Cioran
mardi 3 novembre 2020
Rien de vraiment social
samedi 31 octobre 2020
En rien rationnelle
"Si la vie est éphémère, le fait d'avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel" Wladimir Jankélévitch
La deuxième vague de l'épidémie nous a rattrapé à la vitesse de la marée montante dans la baie du Mont Saint Michel. Avec ce nouvel épisode, en passant d'une crise unique à une deuxième (qui en annoncerait d'autres ?...), nous sommes entrés dans le temps de l'épidémie. Au sens de la symbolique des nombres, en nous écartant de l'Unité, nous sommes entrés dans une période de corruption et de conflit, mais aussi d'évolution. Cette crise à répétitions, avec ses "stop-and-go" annoncés, permettra-t-elle, enfin, une prise de conscience que, malgré notre désir d'explication et de compréhension de tout, la réalité nous échappera toujours car, à l'image de la vie et de son mystère, la réalité n'est en rien rationnelle ? Face à cet "immense merdier" dans lequel semble peu à peu sombrer notre monde, pourquoi y-a-t-il la vie ? Et pourquoi n'y a-t-il pas rien ? Comment simplement envisager que nous puissions tout à la fois jouir de nos pleines capacités d'êtres développés et conscients et, dans un même temps, devoir accepter le caractère éphémère de la vie ? Voilà bien en quoi la réalité est irrationnelle. Les savants, les sachants et toute la cohorte des experts qu'on voit et qu'on entend à longueur de journée nous asséner "leur" vérité auront beau penser, anticiper, prévoir, calculer, projeter, rien ne se passera jamais comme ils nous l'avaient annoncé. Seule restera la certitude de notre finitude, au regard de l'immensité d'un univers inatteignable et d'un désir insatisfait d'omniscience et d'éternité.
Dépasser la dialectique d'une raison fortement établie et dogmatique. Unir l'instinct et l'intelligence. Accepter, à l'instar de ce que je perçois de l'œuvre singulière de Carl Gustav Jung, "les intermittences de la raison". Faire confiance à une manière d'intuition, sans nécessairement recourir au raisonnement. S'ouvrir à une pensée éveillée pour simplement recouvrer une étincelle d'espérance. N'est-ce pas le chemin que nous devrions davantage suivre à l'effet d'envisager, d'essayer de percevoir, de penser une réalité intrinsèquement impensable ?
Le fou peut-il mieux que le savant penser l'irrationnel ?
Toute vérité est emprunte de relativité, mais à ce point ? Vérité scientifique du matin n'est même plus vérité scientifique de midi, alors que dire de la vérité scientifique du soir ?
La seule solution trouvée pour faire face à une pandémie hors de contrôle (mais comment contrôler la vie même ?), à défaut de pouvoir y remédier et prendre le moins de risque possible, a été de tous nous (re)confiner. Tout mettre sous cloche en pensant qu'on va pouvoir laisser le virus à l'extérieur et, calfeutrés bien au chand dans nos foyers, à l'image du gamin blotti au fond des draps pour échapper aux monstres issus de l'ombre, penser que l'on pourra durablement vivre heureux en vivant caché. Vivre caché pour mourir heureux ?
Alors je me prends à rêver de fuite. Pas de la fuite, ni d'une fuite, de fuite, simplement.
vendredi 17 juillet 2020
Au-delà des masques
1 - Absurda Vida - Danielle Richardson - Robert Laffont, 1962
mercredi 29 avril 2020
Contre une vie séparée
On dit parfois que comprendre rend l’esprit paresseux. Il m'arrive, lorsque j’ai l’impression que je suis sur le point d’atteindre à tel ou tel sujet et encore davantage peut-être lorsque cette compréhension est le fruit d’une démonstration au caractère logique ou presque mathématique, de renoncer et, au contraire de me contenter de m’en tenir à l’idée rassurante que j’aurais compris quelque chose, de persister à questionner et douter. Je me défie autant des théories que des dogmes et si une question m’apparaît presque indiscutable tant elle aura été argumentée, justifiée, démontrée, je me méfie, j’hésite et le doute n'en est même que renforcé, agissant comme un carburant, un encouragement à penser davantage. Alors je me pose de nouvelles questions, j’élargis l’angle, je (me) retourne, je change simplement de point de vue, quitte d’ailleurs à finalement revenir au résultat initial. C’est en cela que mon doute ne peut en rien s'assimiler à une forme quelconque de complotisme. Je ne crois pas à l’intervention d'une main secrète et occulte qui agirait dans l’ombre, simplement je me pose des questions, tant je me méfie des dogmes, et je pense qu’il n’y a pas de vérité unique encore moins définitive, même scientifiquement démontrée.
Les anxiogènes mises en garde de la faculté, autant que les martiales injonctions gouvernementales, n'y changeront rien, en ces instants où chacun, dirigeant politique comme sommité scientifique, ne paraît plus mû que par le désir de nous (sur)protéger (pour mieux se protéger lui-même ?). Je sais bien que gouverner c'est prévoir mais, dans les considérants des décisions prises et annoncées ces jours-ci, la somme cumulée des effets d'une pandémie provenant d'un virus inconnu, d'un principe de précaution érigé au rang de norme constitutionnelle, la transparence comme un nouveau dogme et des possibilités d'action offertes à tous par une société de plus en plus judiciarisée semble malheureusement plus agir comme la source d'une sourde peur pour l'élite d'éventuels contrecoups, demain, des choix d'aujourd'hui, que comme un stimulant pour la prise immédiate de décisions simples, équilibrées et compréhensibles. Les conséquences en matière de santé publique, d'un usage régulier du tabac ou de la consommation d'alcool sont beaucoup plus dangereuses et mortifères que la circulation du Covid19 et, pourtant, nul de nos gouvernants ne songe sérieusement à en prohiber la consommation ou à en interdire le commerce. Nous devons accepter que la vie repose sur un équilibre qui possède, en lui, une dynamique qui le rend, par nature, instable. Oui, la vie est incertaine et dangereuse. Devons-nous pour nous en prémunir, renoncer à vivre ? Êtres sociaux par définition, pouvons-nous vraiment, au nom d'une prophylaxie devenue doctrinaire, accepter l’idée, sans renoncer à ce que nous sommes, de devoir nous contenter désormais (et pour combien de temps ?) d’une vie cloisonnée, d’une existence distanciée, d’une vie séparée ? Je te le dis tout net, ami lecteur: je m'y résous de moins en moins.
vendredi 24 avril 2020
Aporie en période de pandémie
Pourtant, je reconnais qu'il m'est déjà arrivé d'affirmer ici-même que ça n'est pas parce qu'on avait rien à dire qu'il fallait fermer sa gueule. Alors..? Alors, comme l'a si bien chanté le très nobelisé Bob Zimmerman, les temps changent, et dans le domaine de la statistique, avec cette pandémie on a, je crois, atteint le record, absolu et toutes catégories, de conneries proférées à la minute. Autant de bêtises affirmées avec force, jour après jour, par nombre d'auto-proclamés "experts", d'autant plus sûrs de leur fait que leur "expertise" est bien souvent totalement improvisée sur l'instant, et qui, eux, savent, évidemment... Alors, pour une fois, j'apprécierais que ceux qui n'ont rien, mais alors strictement rien à dire, la ferment !
Et dans le registre aporétique, je souhaite te livrer, mais uniquement, et tu comprendras aisément pourquoi, à titre d'illustration, la réflexion suivante qui m'est venue tantôt : "Tous les médecins se trompent tout le temps. Le professeur Raoult a raison..." Mais celle-là j'aurais peut-être dû la garder pour moi, tant certains sujets sont aujourd'hui si chauds que celui qui se risquerait à les aborder pourrait bien finir par s'y brûler. Comme l'a si justement écrit Cioran, nous sommes sans-doute entrés dans l'un de ces moments où l'"on ne peut rien dire de rien".
En période de pandémie, de partager tes réflexions aporétiques tu te garderas. So long, friend!
mercredi 22 avril 2020
A vouloir tout voir : ne plus rien comprendre ?
- Décrire le plus objectivement possible (en exposant ce que l'on voit, de façon la plus claire, et, surtout, en se gardant de toute interprétation, à ce stade);
- Contextualiser (ce que l'on sait du contexte de l'image en question);
- Interpréter et, le cas échéant, critiquer (en évoquant ce qu'on peut en déduire ou les pistes de compréhension qu'on peut en avoir).
- "As-tu vérifié si ce que tu veux me raconter est vrai ?"
- "Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?"
- "Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?"
jeudi 16 avril 2020
La bile, ou ce qu'on se fait quand on pense qu'on ne peut rien faire
Bientôt, je l’espère, la pandémie ne sera plus qu'un (très) mauvais souvenir et, avec elle, nous aurons laissé derrière nous cette curieuse époque qui a vu s'imposer une forme dérangeante de "médicalisme" (j'emprunte le mot à André Comte-Sponville), un temps hors du temps où nous aurons été les témoins de l'émergence de ce qu'on pourrait qualifier de "médicostructure". Le moment sera alors venu de faire un bilan et, je l'espère, de tirer quelque enseignement de l’étrange constat d'impuissance mêlée d’improvisation généralisée, du politique au scientifique, dont nous faisons aujourd'hui la quotidienne et cruelle expérience. Et sans doute, notamment, d’interroger la façon dont le virus et la maladie auront été différemment abordés. Quel prix sommes nous prêts à payer en échange d'une - toute relative - garantie de mourir en bonne santé ?
Cette crise nous aura clairement mis face à l’incapacité grandissante de nos sociétés dites avancées à faire face à la souffrance, à la maladie et à la mort et à vouloir trouver, dans la science, une manière de réassurance venant, en fin de compte, questionner l'impossible auquel nous sommes confrontés à simplement accepter notre fragile condition d'être mortel. Le risque, et la nécessité d'y faire face et de s'adapter ne sont-ils pas le moteur même de la vie ?
Bien des tabous sont tombés, au nom du droit à l'information, ou plus exactement du droit d'informer. Oui, mais jusqu'où ne pas aller trop loin ? Imagine-t-on que, demain, notre société pourra continuer à vivre en acceptant que, chaque soir, un fonctionnaire à la mine grise vienne à la télé tenir le macabre bilan comptable du nombre de morts du jour ? Penses tu sincèrement, ami lecteur, qu'on supportera, durablement, la diffusion en boucles des images dramatiques et visibles de tous, y compris des plus jeunes, de services d'urgence et de salles de soins intensifs ? Devons nous nous résigner définitivement à ne plus vivre que dans la peur, et à la transmettre, sans précaution aucune, aux générations qui nous suivent ? Si l'on a pris le parti d'interdire aux enfants de moins de quinze ans l'accès à ces services hospitaliers, est-ce par hasard ? le téléspectateur réclame, chaque jour, son terrible cocktail d'images et de sensations, mais pouvons nous, devons nous vraiment accepter de vivre comme çà ? Nous ne sommes pas immortels! Est-ce réellement une information ? Si la mort s'est brutalement rappelée au (mauvais) souvenir de tous, elle ne doit pas l'emporter sur la pulsion de vie qui, seule, devrait nous animer. N'oublions pas que ce qui fait de nous des mortels, c'est que nous sommes d'abord des êtres vivants.
Entre une société qui cache, parce que l'idée même lui en est devenue insupportable, toute image non esthétisée ni intellectualisée de la mort, et, un monde du tout-à-l'image où tout serait dit, montré, débattu à l'envie, sans filtre et sans nuance, ou même, et surtout, le plus sombre et bouleversant s'étalerait en permanence aux yeux de tous, que choisirais tu ? Le Dark Net de l'existence est-il en passe de devenir notre seule et unique référence ? Pourtant, il y a tant à faire. Souvenons nous de vivre, d'aimer, d’être heureux, et d'espérer! Et ne laissons surtout pas s'installer l'idée que nous ne pourrions plus rien faire, c'est le meilleur moyen pour que nous fassions moins de bile.
dimanche 12 avril 2020
Rien de moins
En y repensant, ici et maintenant, ces miroirs m'ont très tôt enseigné une manière très ludique d'aborder l'idée qu'il ne saurait y avoir de réalité unique, mais bien que c'est l'angle de vue et la manière de voir qui donnent un reflet, une illusion de la réalité. Ou, pour le dire autrement que nous appréhendons la vie à travers un prisme et qu'il y a d'une part notre vérité mais aussi celle du miroir que, souvent, nous présente le regard de l'autre, et puis aussi celui de notre mémoire qui, elle-aussi, à sa façon, déconstruit pour mieux la recomposer la réalité de notre propre histoire. Rien de moins.