dimanche 26 février 2023

Rien ne décrit le silence

"Le mot empêche le silence de parler." Eugène Ionesco

Je n'ai jamais compris l'expression "se murer dans le silence". Comme si le silence dressait des murs, qu'il enfermait et était privatif d'une quelconque liberté alors qu'au contraire, à mes yeux, le silence souvent contribue à  libérer ! Et d'abord, la parole qui prend sa source dans le silence qui la précède et la fonde. Puis, dans le fait même de se taire pour mieux recevoir la parole de l'autre. Se taire pour écouter, faire silence pour entendre. On dit même que la liberté se gagne dans le silence de celui qui sait l'observer. Seul notre silence rend la parole possible et, d'une certaine façon, la libère. Pour qu'il y ait échange, celui qui écoute, se tait. Pour bien entendre, il est indispensable que s'installe le silence, comme au spectacle où le lien entre les artistes et le public ne peut s'établir que dans le silence de l'auditoire. Pour laisser éclore la pensée et advenir la parole, nous avons besoin de ce silence qui, pourtant, ne peut être produit. Le paradoxe veut en effet que pour "faire silence", il convient surtout de s'abstenir de rien faire. Le silence ne peut s'épanouit que dans le rien. 

Notre discours nous rend existant aux autres car nous sommes des êtres sociaux. Mais qu'en est-il de ceux qui se taisent ? Et puisqu'on ne peut pas ne pas communiquer, le silence est, pour le moins, partie à la communication. Dans certaines situations, il est même des "silences actifs" (certains psychologues évoquent alors la figure du "passif agressif", celui qui peut aller jusqu'à "attaquer par le silence"...). Qu'on se souvienne, à titre d'illustration, du mutisme de résistance opposé aux soliloques de l'officier allemand, francophile et francophone, par le personnage de la  nièce de la famille dont la maison, au début de la seconde guerre mondiale, a été réquisitionnée par l'occupant dans "le silence de la mer" de Vercors. Le silence serait ainsi parfois utilisé comme une technique de manipulation, à tout le moins comme un mécanisme de protection. Le non-dit peut être plus éloquent que l'exprimé.

Le silence est aussi parfois considéré en philosophie comme l'indice du rien. Le silence pourrait donc également être une voie, un chemin possible, une ascèse dans l'espoir, enfin, d'arriver à être libre, à n'être plus rien. Le silence comme un langage de l'âme, une parole qui donne un cadre à l'intime. On dit alors que rien n'est plus parlant que certains silences, partant, rien ne décrit le silence. Le silence n'existe que par contraste. L'absence de parole de celui qui se tait et, par extension, une absence de sons, l'absence de tout bruit. Le silence ne serait-il alors qu'une absence ? Pourtant, le solfège nous enseigne qu'en musique, il existe sept sortes de silences : La pause, la demi-pause, le soupir, le demi-soupir, le quart de soupir, le huitième de soupir et le seizième de soupir. Il y aurait donc, au moins en art musical, plusieurs nuances de silence. Mais comment nuancer ce qui ne se décrit pas ? Et, ce que nous appelons silence l'est-il vraiment ?

Notre image sonore du monde n'est pas le monde, mais une perception des sons de l'univers rendue partielle en raison des limites physiques de notre sens auditif. Notre oreille n'est en effet sensible qu'à une gamme spécifique de fréquences et d'intensités qui définissent ce qu'on appelle le champ auditif humain. Toutes les vibrations acoustiques qui sortent de ces limites ne sont plus considérées comme des "sons" par nos oreilles. Etres limités, nous ne percevons ni les ultrasons ni les infrasons qui sont pourtant entendus par d'autres espèces. Ainsi, ces sons, pourtant bien réels, l'homme ne les entend pas car ils appartiennent à un plan inaccessible à ses sens. Ce que nous appelons silence est-il donc réellement si silencieux ?

En guise de provisoire conclusion, je voudrais, ami lecteur, te faire, plus qu'un conseil, une libre suggestion : la prochaine fois où tu devras prendre la parole, assure toi d'abord que ton silence ne serait pas plus éloquent. Et souviens toi que tu as le droit de rien dire.

vendredi 17 février 2023

Rien ne dure

"La vraie connaissance est de connaître l'étendue de son ignorance." Confucius


Si les mots "savoir" et "connaissance" sont souvent utilisés de manière interchangeable, leurs significations sont pourtant bien différentes. Le savoir s'acquiert et peut être transmis alors que la connaissance m'apparait, elle, comme le fruit d'un long processus d'apprentissage individuel.

Le savoir peut être défini comme une compréhension ou une information acquise à un instant donné et issue d'un enseignement et de l'expérience d'une pratique. Parce qu’il est en général basé sur des faits concrets, il peut être considéré comme relativement fiable mais il dure jusqu'à ce que l'état des connaissances en la matière évolue et n'infirme le soir ce que l'on pensait encore le matin immuable. Ainsi,  le savoir qu'on peut définir comme une manière d'expertise acquise dans un certain domaine est le fruit de la formation intiale suivie et de l'expérience. Il est souvent l'un des fondements d'une certaine légitimité à prendre la parole.

La connaissance est un terme plus large qui s’inscrit dans une forme de mouvement, un processus d'élaboration personnelle continu qui englobe le savoir en lui adjoignant également une dimension de compréhension et d'identification des interactions et des relations entre les différents éléments qui en sont constitutifs. La connaissance peut également être considérée comme une combinaison dynamique et évolutive entre savoir, compréhension et capacité, pour un individu, à mettre à profit cette réflexion pour résoudre des problèmes ou prendre des décisions. Plus que le savoir acquis, la capacité à toujours s'adapter aux modifications de l'environnement n'est rendue possible que par la connaissance. Elle conforte la légitimité de celui que la position qu'il occupe conduit à devoir prendre des décisions.

On dit parfois que le savant est celui qui maîtrise parfaitement et dans ses moindres aspects un savoir par essence limité. Mais, le sachant, n'est-il pas celui qui a, au fil du temps, acquis une forme de connaissance aux contours beaucoup plus larges ?

Si l'on considère le savant comme un individu qui a accumulé une grande quantité de savoir et d'expertise dans un domaine donné, il est possible qu'il sache suffisament de choses pour légitimer sa prise de parole dans ce domaine. Cependant, personne ne peut prétendre savoir absolument tout sur un sujet, même celui qui est perçu comme « sachant ». La connaissance est en constante évolution, et il y a toujours des découvertes à faire et des choses à apprendre.

A l'occasion de la pandémie mondiale, on a assisté pendant des mois au défilé cathodique quotidien de scientifiques devenus, pour certains, les chroniqueurs attitrés des chaînes d'information permanente. Depuis bientôt une année et le début de l’invasion russe en Ukraine, ils ont disparu, presque du jour au lendemain, pour laisser leur place encore chaude sur les plateaux à des officiers généraux, réservistes ou en retraite, qui, chaque jour, commentent l’actualité de la guerre et les manoeuvres des assaillants comme des défenseurs. Les treillis ont supplanté les blouses blanches.

Mais de quoi cette surabondance d’experts est-elle le nom ? Une foi inébranlable dans la parole de celui qui est censé savoir ?

Si tout peut, un instant, sembler vrai, la seule réalité c'est que rien ne dure. La connaissance humaine est, au regard d'un Univers infini qui ne cesse de s'étendre, par nature, limitée. Il y aura toujours des mystères et des incertitudes à explorer. A l’instar de l’horizon, on pourrait dire que plus on croit s’en approcher, plus la connaissance nous échappe. Ce que l'on croit savoir et que l'on pense fiable et durable n'est souvent qu'éphémère. Non, vraiment, rien ne dure.

jeudi 19 janvier 2023

Ne rien faire

"Celui qui ne ne veut agir et parler qu'avec justesse finit par ne rien faire du tout."
Friedrich Nietzsche


Ne rien faire est-ce vraiment ne pas agir ? Mieux vaut-il ne rien faire plutôt que de faire mal ? Ne rien faire est-ce dans tous les cas "laisser faire" ?

A la lecture d'un très récent sondage de l'IFOP(*), je découvre avec stupeur que 20% des jeunes français de 18 à 24 ans croient que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune, un sur cinq que la terre est plate et que 59% affirment croire en au moins une superstition à caractère occulte . N'y-a-t 'il rien à faire ? Faut-il ne rien faire ? Peut-on, en conscience, continuer à laisser fleurir de telles croyances irrationnelles au prétexte que toutes les opinions se vaudraient ?

Paul Watzlawick, l'un des pères de l'école de Palo Alto, a postulé qu'on ne pouvait pas ne pas communiquer. Et s'il en était de même de nos actions ? Pouvons-nous vraiment ne pas agir ? Qu'elle fût consciente ou inconsciente l'inaction ne serait-elle pas tout simplement une autre manière d'agir, même et surtout de, parfois, mal agir ?

Il est courant de penser que "ne rien faire" signifie ne pas agir, mais en réalité, il existe de nombreuses formes d'action qui peuvent être considérées comme un non-agir. Sans même évoquer la résistance passive, forme d'inaction très militante, il est convenu que prendre le temps de se détendre et de se reposer est une forme d'action qui peut s'avèrer nécessaire pour maintenir sa bonne santé mentale et physique. De même, la réflexion et la méditation peuvent également être considérées comme des formes d'action car elles permettent de clarifier ses pensées et ses sentiments, ce qui peut bien souvent faciliter la prise de décision, et donc l'action qui en découlera. Ainsi, pour Cioran, l'inaction ne signifiait pas l'indifférence ou l'apathie, mais plutôt un choix conscient de vivre de manière plus authentique et libre. Dans son livre "De l'inconvénient d'être né", Emile Cioran a écrit que l'inaction était un choix conscient de ne pas se mêler des affaires du monde, et de ne pas se laisser entraîner par les passions et les désirs. Il présente l'inaction comme une forme de liberté par rapport aux obligations et aux responsabilités imposées par la société.

Derrière l'inaction physique se cacherait donc parfois une action consciente de l'esprit, une volonté de non-agir volontaire et choisie. Il peut, par exemple, s'agir de décider de ne pas prendre un appel téléphonique, de ne pas répondre à un e-mail qui ne nous parait pas urgent ou de ne pas participer à une réunion qui ne nous apparait pas indispensable. Mais si cela peut permettre de consacrer plus de temps et d'énergie à des tâches plus importantes et significatives, cela peut aussi nous faire prendre le risque de passer à côté de quelque chose qui pourrait s'avérer essentiel. Si ne rien faire peut impliquer que l'on prend le temps de réfléchir, de se reposer, de se détendre et de se recentrer, si cela peut aider à clarifier les pensées, à résoudre des problèmes et à améliorer la performance dans divers domaines, tels que le travail et les relations personnelles, l'inaction peut aussi, par lâcheté, absence de volonté ou simple procrastination, plutôt inconsciente le plus souvent, parfois entraîner des conséquences plus ou moins graves. 

Décider de ne rien faire peut donc être le fruit d'un choix conscient, mais un choix dont il faut savoir assumer les conséquences. Si Friedrich Nietzsche a écrit sur la "paresse active" ou "paresse créatrice" qui consistait, selon lui, à choisir de ne pas agir dans certaines situations, plutôt que de se laisser entraîner par la pression sociale ou les conventions morales, il a, dans le même temps, critiqué l'idée de la "paresse passive" qu'il décrivait comme l'inaction découlant d'une apathie ou d'une résignation face à la vie. En somme, pour Nietzsche, l'inaction doit être choisie de manière consciente, en tant que moyen de cultiver la créativité et la liberté personnelle, plutôt que comme une forme d'évitement ou de résignation. 

En fait, si prendre une pause pour se reposer peut évidemment améliorer la concentration et la productivité au travail, ne rien faire c'est aussi parfois malheureusement laisser place à la progression de la connerie et de l'obscurantisme. Un exemple de ce crétinisme qui vient peut être donné par une autre réponse des plus jeunes de nos concitoyens qui, dans le même sondage précédemment cité, affirment n'être que 33% à estimer que la science "apporte à l'homme plus de bien que de mal". Ils étaient plus de la moitié à le penser il y a 50 ans... Qu'avons-nous fait - ou pas ! - pour en arriver là ? Pouvons-nous nous contenter, sans agir, de constater dans les chiffres le retour de la superstition et de l'ignorance ?

On dit parfois qu'l est préférable de ne rien faire plutôt que de faire mal. Est-ce si certain ? Ne rien faire ne signifie alors pas être passif ou inactif, mais plutôt de choisir de ne pas agir dans certaines situations pour éviter de prendre le risque de causer davantage de dommages. Avons-nous, avec les plus jeunes d'entre-nous, été lâches ou simplement indifférents ?

Certes, "ne rien faire", ne pas intervenir, ne signifie pas nécessairement rester inerte, être insensible aux évènements ou ne pas avoir le souci des autres. Au contraire, cela peut même permettre dans certains cas de mieux comprendre les besoins de l'autre et de mieux lui venir en aide. Ainsi en va-t-il très certainement de l'"attention flottante" chère aux psychanalystes, concept utilisé pour décrire une forme d'attention à la parole de l'autre qui permet d'être attentif à plusieurs niveaux de conscience à la fois, et qui peut être liée à la créativité et à l'imagination, mais aussi sans doute constituer un moyen pour l'Analyste de se protéger en se tenant suffisamment à distance de la réalité de son patient dans ce qu'elle peut avoir de plus angoissant. Mais, dans le contexte généralisé de disparition du raisonnement critique et de nivellement de l'expertise, à trop s'éloigner du réel, à trop "faire l'autruche", à force de refuser d'admettre l'évidence, on prend le risque pour notre société d'un réveil brutal car trop tardif.

La crise sanitaire et ses confinements successifs ont fourni le terreau propice à un essor sans précédent des théories complotistes ou des contre-vérités scientifiques les plus dingues relayées par des réseaux sociaux devenus la source exclusive d'information pour une majorité de jeunes. Dans un contexte de défiance généralisée envers tout ce qui apparait comme l'expression d'une autorité verticale, désormais, tel ou tel  "influenceur" populaire sur le réseau social à la mode est considéré par de nombreux jeunes comme un canal d'information plus fiable que les médias traditionnels et ses prises de position, autant définitives que souvent irraisonnées, prennent à leurs yeux, plus que les paroles d'experts reconnus, le caractère de vérités révélées et indépassables. L'expression d'une réalité malheureusement souvent sans constat mais qui peut prendre, sans autre fondement, valeur de dogme et qui forge, pour ceux-là, les contours d'une vérité qui lui est conforme. Toujours selon le même sondage, souscrire à la thèse selon laquelle "L’assaut du Capitole en janvier 2021 a été mis en scène pour accuser les partisans de Donald Trump" a par exemple un nombre d’adeptes (24% en moyenne) deux fois plus élevé chez les utilisateurs pluriquotidiens de TikTok (29%, preque un tiers de cette tranche d'âge) que chez les non-utilisateurs (19%). Croire que la terre est plate peut alors, sans le moindre doute, devenir la norme pour 20% de nos concitoyens agés de 18 à 24 ans et, plus grave encore, l’idée selon laquelle on peut avorter sans risque avec des plantes est, elle, partagée par 25% des jeunes interrogés...

On l'aura compris, à l'heure des "fake news" et de l'émergence d'une forme de "post-vérité", le non acte est-il encore un choix possible ? L'inaction est souvent synonyme d'un temps de réflexion face à une situation donnée, un temps qui permet d'en peser les options et de choisir ce qui nous semble être la meilleure voie d'action, mais gardons en tête que si prendre le risque de faire mal peut causer des dommages irréparables, tant pour soi-même que pour les autres, ne rien faire ou tarder à agir peut aussi entraîner des regrets, des remords et des conséquences terriblement négatives à long terme. Ne rien faire est-il encore vraiment une option ?



jeudi 29 décembre 2022

Rien ne vaut rien ?

« Toute vie n’est qu’acide nucléique. Le reste ce sont des commentaires » Isaac Asimov


Si, cher lecteur, je te dis un secret, me promets-tu de surtout le répéter ? En qualité (même ancienne) de juriste, je crois à la hiérarchie des normes, en tant que jeune con ayant pris de l’âge, je crois à une certaine hiérarchie des valeurs, j’adhère aussi à celle des systèmes et ne suis pas contre l’idée de hiérarchiser l’information. Bref! Je ne pense pas que tout se vaut et adhère assez peu à l’idée de relativisme normatif.

A l'école, alternant, au gré de mes gôuts et de mon intérêt pour la matière enseignée, le bon et le mauvais, j'ai malgré tout réussi à  obtenir la moyenne, même si ce fut très souvent par un jeu de notes plutôt contrastées, à l'image de l'analyse de ce que les statisticiens appellent un écart-type assez élevé du contenu de mes carnets de notes. Très bonnes ou très mauvaises, appréciations à l'identique, rarement vraiment moyennes, mais une certaine illusion d'optique entretenue par l'obtention d'une moyenne arithmétique - comme une forme de valeur intérmédiaire - à défaut d'être géométrique... Ni bon, ni mauvais élève, parfois bon, parfois mauvais, cela fit-il pour autant de moi un élève "moyen" ?

Grand chez les petits, petit chez les grands, au fond je me suis toujours senti un peu décalé, partout, jamais vraiment à ma place. En avance ou en retard, conservateur ou progressiste en fonction des sujets, rarement dans le tempo. Pour ma grande malchance je suis très souvent juste pas assez et parfois juste trop… pas vraiment moyen. Rarement dans l'instant. A de certains moments, perdu dans la nostalgie d'un passé souvent fantasmé et, à d’autres, adepte d’une foi inébranlable en l'avenir. Pourtant, jamais je n'ai revendiqué un désir de modifier le monde pour qu'il fut plus conforme au fruit de mon imagination. 

Dans notre étrange société humaine du XXIème siècle, où j'ai l'impression qu'être bien se résume de plus en plus à vouloir être seul à décider de sa place (même chimérique, même impossible), à considérer qu’il n’y a pas de norme, que tous les points de vue sont égaux et que tout est relatif, où se situer ?

Tout nous incline à ne pas dépasser ni être en retrait, juste à être "intégré", anonyme, bien rangé au milieu du troupeau. Et, contrairement à ce que ses promoteurs voudraient faire accroire, l'idéologie anglo-saxonne qui anime une grande partie des plus jeunes éléments de notre société, loin d'être "libératrice", nous y incline irrémédiablement, qui souhaite asservir le monde aux seules causes identitaires. Au nom de la "justice" sociale, de "l'égalité raciale", d'un "inclusisme" qui jette Darwin et la biologie aux orties, on réduit de plus en plus le sujet à quelques attributs identitaires, attributs qu'il convient non seulement d'affirmer (dominant/dominé, gentil/méchant...) pour mieux les gommer mais, rejetant tout à la fois l'humanisme et l'universalisme, tout incite chacun à se fondre dans une masse aux frontières floues et mouvantes - la "communauté" (Sic!). Cette théorie qui fait l'apologie du particulier pour mieux nier l'individu au nom d'une vision du monde globalisante et totalitaire dans laquelle tout se vaudrait, sans plus la moindre idée de hiérarchie - par essence, source d’oppression - repose sur une chimère où la réalité n'aurait plus d'importance, un réel qu’on encouragerait même à tordre pour qu’il fut plus conforme aux fantasmes de chacun.

Alors, tout se vaut-il ? Rien n'a-t'il vraiment d'importance ? Réel ou imaginaire, est-ce vraiment pareil ? A trop avoir théorisé que tout se vaut, le risque pointe, je le crains, de croire que plus rien ne vaut rien.

jeudi 8 décembre 2022

A peine plus que rien

" Quand on veut plaire dans le monde, il faut se résoudre à se laisser apprendre beaucoup de choses qu'on sait par des gens qui les ignorent."
Chamfort

A-conflicuel : Avec cet alpha privatif en préfixe qui construit et exprime la négation, on dit de moi que je suis "diplomate". Jolie formule pour souligner que je n'aime guère les situations conflictuelles que je cherche, aussi souvent qu'il est possible, le moyen d'éviter.

Cher lecteur, je t'invite à te poser la question suivante : Combien de fois as-tu déjà eu le sentiment de devoir faire semblant pour espérer plaire ? Il est rare, dans les relations extérieures au cercle intime, de pouvoir se montrer tel que l'on est. La vie sociale s'y prête encore moins qui, parfois, nous contraint à nous affubler de masques, à nous protéger derrière le voile d'une forme de paraître. On croit naïvement que ça va le faire et, plus souvent, ça rate...

Prenons, si tu le veux, l'exemple de cette fois où j'ai rejoint - au crépuscule des années quatre vingt - dans un restaurant à la mode un mien très vieil et cher ami, alors en compagnie d'un jeune acteur/animateur de radio de talent, à la renommée déjà très prometteuse. Patatras ! Lors même qu'il n'aurait dû s'agir de rien d'autre que d'une rencontre autour d'une bonne table entre potes (les amis de mes amis...), qui plus est de la même génération, du même milieu parisien et, pour tout dire, du même petit monde qui se croyait "branché", ce ne fut, de ma part, que pauses, ennuyeux étalage de platitudes et faux-semblants. Un tel désastre que je m'en souviens encore avec une certaine gêne. Enfin, ayant croisé de nouveau, quelques années plus tard, la route du même comédien avec qui j'avais partagé ce fameux dîner, je ne pus que constater que lui ne se souvenait de rien, pas même de moi d'ailleurs... Pourtant, j'avais cru alors qu'il suffisait d'afficher crânement, dans une forme de "position haute", la bonne connaissance qui était la mienne de quelques groupes à la mode du temps pour retenir son attention, largement émoussée, il est vrai, par les effets d'une excellente et (trop) abondante Vodka russe et glacée. Vanité...

Cela m'évoque d'ailleurs un autre exemple : ne t'est-il, comme moi, jamais arrivé d'avoir le sentiment que tu en savais davantage sur un certain sujet que ton interlocuteur mais, sa position de "sachant" étant solidement établie parmi la société qui le considérait alors, de te résoudre à l'écouter, à faire semblant d'être intéressé, en un mot de te résigner à paraître apprendre quelque chose que mieux que lui déjà tu savais, en enfilant l'humble masque de l'ignorant ? Jamais ? Allons, un petit effort de mémoire... Tu y es, ça te revient ? Faire semblant... Hypocrisie ? Tartufferie ou simple crainte de déplaire ? Pourtant, l'expérience m'a enseigné que si l'adoption d'une "position basse" peut présenter parfois un intérêt évident pour engager une interaction, l'humilité, si elle est ou même si elle paraît simplement affectée, dessert plus qu'elle n'aide à créer le lien recherché.

Alors faudrait-il toujours savoir être soi-même ? Trop fréquemment, en m'échinant à rester, en société, moi même, j'ai la triste sensation de ne pas parvenir à capter l'attention de mon interlocuteur. Faut-il, comme certains de ces comédiens à la timidité légendaire, absolument endosser l'habit d'un autre pour enfin parvenir à parler de soi ? Et, à l'inverse, se démasquer, est-ce vraiment toujours prendre le risque de se découvrir, au risque d'une certaine vulnérabilité ? 

Ces masques de séduction sociale que nous portons et qui nous protègent tout autant qu'ils nous cachent nous aident-ils à devenir quelqu'un ou nous empêchent-ils d'être qui nous sommes vraiment ? Car au fond, qui sommes nous ? A peine plus que rien. A peine. Expression sans alpha privatif cette fois, mais issue de l’adverbe latin ad paene qui signifie "presque, à peu près". A peu près rien.


lundi 14 novembre 2022

Rien de moins

"Dieu a besoin des hommes."
Proverbe


Ce que les hommes croient nouveau, c’est, souvent, ce qu’ils ont oublié.

« Toute époque, selon sa vocation, est une grande époque » pour le philosophe et spécialiste de la subjectivité transcendantale, Edmund Husserl. La décadence annoncée par certains de notre monde post-moderne permettra-t-elle, comme un terreau fertile, l’irruption d’une forme nouvelle de Sacré ? Sommes-nous, comme le suggère Michel Mafesolli, à l’aube d’une ère qui sera marquée par le retour du religieux, de la religiosité, de la spiritualité ? Le restaurant dans lequel travaille mon fils s’est longtemps appelé « le Pub Paul Scarlet ». Il a été tout récemment rebaptisé « La Table d’Emeraude », doit-on y voir l’exemple trivial d’une forme, même inconsciente, de retour du sacré ? Voir...

Que l’on soit athée totalement sceptique, agnostique interrogatif, simple cherchant ou croyant convaincu, nous portons tous en héritage inconscient, enfoui au plus profond, un capital historique de culture, surnaturelle d’abord, religieuse ensuite; une culture sacrale et nourrie de mystère. Sans verser dans une forme de fatum, je ne pense d'ailleurs pas que la somme de tous les efforts de rationalisation ni l'approche strictement positiviste permettent d’oublier ou de désapprendre le bagage civilisationnel que les générations qui nous ont précèdé nous ont légué. 

La vie ne nous autorisant pas le retour en arrière, la meilleure façon d’entretenir la flamme du passé pour éviter qu’elle ne s’éteigne emprunte sans doute la voie du diptyque tradition/transmission. Respecter les traditions héritées du passé en s’efforçant de les maintenir vivantes aujourd’hui à l'effet pour demain, de mieux en assurer la transmission et - peut-être ? - offrir les conditions à une nécessaire et revitalisante transgression, troisième et dernier terme du tryptique (tradition/transmission/transgression) sur lequel repose, selon moi, toute tentative d'approche anagogique.

Certains pensent que rejeter toute transcendance est la seule façon de s’affranchir, de se libérer de ce que Marx nomma « l’opium du peuple ». En revendiquant à tout prix leur liberté, d’aucuns oublient parfois, un peu vite, qu'il n'est de liberté sans respect de certains principes et que c'est d'abord notre qualité humaine d'êtres spirituels qui nous distingue des autres êtres vivants et nous rend uniques dans l'ordre naturel. 

Nous vivons, analysent certains, une "crise du croire" et plus nos contemporains sont incrédules, plus ils semblent paradoxalement se laisser abuser par des discours délirants. C’est bien parce que l'homme du début du 21ème siècle, contrairement à ce qu'a pu prophétiser Malraux, ne sait plus croire, qu’il est enclin à se mettre à croire n'importe quoi. Les temps sont si troublés que trop nombreux même sont ceux qui confondent fausses idoles, religion de l’Amour et amour de la Religion. Si Dieu est Amour, l’histoire nous enseigne malheureusement que les Religions, « porteuses de vérité sans faille», comme l’a écrit Michel Serres, avec leur vision dogmatique et la part d’intégrisme et de haine de l’autre qu’elle entraîne, sont trop souvent cause d’une violence aveugle. 

Pour ma part, je préfèrerai toujours l’Amour à la Religion, car la Religion est une invention des hommes alors que l’Amour est une invention de Dieu !

Contrairement à l’approche scientifique qui, utilisant une forme d’analyse logico-subjective, privilégie la partie sur le tout, l’étude de l’objet d’expérimentation sur celle du sujet, toute quête symbolique, si elle part du « je » s'intéresse avant tout au « nous », au collectif, en considérant que le Tout est supérieur à la somme des parties qui le composent. Le Sacré donne du Sens - en élargissant la réflexion au-delà d'une vision exclusivement rationaliste du monde - en ce qu’il introduit l’expérience existentielle de la globalité du réel, qu’il permet de réintroduire l’idée du Tout, et d’entrouvrir le voile pour apercevoir l’Unité perdue. Retrouver dans les images et les mythes une manière de théologie - de reliance au Sacré - n’est-il pas l’un des objectifs de toute approche spirituelle, de toute quête de sens ? Avant même le concept d’Archétypes popularisé par Carl Gustav Jung, Gaston Bachelard affirmait que les images et les Rites prolongeaient les symbolismes sacrés et les mythologies archaïques. Comme l’a si justement écrit Jean Cazeneuve dans Sociologie du rite : « L’ordre humain ne se suffit pas à lui-même, il n’a de valeurs que par la participation à des archétypes sacrés qui le fondent et le dépassent à la fois. »  Rien de moins.

mardi 4 octobre 2022

Droit et devoir de rien dire

"Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l'ouvrir". Pierre Dac

Moi qui suis déjà grand-père, je ne connais vraiment rien. Comment puis-je avoir autant si peu vécu ?

Il me revient ce temps - pas très ancien pour un boomer, préhistorique pour les millenials - où l'on pouvait, sans s'en émouvoir plus que cela, rester longtemps sans rien savoir, sans avoir accès à la moindre actualité, vivre sans être l'esclave de l'immédiateté d'une information globale et partagée. Pas de téléphones intelligents, pas d'Internet, même pas d'ordinateurs portables. Pour se donner des nouvelles, on s'écrivait encore des lettres ou des cartes postales, pour connaître la météo du monde, on lisait des journaux, on écoutait la radio et on regardait le journal de 20h00. Nous n'échangions pas sur des sites de tchat, mais nous passions des heures à refaire le monde sur des bancs publics ou attablés dans des troquets. Le savoir n'était accessible au plus grand nombre que dans les bibliothèques que nous fréquentions alors assidument. Elles étaient la source inépuisable de la Connaissance et le lieu physique d'inattendues rencontres où il m'est, très souvent, arrivé de lier connaissance avec des inconnu(e)s (si, si...!), bien avant l'irruption dans nos très ennuyeuses vie (d'avant) des algorithmes et des intelligences artificielles des réseaux sociaux qui évaluent, ex ante, toutes les interactions et, sans lesquels se rencontrer ne serait, pour beaucoup, même plus (aujourd'hui) envisageable.

L'absence durable d'écho en provenance des siens pouvait certes parfois être la cause d'une angoisse sourde mais, à d'autres moments, ne rien savoir de ses proches ni du monde tel qu'il allait a sans doute protégé notre génération du risque de s'inquiéter davantage encore et nous a, j'en suis certain, fait gagner en autonomie ce que la dépendance numérique fait désormais trop souvent perdre à nos contemporains. A dix-huit ans, j'ai, pour la première fois, traversé l'Atlantique. En un mois, je n'ai échangé brièvement qu' à deux reprises au téléphone avec mes parents et, pour apercevoir quelques photos-souvenirs prises avec un mauvais instamatic Kodak, ils durent attendre plusieurs semaines que je me remembre de faire développer les pellicules restées au fond de mon sac. Ni eux ni moi ne s'inquiétèrent alors. Nous vivions sans chaînes. A cette époque révolue, chacun pouvait, avec une certaine décence, et même une forme de pudeur, garder pour lui ses états d'âme, les épisodes de sa vie, celle des autres, ses musiques, ses lectures ou ses films préférés, ou encore sa secrète passion pour les chatons... Qu'en est-il aujourd'hui du droit de rien dire ?

Nul ne peut m'obliger à avoir un avis sur tout. Pourtant, dans les conversations, même les plus banales, beaucoup se croient autorisés à émettre en tout un jugement, le plus souvent sans appel. Bien plus encore s'ils sont ignorants du sujet débattu. Admettre qu'on ne sait pas, qu'en telle ou telle matière on puisse ne pas avoir d'opinion, c'est désormais prendre le risque de passer pour le dernier des cons... Je m'expose plus souvent qu'autrefois à ce danger que d'aucuns pensent mortel en société. Tant pis ! J'ai passé l'âge de jouer à faire semblant... 

Celui qui ne s'exprime pas sur tout, celui qui n'a rien à dire, celui-là trouve t'il encore sa place dans notre monde hyperconnecté ? Longtemps l'humanité - et pour certains c'est trop souvent encore le cas - s'est battue pour obtenir le droit de s'exprimer librement, aujourd'hui, j'en connais qui sont prêts à ferrailler pour recouvrer le droit de se taire, le droit de rien dire. Savoir garder le silence, au risque d'être parfois moqué, au fond, est-ce si grave ? Avec quelques autres, j'ai découvert que l'apprentissage dans le silence - le devoir de rien dire - était parfois le plus sur moyen d'avancer.


dimanche 11 septembre 2022

Rien de noir

« la vie est un bien perdu pour celui qui ne l’a pas vécu comme il aurait voulu» Mihai Eminescu

Un mien ami m'a, cet été, suggéré d'écrire sur mes pensées sombres, ce que parfois certains nomment "idées noires". De celles qui fondent ce que j'appelle pessimisme tempéré, qui m'habite et me meut, et qu'il a tant de peine à comprendre. En ce dimanche qui marque le vingt-et-unième anniversaire des attaques terroristes qui frappèrent tragiquement New York et les Etats-Unis et coutèrent la vie à plus de trois mille personnes, qu'en dire en effet ?

Pour certains - dont il est - la vie, toute tournée vers l'avenir, n'est que projets, plaisirs et absence de  contrainte, de toute contrainte. N'affirme-il pas - par  une manière de lucidité teintée de forfanterie - qu'avec sa compagne, il n'est pas marié depuis 35 ans ? Il me range du côté de ceux dont il pense que les interdits qu'il se sont forgés au fil de l'existence dressent de puissantes barrières intimes qui empêchent parfois leur vie de s'épanouir aussi bien qu'elle le pourrait peut-être. Quel étrange raisonnement (ou plutôt son absence même) conduit à anticiper en toute matière, de préférence, des pensées négatives ? Toujours d'abord considérer le verre à moitié vide 

Parmi les lectures qui ont marqué ma jeunesse, je me souviens du très beau "Qui ose vaincra" de Paul Bonnecarrère, ouvrage qui figurait en bonne place dans la bibliothèque de mon père et qui relatait les exploits des parachutistes de la France Libre. Un titre et une devise qui auraient pu (dû ?) être sources d'inspiration. Une philosophie de l'existence qui enseigne, simplement - certains diront peut-être de façon bien trop simpliste - que celui qui s'autorise à oser, celui-là peut gagner.

S'il m'est heureusement arrivé d'oser, si parfois je me suis permis de vivre mes rêves, d'aller au bout de mes désirs, combien de fois ai-je renoncé par pusillanimité ? Combien de fois ai-je, comme beaucoup, confondu le monde tel qu'il était avec l'interprétation que je m'en faisais ? J'ai trop souvent considéré que l'excès d'optimisme pouvait parfois me mettre en danger, faute de m'être préparé à affronter une situation sont j'exagérais considérablement le caractère complexe ou délicat. Je me souviens parfaitement du lieu où je me trouvais et de ce que je faisais lorsque j'ai appris ce qui se passait de l'autre côté de l'Atlantique. Les images de cette terrible attaque des Twin Towers ont longtemps hanté mes jours et mes nuits. En fonction de notre histoire personnelle, nous ne réagissons pas tous et toutes de la même façon face aux évènements. Certains vont être stimulés par la nouveauté, d’autres vont s’adapter non sans quelques appréhensions et les derniers vont être complètement tétanisés par une situation méconnue. Comment expliquer notre attitude ? Anxiété, peurs, craintes irrationnelles et sentiment d'impuissance forgés au creuset des petits riens qui ont parfois contrarié la réalité subjective de la petite enfance, ou prudent scepticisme, teinté parfois de cynisme, qui ne serait que le fruit amer de l'expérience vécue ?

Cioran écrivit : "La naïveté, l'optimisme, la générosité, - on les rencontre chez les botanistes, les spécialistes des sciences pures, les explorateurs, jamais chez les politiques, les historiens ou les curés (...) On ne s'aigrit que dans le voisinage de l'homme*". Je fais assez mienne cette pensée.

En tout, mon ami, qui est un scientifique, est passionné par la question du "Comment ?" : Comment ça marche ? Comment puis-je faire ? Comment s'y prendre ? Comment faire autrement ?... Cette question, qui est la première de tout travail d'accompagnement depuis la maïeutique socratique est le ressort même de sa grande curiosité en toutes matières. Un élan de vie ?

La question essentielle qui, elle, d'aussi loin que je m'en souvienne, m'a taraudé est celle du "Pourquoi ?" Et peut-être avant tout : Pourquoi la vie, et pas rien ? A quoi bon, au fond ! C'est la question fondatrice, l'élément déclencheur pourrait-on dire, de tout travail thérapeutique, celle qui interroge le ressenti d'une souffrance qui dure et dont on arrive pas à se libérer.

Une pulsion de mort ? Je ne le crois pas, mais peut-être cette "sécurité du pire" décrite par Cioran. Car en regardant dans le rétroviseur, en me souvenant de ma vie, je n'ai pas l'impression d'être passé à coté de la vie et, contrairement à une définition communément admise du pessimisme, je ne crois pas que la somme des maux ait été, dans mon existence, supérieure à celle des biens. Et puis, je n'ai pas choisi. Et même si l'expérience tragique de la vie a amplifié ma tendance à toujours anticiper, en toute circonstance, un résultat indésirable, voir le plus mauvais, au bout du compte cet état d'esprit m'aura souvent réservé de très bonnes surprises. Attendre le pire pour encore mieux jouir du meilleur ? Au fond, le pessimisme tempéré n'incline-t-il pas à une saine vigilance, et, la satisfaction ressentie à l'irruption d'un bien inattendu ne contribue-t-elle pas à ces petits plaisirs qui font le sel même de l'existence ?

"Vous connaissez la fin : tout le monde meurt*". Rien de noir.