mardi 3 mars 2020

Rien n'a été dit

"Il faut vouloir être heureux et y mettre du sien"
Alain - Propos sur le bonheur

Billet en forme de clin d'oeil à un mien ami poète qui se reconnaîtra, si l'idée lui venait de se perdre sur ce blog.

En parcourant les propos sur le bonheur du philosophe Alain, j'ai relevé cette phrase qui m'a interpellé tant sur un plan philosophique que dans ma pratique professionnelle : "il est bien aisé de ne pas croire, alors que rien n'a été dit". Que peut bien vouloir signifier l'auteur ? Le non-dit, le non-exprimé, rend-il plus facile l'incrédulité ? Et, partant, protège-t'il de la crainte ? Faudrait-il abandonner tout espoir, au prétexte que l'espoir lui-même nourrirait la peur ? Car que peut bien redouter celui qui ne croit en rien ?  Ce questionnement relève à mes yeux du même raisonnement que celui du blagueur qui, face à telle ou telle attitude empreinte de crédulité naïve et d'irrationnel, affirme, crânement, "ne pas être superstitieux car cela porte malheur!"

Gare à tout ce qui peut s'entendre. Les propos définitifs comme les paroles qui peuvent nous paraître sur l'instant les plus insignifiantes. Car même les petits riens restent en mémoire, nourrissant leur part d'ombre, et, un jour ou l'autre, au moment parfois où l'on s'y attend le moins, resurgissent et peuvent nous troubler au point que nous ayons alors l'impression que les évènements donnent vie à nos craintes les plus sombres. C’est vrai des névroses d’angoisse, cette  forme d’anxiété, bien connue des psy qui l’appellent anticipation anxieuse, qui produit souvent la situation que précisément nous redoutons le plus. L’anxiété fait craindre d’être anxieux. C’est bien sûr vrai également en matière de névroses obsessionnelles, avec la culpabilité injustifiée et parfois inconsciente qui les accompagnent. Force de l'Inconscient diront certains, puissance du Verbe diront d'autres, ou tout simplement besoin vital de croire. Même à l’incroyable. Même en des chimères.

Le monde chaotique qui nous entoure nous ramène toujours aux désespérantes limites de notre existence en nous enseignant que si la vie peut nous paraître souvent imprévisible et parfois injuste, son issue, elle, est toujours inéluctable. Alors entre aujourd'hui et le dénouement fatal annoncé, pourquoi ne pas avoir envie de croire, pour donner Sens. Croire en la vie, croire en l'homme et, d'abord, croire en soi. Car croire que l'on est rien, c'est se porter à n'être rien. Accepter notre état d'être spirituel c'est, au contraire, faire le choix de l'espérance qui est volonté de faire, même et surtout de petites choses, au lieu que ne s'installe le désespoir, par la simple force de ce qui est.  C’est surtout peut-être considérer que rien n'a encore été dit, plutôt que tout...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire