mercredi 23 mai 2018

Ne plus rien faire

Véronique me dit souvent que je n'ai aucune mémoire. Elle n'a pas totalement tort. Mais au fond, est-il si important que tel souvenir nous échappe, que tel autre puisse être le seul fruit de notre imagination ou qu'un autre encore ne fasse la part belle qu'à ce que nous voulons bien nous rappeler ?

Si certaines de mes historiettes te paraissent à dormir debout, saches, cher lecteur, qu'elles m'ont souvent été inspiré dans des périodes d'éveil, lors même que j'étais allongé.

Le travail de mémoire est exercice d'écriture, et pas l'inverse. Chercher de la matière pour nourrir l'écrit. Quelle qu'elle soit. Car le verbe est bien une matière. C'est même, pourrait-on dire, une matière première. La "materia prima" des alchimistes. Celle qui précède tout puisque, comme l'énonce le prologue de Jean : "Au commencement était le Verbe".  Cette matière brute qu'est le Verbe en pensée, il nous appartient de le transformer et de lui donner, en agençant les signes qui construiront des mots, qui eux-mêmes composeront des phrases qui, se succédant, donneront, elles, corps au texte, la forme que nous voulons. A l'instar de la prime essence, notre imagination est à l'origine d'un monde auquel nous donnons forme et que nous essayons de manifester par l'écrit. L'écriture comme un révélateur de l'être en soi, comme un miroir de l'âme ?

Et ça n'est pas le moindre paradoxe de l’exercice que d'essayer d'ordonner le chaos de l'imaginaire par l'entremise des conventions et des règles très précises auxquelles obéissent les systèmes d'écriture. Ordo ab Chao.

Si une part de nos vies se passe à nous raconter à nous-même, consciemment ou pas, des histoires, il arrive parfois que nous éprouvions le besoin d'en raconter aux autres. Cette envie, rare et exaltante, je l'ai ressentie. Elle s'appelle désir d'écrire. Et peu importe si notre prose est porteuse, ou pas, d'une part de vérité ("d'après une histoire vécue"!) puisque rien d'autre n'est plus vrai à nos yeux que ce qui existe dans le secret intime de nos pensées les plus profondes. Ne plus rien faire ou prendre le risque de faire ce qu'on ne sait pas faire. Je prends mon risque. Et j'essaie, de temps à autre, d'écrire...

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