samedi 5 juin 2021

Il n'y a rien

Telle un fleuve de lave incandescente qui ne refroidirait jamais, la haine coule dans les veines de ceux qui, absolument certains de la justesse de leur cause, détestent ceux qui questionnent, qui cherchent et qui doutent, parfois même naïvement. Il en est ainsi de certains "fous de Dieu" qui, pour la "défense" d'une idée dévoyée de la religiosité, sont prêts à tout et vont, au nom d'un Dieu imaginé, d'une religion fantasmée, jusqu'à nier l'humanité, jusqu'à massacrer. Anéantir l'autre au nom de l'Autre ?

Si je ne dirai jamais que je ne crois pas et ne me définis pas comme athée, agnostique est sans doute le mot qui m'est le plus approprié. Je ne rejette pas, bien au contraire, l'idée de transcendance mais le doute m'habite et je crois qu'en effet nous sommes simplement incapables de savoir si Dieu est ou non. 

Certains font le pari de Pascal, moi je doute. On dit d'ailleurs, et c'est presque paradoxal, que le doute nourrit la foi. Il encourage en tout cas certainement une forme d'espérance. J'aime l'idée que si personne ne peut fournir la preuve que Dieu existe, nul ne peut non plus apporter la preuve contraire.

Naïf penseras-tu ? 

Je préfère quant à moi passer pour un naïf attardé que pour un cynique décadent. Et puis même si je n'ai guère de goût pour le syncrétisme, la lecture du prologue de Jean, du Livre des Rois, des gnostiques et de certains évangiles apocryphes nourrit malgré tout une manière de réflexion spirituelle qui s'élabore dans le creuset tout personnel d'une spiritualité délivrée des oripeaux du clergé, de tout dogme et donc de la religion. Une spiritualité laïque ? 

Mais, me diras-tu peut-être, en quoi croire alors si, comme nous l'a enseigné Hermès Trismégiste, "il n'y a rien là où Dien n'est pas".


lundi 31 mai 2021

Plus le goût de rien

Le monde ne vaut pas ce que nous nous sommes imaginés qu'il valait.
Nietszche - Le gai savoir

    Il est des jours où l'on a plus le goût de rien. Des jours sans saveur, sans odeur, sans joie, ni peine d'ailleurs. Des jours qui ont comme un arrière-goût de rien. Ceux dont on voudrait qu'ils passassent plus vite au simple effet de pouvoir encore espérer dans les promesses de l'aube nouvelle du jour d'après. 

En ces journées particulières, la mémoire fait défaut et le souvenir des temps heureux, les visages amis, les petits riens eux-mêmes s'estompent dans les brumes tristes d'un jour dont on voudrait qu'il finisse enfin ! Plus d'une fois, depuis la première période de confinement, ces moments, il m'est arrivé d'en vivre et de penser que, pour une raison inconnue ou inconsciente, le genre humain ne serait plus vraiment mon genre. Il m'est même arrivé alors de questionner l'existence divine et de me demander si, en ces jours où, d'une certaine façon, nous tournons le dos à l'humanité, nous ne reproduisions pas le geste créateur d'un dieu. Car Dieu, nous enseignent la Génèse et le Prologue de Jean, dit oui au monde en le créant mais, l'ayant créé, s'en retire immédiatement, et donc ne lui dit pas oui puis non mais, dans le même temps, oui et non. Oui et Non en même temps...

Heureusement vient la nuit, avec la langueur qui se fait plus douce, le sommeil, le rêve et l'oubli et, le lendemain, avec l'aurore, les ténèbres qui s'estompent et l'espoir renaissant qui fait une fois de plus, une fois encore, son œuvre de vie. La Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas reçue.

Merci, me diras-tu peut-être ? Merci pour cette vision noire, plombée, déprimante, en somme. De rien, te répondrai-je car la lumière succédant à l'ombre laisse toute sa place à l'espérance.

De rien, comme nullement. A ne pas comprendre au sens premier mais bien comme l'abréviation d'une phrase plus longue devenue, par la force des choses, une formule de politesse assez lapidaire. Oui j'accepte ton remerciement, non il n'y a aucune raison de me remercier. De rien...

samedi 15 mai 2021

Penser moins, n’y perdre rien

On annonçait hier que la majorité municipale, cédant à une nouvelle crise d’idéalisme et renonçant définitivement à tout principe de réalité, souhaitait maintenant rendre totalement piétonnier l'ensemble du centre historique de Paris.

Autrefois, certains auteurs comiques voulaient déplacer les villes à la campagne, car l’air y est plus sain. Aujourd’hui les zozos de la mairie de Paris, ceux qui rêvent - mais est-ce si sincère ? - d’un monde débarrassé du Mal, voulant pousser toujours plus avant leur petit avantage idéologique préfabriqué, pensent à déplacer la campagne au cœur de la ville. Sans doute dans le louable dessein d’en assainir l’air ! Comme l’a si justement écrit Philippe Murray, « le moderne ne connait pas la marche arrière »!

La madone des Bobos

Ce que désirent, au fond,  les jusqu’au-boutistes qui gouvernent la ville c’est une forme de purification éthique. Leur Paris rêvé, c'est un Paris entre-soi, un paysage urbain désurbanisé, débarrassé des véhicules à moteur, des vieux, des pauvres et de toute forme de pensée différente, voir un tant soit peu réactionnaire ; une ville délivrée de toute source de pollution, qu'elle soit aérienne, sonore, visuelle ou même le simple fruit d'une conception différente de la vie. Du beau et du bon partout ! Un lieu hédoniste, exclusivement dédié au Bien ! Un espace idéal peuplé de jeunes bobos progressistes, non genrés et vegans, ne se déplaçant plus qu’à trottinette ou à vélo, de magasin bio en commerce équitable, au cœur d’une « réserve écolo » bâtie rien que pour eux, contre les autres, tous les autres ! Pour nous, banlieusards, c’est l’assurance demain d’une manière de congestion généralisée. Ce meilleur des mondes nous promet une thrombose urbaine géante, conséquence du déplacement de tous ceux - les pauvres ! - qui n’ont d’autre choix que celui de bouger pour travailler, faire leurs courses, se soigner, de circuler tout simplement, mais qui ne le pourront plus. Et que dire des Parisiens les plus âgés, des habitants des quartiers populaires, des handicapés, des artisans, des commerçants, des travailleurs... Que dire ? 

Bientôt, au nom de la lutte contre la pollution lumineuse, tu verras qu'ils iront jusqu'à éteindre l'éclairage public. Dès lors un nouveau type de couvre-feu, lugubre et permanent, sera imposé au centre de Paris. Un sombre silence s’abattra sur les rues de la capitale et la ville lumière s’éteindra. Fiat nox !

Sur les conseils - souvent avisés en matière littéraire - de Fréderic Beigbeder1, je lis en ce moment (enfin, me diras-tu !) le Grand Meaulnes. Dans ce très beau et puissant roman, deuxième livre français le plus traduit après le Petit Prince, Alain Fournier décrit une France rurale, un monde révolu qui, pour beaucoup, semble encore avoir un goût d’âge d’or. Pour ma part, je n’ai pas la nostalgie de la France du XIXème siècle, un pays où "des enfants mouraient, au retour de l’école, des conséquences d’une baignade dans un étang malsain"...

Mais, revenons à nos élus parisiens. Ils disent "Vouloir se réapproprier (sic !) la ville et recréer (re-sic !) l'esprit de village à Paris". Dans leur désir campagnifiant2, ils veulent rien moins que nier la ville. Car nier la ville c'est nier l'histoire même, qu'elle a contribué à forger, et imaginer qu'une autre réalité, une alter-réalité, serait possible.

Un autre monde est possible ? Sous couvert de vouloir améliorer la vie du genre humain en pensant la décroissance, les prophètes de malheur qui inspirent les "penseurs" de la mairie de Paris tournent en réalité le dos à la lumière. Leur idéologie qui nivelle et qui, dans une forme dévoyée d’immanence, veut réduire l’homme à l’état de nature, parmi les animaux, le contraint, de facto, à tourner le dos à sa transcendance. L’homme n’est pas un animal comme les autres car c’est un être rationnel, un être pensant dont la pensée est embellie par une espérance qui le dépasse et le transcende.

Alors, si je devais donner un avis, ou même oser un conseil aux édiles parisiens je leur suggérerais de penser moins, ils n’y perdront rien. Et nous y gagnerons en espérance...

1 - Frédéric Beigbeder - Bibliothèque de survie

2 - Néologisme emprunté à Philippe Murray

samedi 1 mai 2021

De tout, faire rien

Nirvana pour tous ! Les rayonnages des librairies regorgent de manuels de vie et de méthodes de développement personnel, livres de gourous auto-proclamés et de bien-penseurs à la mode, distillant enseignements et conseils et promettant à leurs lecteurs une méthode rassurante d'accès à la félicité ou, du moins, à une vie un peu moins malheureuse. Nombre d'entre eux, s'inspirant des préceptes de traditions spirituelles ou philosophiques anciennes venues de l'Orient lointain, promeuvent la voie d'une forme de détachement, de renoncement  au monde. Tout lâcher pour laisser derrière soi le malheur ? Mais peut-on envisager sérieusement se défaire de l'incertitude inhérente à la vie sans renoncer à vivre ? Le bonheur promis comme un idéal rêvé n'est-il pas contraire à la simple raison ?

Pour être pleinement heureux l'homme devrait occulter la vie et de tout, faire rien, au prétexte d'une forme d'idéologie prônant le bonheur à tout prix, une manière d'injonction qui le rendrait obligatoire ? N'est-ce pas là une possible conséquence du gloubi-boulga tout à la fois individualiste et globalisant, hédoniste tout autant que communautariste, d'une époque qui, renonçant aux Lumières et aux Humanités, aurait perdu le sens ? 

S'il peut - ne serait-ce que pour des raisons d'équilibre - parfois s'avérer nécessaire de savoir lâcher prise, la quête d'un utopique bonheur doit-elle, peut-elle, se faire à tout prix ? Ou comment transformer en pas grand-chose, au nom d'un bonheur qui friserait l'indolence, d'une douce indifférence confinant à l'engourdissement, d'immenses espérances, certes potentiellement porteuses de risques et  parfois annonciatrices de malheur mais aussi nécessaires à l'évolution. Quitte à abandonner toute présence au monde, à une réalité du monde qui, c'est vrai, peut nous être désagréable ? Être heureux, disent parfois certains, c'est être pleinement au monde. Mais être dans le monde ne nous entraîne-t-il pas à renoncer d'une certaine manière au bonheur ? Ô, bien sur, pas à ces petits plaisirs, l'ensemble de ces petits riens qui nous rattachent à la vie et peuvent même lui donner sens. Comme l'a écrit le psychiatre et psychanalyste Viktor Frankl1 dans un ouvrage où il témoigne de son expérience de la captivité dans les camps de la mort nazis, la recherche du sens indispensable à tout processus de résilience passe d'abord par l'acceptation responsable de la réalité, même dramatique.

Pour atteindre une forme d'ataraxie, il est évidemment possible de s'abandonner au principe du bonheur épicurien ou encore de penser avec les stoïciens que le bonheur réside dans la seule vertu et dans le fermeté d'âme, mais être tout à la fois dans le monde et au monde c'est, d'une part, faire de petits riens un tout, en sachant jouir des petits plaisirs du quotidien, dans l'acceptation de notre finitude; c'est aussi supporter l'idée de l'invraisemblable incertitude constitutive de notre existence; c'est, enfin, malgré son caractère éphémère, n'oublier jamais le sens qui réside dans le mystère même de la vie.

Que nous dit au fond cette recherche inconsidérée d'un bonheur absolu autant qu'hypothétique - et sans doute illusoire - sinon une volonté déguisée de renoncement à la vie. De tout, faire rien...

1 - Viktor F. Frankl - Découvrir un sens à sa vie grâce la logothérapie

jeudi 22 avril 2021

Parler pour ne rien dire

"On est toujours le con de quelqu'un (...) et le principal con se trouve en nous-mêmes."
Maxime Rovere - Que faire des cons ?

Au nom du "droit à l'information" et du "principe de précaution", l'empire du bien impose désormais, en tout et pour tout, une forme de dictature de la transparence et d'impératif de prévoyance. Et crois m'en, ami lecteur, on a pas besoin de tout savoir pour être angoissé, ni besoin de se prémunir de tout pour éviter le danger ! Petit-à-petit, insidieusement, une manière de peur en l'avenir s'est installée en moi. Il faut dire que rien n'est fait pour nous rassurer. Et certainement moins que le reste, cette transparence absolue qui s'est imposée, en tous sujets, tout le temps. Ce qui aboutit à ce terrible constat que je te livre sous la forme d'une équation sans inconnue : 

"½ transparence + ½ précaution = connerie2   !"

Plus que tout autre temps, le futur nourrit intrinsèquement le doute. Si tu y rajoutes l'incertitude d'une époque troublée et un sentiment d'impuissance généralisé face à des évènements qui nous dépassent et sur lesquels personne ne semble avoir réellement prise, tu obtiens un cocktail aux vertus énergétiques tout autant qu'anxiogènes à même de nourrir la névrose de plus d'un obsessionnel comme moi. Et le pire c'est que même s'il m'arrive quelques fois d'obtenir des éléments de réponse susceptibles d'éclairer sous un jour nouveau de possibles avenirs moins sombres, le doute subsistera toujours. Retour au point de départ...

Comment une telle obsessionnalité - que tu peux qualifier de connerie - trouve sa place, s'immisce et s'installe dans un esprit à priori normalement doté d'une certaine capacité d'abstraction, d'analyse et de recul ? Comment, pour dire les choses simplement, en suis-je arrivé à être parfois aussi con ?

Jacques Villeret - Le dîner de cons

Certains me reprochent une forme d'affèterie, un dandysme de dilettante, d'autres m'opposent l'inanité de mon discours. Ainsi serais je prisonnier d'un paradoxe empêchant d'opérer un choix clair entre posture et imposture. Pour en sortir, encore faudrait il pouvoir décider ! Le hic c'est que j'ai un peu le sentiment d'être définitivement coincé entre une éthique du détachement et l'esthétique d'une parole vide ?

A trop vouloir n'être esclave de rien, me suis-je moi-même contraint à renoncer parfois à l'intelligence ?

Une question surgit alors, une autre ! : D'où peut bien venir cette inclination qui me pousse à trop souvent parler pour ne rien dire ?


dimanche 18 avril 2021

Ne plus regretter que rien ne bouge

Quand il était minot, c'était un sacré loustic. Un vrai zouave qui ne pensait qu'à faire le cacou. Après avoir mené une vie de patachon, toujours à bâtir des châteaux en Espagne, il avait fini par se ranger des voitures. Revers de la médaille : lui qu'avait toujours pété dans la soie était depuis plusieurs années dans la dèche et il lui manquait toujours dix-neuf sous pour faire un franc. Ceux qui ne l'avaient pas connu avant pensaient même parfois qu'il avait des oursins plein les poches. Il était juste raide comme un passe-lacet. Alors, lui qu'on croisait toujours tiré à quatre épingles était souvent fichu comme l'as de pique.

Ô c'était pas le mauvais cheval, mais faut dire qu'à la fin il courait les baragnes et sucrait un peu les fraises.

Il a fini par avaler son acte de naissance.  Lui qu'avait souvent la danse de Saint Guy a rejoint le grand bal des trépassés. 

Ses amis, dont je fus, l'ont hier accompagné dans sa dernière demeure.

Après le cimetière, comme on avait la fringale et qu'on voulait casser la graine, on a cherché une cambuse. Mais pas question de dîner à la fortune du pot, non ! En l'honneur de celui qui ne becterait plus désormais les pissenlits que par la racine, on voulait faire ducasse et boire comme des Templiers. On allait certainement pas manger avec les chevaux de bois ! On a fini par trouver un bouillon ouvert et c'est reparti comme en quatorze ! Et comme il ne suçait pas que de la glace, avec les potes, pour lui faire honneur, on a fait une bombe à tout casser ! On s'en est jeté plus d'un derrière la cravate et on a mangé à s'en faire péter la sous-ventrière. J'ai fini rond comme un queue de pelle, mes zigues n'étaient pas en reste, tous beurrés comme un petit Lu. On a fait un tel chambard dans le rade qu'était pas plus grand qu'un mouchoir de poche qu'à la fin une mère n'y aurait pas retrouvé ses petits. La tenancière nous faisait un peu la soupe à la grimace quand on a calté. Alors on a fait amende honorable et on a mis les bouts.

Pourquoi est-ce que je te conte cette histoire à la mords-moi le nœud me diras-tu ?

On dit parfois que celui qui meurt riche meurt disgracié. Aucun risque pour notre défunt compère qui n'avait guère de foin dans ses bottes. Non, de fortune il n'en avait pas. Sauf quelques souvenirs dont l'évocation nous donnera l'occasion de boire abondance de canons et de faire bombance, il n'a rien laissé derrière lui, rien. Maintenant qu'il a définitivement fermé son parapluie, c'est sur qu' il ne regrettera plus jamais que rien ne bouge.

mardi 13 avril 2021

Crever à ne rien faire

"... nous préférons crever à ne rien faire. Ce sera de la fatigue de moins..."
Germinal - Emile Zola

On a beaucoup glosé - moi itou ! - sur le recours outrancier aux fake news de certains dirigeants populistes occidentaux. On débat abondamment aujourd'hui, en ville, dans les gazettes, sur les réseaux et sur les plateaux, d'une certaine culture de la délation qui, dopée par les interdits sociaux liés au confinement, s'installerait en France depuis quelques temps. En Chine, il semble qu'on atteint désormais les sommets d'une culture systématique de la désinformation et de la dénonciation. En effet, depuis le début de l’année, la censure, serrant davantage la vis en prévision des commémorations des 100 ans du PCC, sévit contre ceux que la doxa officielle nomme des « nihilistes historiques ». Une hotline permet dès à présent aux bien-pensants, gardiens rouges de l'orthodoxie maoïste, de dénoncer ceux qui contestent l’histoire officielle et critiquent le parti. Bienvenue en 1984 ! 

A l'instar du héros d'Orwell, Winston, tous ceux qui n'accepteront pas d'adhérer à l'injonction d'amnésie collective qui fonde l'histoire officielle du Parti risquent dans les temps qui viennent d'être traqués par la police de la pensée. Seules les  conceptions orthodoxes sont autorisées et mieux vaut dissimuler ses penchants contestataires. Est-ce seulement encore possible à l'heure où plus d'un milliard de caméras scrutent les comportements sociaux des habitants de l'empire du milieu ? A l'heure où, par le recours à la reconnaissance faciale permis par les progrès de l'I.A., chaque citoyen se voit, depuis plusieurs années déjà, attribué une note de "crédit social", en fonction de ses comportements extérieurs... La réalité n'a-t-elle pas déjà dépassé la fiction ? Il semble qu'il n'y ait plus nulle part où se cacher ! Même plus besoin de télécrans, Big Brother est partout.

On a d'ailleurs vu comment, en période d'épidémie, la Chine faisait respecter le principe de distanciation sociale. Certains esprits éclairés, parmi nos très cathodiques professionnels de santé, n'ont rien trouvé à y redire. Bien au contraire, ils auraient souhaité que nos démocrates dirigeants s'inspirassent du modèle de contention sociale généralisée chinois. Faut-il y voir quelque réminiscence de leur jeunesse engagée dans les rangs de la Gauche Prolétarienne ???

Je ne peux m'empêcher de penser que pour certains l'application la plus stricte de mesures contraignant l'obéissance des corps, jusque dans les conduites les plus intimes des individus, sera demain la garantie rassurante pour toute machine d'oppression totalitaire d'une absolue servilité des esprits. Que dire alors de ceux qui, chez nous, veulent contrôler les rêves des enfants ?

L'incroyable intuition orwellienne aura-t-elle fini par inspirer les esprits les plus tordus ?

Récemment, ici-même, une jeune maire, inconnue jusqu'alors et dont je préfère oublier le nom, a connu son heure de gloire en expliquant vouloir censurer les rêves des gosses. Elle a osé affirmer, je cite, que "l'aérien ne devait plus faire partie des rêves des enfants." Au-delà de la connerie du propos, on perçoit dans ce type de prise de position une volonté à peine masquée de contrôler la part la plus intime de chacun. Interdire un rêve ! Comme si l'inconscient des gosses pouvait obéir aux injonctions d'une khmère verte !


Au-delà, on peut aussi s'interroger sur ce que dit cette phrase ? Son sens le plus profond : Vouloir interdire le rêve aérien, n'est-ce pas tout simplement vouloir empêcher le rêve prométhéen, renoncer au mythe d'Icare et à ce qu'ils nous disent du progrès ?  

Au début du XVIIe siècle, l'un des pères de la pensée scientifique moderne et penseur de l'empirisme, le philosophe humaniste Francis Bacon, écrivait vouloir “... connaître les causes et les moteurs secrets des choses et élargir la domination de l’homme, jusqu’à permettre la réalisation de toute chose possible”. Sa philosophie peut et doit nous inspirer encore. Si tout progrès porte en effet en lui ses dangers et ses risques, ces mythes nous disent  aussi tout ce que l'humanité peut en attendre de positif dès lors qu'il est mis au service de l'amélioration du mieux-être collectif. 

On reconnaît bien, au fond, dans la volonté déclarée et assumée d'interdire le rêve aérien incarné par Icare le rejet de toute idée de progrès cher à nos écolo-conservateurs. Contre les prophètes de l'apocalypse, les tenants de la collapsologie et de la décroissance, je préfère le mythe prométhéen en ce qu'il nous dit aussi ce que peuvent apporter de bien et de bon aux hommes la connaissance et l’action. Et je choisirai toujours de voler dans mes songes avec Icare, plus loin, plus haut - même au risque de me brûler les ailes - plutôt que de renoncer à mes rêves d'enfant. Ceux-là, au contraire, préfèreront toujours aux risques inhérents à l'action une forme de paresseux renoncement. En décidant de crever à ne rien faire, c'est sur, ils se fatigueront moins.

dimanche 28 mars 2021

Rien à écrire

Aujourd'hui dimanche ma page reste blanche.

Depuis plus d'un an, le calendrier voit se succéder des jours qui ne sont pas fériés mais qui sont marqués, pour beaucoup, du sceau de la maussade routine d'un désœuvrement imposé. 

Tant de choses à dire, mais rien à écrire.