vendredi 18 mai 2018

Rien n'y fera

Ce blog a la prétention de n' apporter jamais la moindre réponse. Aucune. Rien. Est-ce si grave ?

Si j'écris, c'est d'abord pour essayer de partager les questions et réflexions qui naissent dans l'espace de création intime de mon silence intérieur. Spicilège sans autre ligne directrice que le chaos de mon imagination. Tentative d’ordonnancement de miscellanées le plus souvent pas très sérieuses. Pensée transformée en langage, exprimée dans une langue encadrée par des règles qui permettent, en la trahissant toujours un peu, de la traduire en signes d'écriture. Écrits sans autre intérêt, au fond, que celui d'avoir été couchés sur une feuille n'ayant elle-même guère de substance puisque j'ai choisi un support digital et dématérialisé.

Malgré son inanité,  mais sans autre risque que celui de peut-être regretter plus tard ce que j'écris maintenant, je continue de publier.

Ma grand-mère s'en est allée hier. Plus d'un siècle s'était écoulé depuis sa naissance. Née Badin, devenue Porte par les liens du mariage, Simone, orpheline de père à trois ans pour cause d'épidémie de grippe espagnole, aura connu ses arrière-petits enfants et fait le lien entre quatre générations de la famille. Cruel revers de cette longévité, au-delà d'un cercle familial de plus en plus restreint, sa compagnie intime comptait plus de fantômes que de vivants.

Avec son départ, autant redouté qu'annoncé, une porte s'est définitivement refermée. Elle seule établissait un pont entre ceux qui étaient nés au 19ème siècle, et dont elle faisait partager le souvenir, et ceux qui, nés au 21ème, porteront, je l'espère  encore longtemps, sa mémoire.

Il y a quarante-huit heures, elle évoquait avec moi la cicatrice encore vive de l'injustice d'une claque infligée par sa belle-mère alors qu'elle séjournait avec ma mère dans la maison des parents de son mari à Felletin. La seconde guerre mondiale avait commencé. Les allemands approchaient de Paris. Roger, pour les éloigner de la violence du conflit, avait expédié sa famille aux pieds du plateau de Millevaches, dans la Creuse, en les confiant aux bons soins d'une mère dont la rudesse de caractère n'était visiblement pas une légende. Plus de soixante-dix ans plus tard, c'est le souvenir de cette gifle et de ses larmes, toujours aussi vif, qu'évoquait la vieille dame au crépuscule de sa longue et riche existence.

Quels ressorts intimes pouvaient rendre le souvenir, somme toute assez anecdotique d'un simple soufflet d'humeur, encore assez cruel pour que les larmes lui viennent immédiatement aux yeux en l'évoquant ? De quelles secrètes humiliations était-il l'invisible invocateur ? Nous ne le saurons jamais. Leur mémoire, avec elle, s'en est allée...

J'aurais dû, si j'avais su - mais aurais-je pu ? - la faire parler plus tôt. Lui faire raconter, à l'effet de pouvoir ensuite tenter de rédiger quelques lignes. Au-delà de la tristesse que les mots ne sauraient seuls exprimer pleinement, le regret s'installe et avec lui la certitude qu'il faut, dès qu'on peut, écrire. Ecrire ne serait-ce qu'au nom d'un devoir de transmission.

Alors, tant que la petite lucarne ouverte sur un horizon de souvenirs nourris d'imaginaire ne sera pas refermée, je continuerai de m'essayer à l'écriture. Rien n'y fera...

6 commentaires:

  1. Continue mon cher Thierry ta belle plume fait remonter chez nous tous bien des souvenirs enfoui depuis longtemps dans nos cœurs BBB

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    1. Merci pour ces encouragements cher lecteur anonyme... TiBi

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  2. Merci Thierry de ces mots si justes. Continue ! Stéphanie Stahr

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