coups et les intérêts de chacun.
Et pourquoi pas en rire ? La classe politique française, si souvent décriée pour ses défauts, est, pour moi, une
inépuisable source d’absurde émerveillement. Imaginez : à gauche, on se
lamente sur l’état du pays et on écrit les pages d’un discours de censure qui
dénonce l’influence des idées populistes sur le gouvernement tout en faisant, de fait, alliance avec
l’extrême droite ; à droite, on agite la menace de la gauche tout en faisant
des ronds de jambe au RN qui, lui-même, ne répugne pas à voter avec l’extrême-gauche
honnie… Ah ! qu’ils seront beaux et fiers tous ces élus LFI et RN qui, debout pour célébrer leur triste victoire, applaudiront et éructeront de concert à la chute du gouvernement !
Vive la Quatrième !
La prochaine fois qu’on te parlera
de "front républicain", d’alliance improbable ou de censure morale,
pose toi cette question simple : suis-je un citoyen, libre de ses choix, ou
l’acteur involontaire et servile d’une mauvaise pièce de théâtre ?
Pour ma part, je choisis de sourire…
et d’écrire.
jeudi 21 novembre 2024
Ils ne comprennent rien
mercredi 20 novembre 2024
Ça me gonfle !
dimanche 3 novembre 2024
Rien de banal
vendredi 1 novembre 2024
Rien, craindre, rien désirer, rien déplorer
“Notre vie est ce qu'en font nos pensées”
Marc Aurèle
Ne rien craindre
Ne rien désirer
Ne rien déplorer
vendredi 11 octobre 2024
Rien ne tue l'ennui
"Au commencement était l'émotion"
Louis-Ferdinand Céline
J’assistais, il y a peu, aux obsèques de la mère d’une amie très chère. La tristesse qui se dégageait de cette cérémonie était palpable et les pleurs du veuf, terriblement éploré, simplement déchirants. Impossible de rester insensible ou de tenir à distance l’émotion qui, tout soudain, a déferlé et que j’ai laissé s’installer ; manière, toute empreinte d'empathie sincère, de partager davantage encore la peine de ceux qui étaient les premiers concernés. Dans notre quotidien, les émotions surgissent sans qu’on y prenne garde. Elles sont parfois très puissantes et, le plus souvent, ne se prêtent guère à une analyse rationnelle. Face à la perte d’un être cher, vos amis, cherchant à vous consoler, vous diront que "le temps fait son œuvre et guérit toutes les blessures" ou que "les souffrances de la personne défunte ont pris fin", mais ces paroles rationnelles n'atténueront pas votre tristesse. Cette émotion liée à l'attachement et au vide laissé par la disparition de l'être aimé ne peut pas être simplement effacée par des arguments logiques.