dimanche 18 avril 2021

Ne plus regretter que rien ne bouge

Quand il était minot, c'était un sacré loustic. Un vrai zouave qui ne pensait qu'à faire le cacou. Après avoir mené une vie de patachon, toujours à bâtir des châteaux en Espagne, il avait fini par se ranger des voitures. Revers de la médaille : lui qu'avait toujours pété dans la soie était depuis plusieurs années dans la dèche et il lui manquait toujours dix-neuf sous pour faire un franc. Ceux qui ne l'avaient pas connu avant pensaient même parfois qu'il avait des oursins plein les poches. Il était juste raide comme un passe-lacet. Alors, lui qu'on croisait toujours tiré à quatre épingles était souvent fichu comme l'as de pique.

Ô c'était pas le mauvais cheval, mais faut dire qu'à la fin il courait les baragnes et sucrait un peu les fraises.

Il a fini par avaler son acte de naissance.  Lui qu'avait souvent la danse de Saint Guy a rejoint le grand bal des trépassés. 

Ses amis, dont je fus, l'ont hier accompagné dans sa dernière demeure.

Après le cimetière, comme on avait la fringale et qu'on voulait casser la graine, on a cherché une cambuse. Mais pas question de dîner à la fortune du pot, non ! En l'honneur de celui qui ne becterait plus désormais les pissenlits que par la racine, on voulait faire ducasse et boire comme des Templiers. On allait certainement pas manger avec les chevaux de bois ! On a fini par trouver un bouillon ouvert et c'est reparti comme en quatorze ! Et comme il ne suçait pas que de la glace, avec les potes, pour lui faire honneur, on a fait une bombe à tout casser ! On s'en est jeté plus d'un derrière la cravate et on a mangé à s'en faire péter la sous-ventrière. J'ai fini rond comme un queue de pelle, mes zigues n'étaient pas en reste, tous beurrés comme un petit Lu. On a fait un tel chambard dans le rade qu'était pas plus grand qu'un mouchoir de poche qu'à la fin une mère n'y aurait pas retrouvé ses petits. La tenancière nous faisait un peu la soupe à la grimace quand on a calté. Alors on a fait amende honorable et on a mis les bouts.

Pourquoi est-ce que je te conte cette histoire à la mords-moi le nœud me diras-tu ?

On dit parfois que celui qui meurt riche meurt disgracié. Aucun risque pour notre défunt compère qui n'avait guère de foin dans ses bottes. Non, de fortune il n'en avait pas. Sauf quelques souvenirs dont l'évocation nous donnera l'occasion de boire abondance de canons et de faire bombance, il n'a rien laissé derrière lui, rien. Maintenant qu'il a définitivement fermé son parapluie, c'est sur qu' il ne regrettera plus jamais que rien ne bouge.

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