samedi 2 avril 2022

Rien de magique

“On croit ce que l'on veut croire.” 

Démosthène


Positif !

Après plus de vingt-quatre mois de pandémie et alors même que nous commencions à envisager une sortie de crise, je m’étais forgé la très solide conviction que j'y échapperai, que le virus m’oublierait, que non je ne serai pas malade. Mais, m’étant sans doute trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment, avec la mauvaise personne, me voilà, moi aussi, positif. Comme un signe du destin pour venir me rappeler à la réalité cruelle de cette saleté de micro-organisme qui - il y a déjà presque deux ans - a emporté ma mère et, au moment où j'écris ces lignes, d'ores et déjà causé la mort de plus de six millions de nos contemporains. Un signe qui vient surtout souligner, comme s'il en était toujours besoin, notre humaine condition  de mortelle créature.

Pourtant, ami lecteur, j’ai tout (bien ?) fait - du moins le pensais-je - pour tenir éloigné le risque d’être à mon tour infecté par cette saloperie. Et, pour plagier une célèbre campagne de communication de ma jeunesse, contre un autre terrible virus, je croyais naïvement que "le sars cov 2 ne passerait pas par moi !

Scrupuleusement, depuis les premiers signes d'épidémie, j'ai respecté les gestes barrières, le confinement strict et le port du masque. Il me revient d'ailleurs que, quand, dès le mois de février 2020, je portais - instruit par l'expérience de séjours passés en Asie - un masque pour aller faire mes courses au marché, les gens me regardaient de façon un peu étrange. Ils ignoraient alors que, bientôt, tous seraient contraints de sortir masqués.

Au début, emporté que j'étais, par le désir de croire que les progrès de la science nous garantiraient la découverte rapide d'un traitement magique et par le témoignage de miens amis sudistes, j'ai prêté attention au discours définitif et sans nuance aucune du "spécialiste" marseillais. La prise d'Hydroxichlorochine, associée à un antibiotique banalement courant, apparaissait alors comme le miraculeux remède qui allait sauver la planète. Illusion !

Groupe O, Rhésus positif, je me suis ensuite laissé bercer d'illusions un temps par le résultat des "études" qui pointaient du doigt un risque d'infection diminué pour les individus de mon groupe sanguin. Rassuré je le fus un temps, en feignant d'appartenir à une forme de "caste" que je n'avais pas choisie, une "élite" protégée, à son corps défendant, et pour des raisons scientifiques très obscures à mes yeux de néophyte. Comme tant d'autres alors, je ne me suis guère intéressé à l'appendice qui indiquait pourtant clairement que "cette diminution restait (toute) relative..."

Ensuite, vinrent les campagnes de vaccination et la promesse qu'elles portaient de jours meilleurs. Une première dose reçue du vaccin recombinant Oxford/AstraZeneca (si, si, j'en fus et sans effets secondaires aucun), puis, combo parfait disait-on alors, deux doses du vaccin à ARN messager Comirnaty du laboratoire Pfizer. Face au virus, je me croyais devenu presque invincible, en tout cas désormais protégé, tel Captain America, par ce "bouclier vaccinal"...

De confinements, total ou partiel, en couvre-feux, de mesures sanitaires en interdits sociaux, nous avons vécu deux ans dans l'ombre morbide d'une maladie étrange et déroutante et puis - enfin ! - le Gouvernement, à l'approche du Printemps, a levé les mesures barrières. Plus besoin de masque ni de jauge pour accéder aux lieux accueillant du public, réouverture des discothèques, fin du passe sanitaire (ou plus exactement, sa  suspension...). Adieu les contraintes et foin des restrictions ! 

Inutile donc de s'inquiéter puisque, dorénavant, et bien que le régime d'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au trente-et-un juillet, on ne parle plus quotidiennement du virus à la télévision. On n'en parle plus, c'est donc qu'il n'y a plus de risque. Le retour - enfin ! - à une vie "normale" ?  La fin du cauchemar nous était promise. Du moins l'ai-je cru...

Et puis, patatras ! Une petite trace rose sur la bandelette réactive d’un applicateur de test en fait foi : je suis infecté. Et me voila de nouveau enfermé entre les quatre murs d'un bureau devenu, par la force des choses et pour cause d'isolement imposé, salle à manger, chambre à coucher et salon. Ô bien sur, jusqu'à présent les symptômes sont assez légers (même si le mal de gorge est intense et la fatigue inhabituelle) et, sans doute, la triple vaccination me garantit-elle du risque d'une forme gave. Sans doute... 

On croit souvent ce que l'on veut croire. Comme l'a écrit le Psychologue Olivier Houdé* : "...nos jugements et décisions sont le plus souvent dominés par des heuristiques intuitives très rapides, fondées sur des biais cognitifs erronés."
Ce qu'on appelle biais de confirmation est même de tous les biais cognitifs, certainement le plus fréquent. Parce que nous nous croyons intelligents et rationnels, nous refusons la plupart du temps d'accepter que nos croyances perdurent même face à des preuves évidentes, même face à l'épreuve des faits et de la réalité. Nous préférons privilégier la prise en considération des informations qui confirment nos croyances, même les plus irrationnelles. 

Selon l’adage populaire "quand on veut, on peut !..." A l’inverse, l'expérience vécue nous enseigne qu'il ne suffit pas de ne pas vouloir quelque chose pour que cette chose n’advienne pas. Encore une illustration que la pensée magique n’est qu’illusion. Doit-on pour autant en déduire que rien n’est magique ?

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