vendredi 15 janvier 2010

Presque rien. Initiation à l'Uchronie


Le 17 juillet 1453, une escouade de l'armée du roi de France se heurte à un corps expéditionnaire anglais sur les bords de la Dordogne, près du village de Castillon. Cette petite bataille assez peu connue, presque rien en fait, marque la fin de la guerre de Cent Ans.

Qu'en aurait-il été si les Anglais avaient gagné la guerre?

Imaginons un instant que le sort fut différent et que la paix scellée à l'issue de l’épisode sus-évoqué marque la victoire de l'aristocratie anglaise sur la noblesse de France. La capitale que les royaumes unifiés se choisissent est Paris; la langue officielle de la Cour (partant, de ses futures possessions et colonies) est le français. Pas de guerre de succession d’Espagne, pas de Révolution française, pas d'humiliation nationale à Waterloo (ultime revanche de Wellington sur la défaite de 1453...). Les Royaumes Unis forment l'ensemble le plus riche et le plus prospère en Europe. Ses émissaires sillonnent la planète, ses vaisseaux voguent vers de nouveaux mondes. Un Empire est né.

Nous sommes maintenant en l'an 1860 de cette uchronie. Une guerre de frontière au sud de la Nouvelle France a été évitée de peu. Pendant quelques heures, les redoutables amazones dahoméennes dépêchées par la Métropole depuis leur casernement d'Abomey ont assiégé La Nouvelle-Orléans et ont fait face aux bataillons d'Amérique des Royaumes Unis dirigées par le général de corps d'armée Boulanger. Seule l'intervention des aéronefs du Duc d'Anjou aura permis d'éviter le pire en semant la panique parmi les dromadaires et les éléphants des régiments de cavalerie lourde des assiégeants, ce qui favorisera une sortie et une percée décisive du corps d'élite des troupes royales de marine. Cet épisode marque la limite de l'expansion septentrionale de la vaste colonie établie par le royaume de Béhanzin 1er, roi du Dahomey et auto proclamé empereur des Africains de l'ouest, sur le sol du nouveau monde. On aura en tête qu'avec le soutien des troupes arabo-mauresques du Califat de Cordoue, le royaume du Dahomey étend désormais son empire sur chaque rive de l'océan Atlantique et gouverne une partie du monde depuis son vaste Palais en sa capitale d'Abomey. Ce 24 septembre 1860, le Cheikh Abd-el-Kader, plénipotentiaire dépêché par l'empereur sur le nouveau Continent, signe un traité de paix mettant fin à plusieurs années de tension et d'escarmouches. Des frontières sont établies, des ambassades dépêchées. Le français restera langue officielle d'un territoire s'étendant de l'Alaska à la Nouvelle-Orléans, la monnaie, la Livre Tournois, la capitale de la Province étant, quant à elle, définitivement établie à Québec.

A la fin des années 30 du Vingtième Siècle, les Royaumes Unis vivent une période de grande agitation politique. La question de l'indépendance de la Septimanie donne lieu à des débats passionnés. A Paris, capitale politique, tout comme à Londres, capitale économique et financière de l'Empire, la presse fait ses gros titres sur les menées séparatistes biterroises encouragées par le gouvernement Babouviste de la République de Catalogne en son siège de Perpignan. La tension est vive. Des attentats ont été commis au nom de la Liberté Septimanienne et la gendarmerie royale a payé un lourd tribu à la cause irrédentiste. A l'issue d'un référendum populaire d'initiative locale, Béziers décide d'une formule d'autonomie/association et le Comte de Montpellier est, en présence de tous les princes de sang et de nombreuses délégations étrangères, couronné vice-roi de cette Province à l'occasion d'une très belle cérémonie en la basilique royale de Vias.

En 1981, le Prince de Galles, Comte de Paris et héritier de la double couronne, défraie la chronique en épousant secrètement pendant ses vacances au "Club Caraïbe" de l'île de la Tortue, une vedette de Cinéma, jeune aristocrate mahométane désargentée d'origine Maltaise. La question de la succession est immédiatement ouverte et le Pape, depuis son palais d'Avignon, se doit d'intervenir pour rétablir l'ordre au sein de l'Église et de l'empire. Le roi, contraint d'agir, décide d'éloigner son fils de la capitale et lui donne mandat pour inspecter les possessions lointaines des Royaumes. La Princesse se languit, de l'ennui naît l'envie et bientôt les amourettes de la belle Dinah avec un garde du corps du Prince portant Kilt et Tartan s'étalent à la Une du "Soleil Royal" ; certes le plus trash des tabloïds parisiens mais un de ces médias qui font l’opinion. Le scandale éclate. La Princesse est répudiée. L'héritier pour sa part est obligé d'avouer au grand jour des amours contre nature avec des indigènes amérindiens. Le Pape, cette fois, condamne et on évoque même la possibilité d'un procès en excommunication contre le successeur des deux Trônes. Au sein de l'Église un schisme couve. Au nom de la tolérance et de l'ouverture certains évoquent la création d'une "Église Anglo-Galicane". Mais heureusement l'affaire se calme avec la décision du Roi de pardonner à son fils et de promulguer une Charte établissant les sodomites dans leurs droits comme égaux des hétérosexuels. La jeune Princesse répudiée trouve refuge auprès des Alaouites de Fès et les grands Ulémas de Belgrade et de Trieste appellent ouvertement au Djihad pour laver l'affront fait à l’Islam. Le grand Turc menace, au nom de la défense de la vraie Foi, de dépêcher ses janissaires à la tête de ses troupes Greco-Albanaises. La guerre est là qui fait vaciller sur un socle que tous croyaient inébranlable la « Pax Francia » établie depuis maintenant plus de 5 siècles sur le monde. Pour la première fois, certains échotiers et éditorialistes, notamment asiatiques, évoquent un risque de surpuissance et dénoncent un monde uni polaire dirigé depuis Paris. Les Ayatollahs de Qom en profitent pour jeter à bas le régime ami du Shah de Perse et instaurer un État théocratique. Le monde est au bord du gouffre et partout la violence s'installe. On évoque le spectre d'un conflit mondial.

Les Assassins de la forteresse d'Alamut, galvanisés par les discours du vieux Cheikh de la montagne, porteront bientôt partout le feu et la désolation. Une vague de terreur étend désormais son ombre inquiétante. De grands périls menacent. La folie des hommes et son cortège de malheurs semblent devoir entraîner le monde vers sa perte.

Quelle terrible époque, instable et inquiétante, nous aurions connue alors. Il n’en est heureusement rien. Cela s’est joué à peu de choses. Presque rien ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire