lundi 8 avril 2024

Rien ne va s'arrêter

" Au-delà de cette voûte étoilée, qu'y a-t-il ? De nouveaux cieux étoilés. Soit ! Et au-delà ? L'esprit humain, poussé par une force invisible ne cessera jamais de se demander : Qu'y a-t-il au-delà ? Veut-il s'arrêter soit dans le temps, soit dans l'espace ? Comme le point où il s'arrête n'est qu'une grandeur finie, plus grande seulement que toutes celles qui l'ont précédée, à peine commence-t-il à l'envisager que revient l'implacable question et toujours, sans qu'il puisse faire taire le cri de sa curiosité." 
Louis Pasteur


Dans le flux chaotique de l’univers, seule une - rassurante tout autant qu'angoissante - certitude demeure : rien ne va s'arrêter. C'est une idée à la fois simple et profonde que je souhaite explorer avec toi, cher lecteur, inspiré par les enseignements de l'ésotérisme gnostique, la pensée de Carl Gustav Jung et celle d'Emmanuel Levinas.

La pensée gnostique, ésotérique, ancienne et mystérieuse, offre une perspective fascinante sur la nature de la réalité qui façonne l'ordre de l'univers. Selon les gnostiques, le monde matériel est le champ de bataille d'une lutte éternelle entre le bien et le mal, les forces de la lumière et de l'obscurité. C'est un flux incessant d'énergies en perpétuel mouvement au sein duquel les âmes sont piégées dans un cycle de naissance, de mort et de renaissance. Chaque pensée, chaque action, chaque relation à la nature ou à l'autre contribuent ainsi à l'évolution de notre être et de l'univers tout entier. C'est dans ce tohu-bohu que nous trouvons la promesse de transcender nos limites et de nous élever vers des horizons plus vastes. Dans cette vision, le chaos est omniprésent, mais il est aussi porteur de potentiel : c'est dans le tumulte de cette lutte cosmique que les âmes peuvent se libérer et retrouver leur véritable essence divine.

Les travaux de Carl Gustav Jung sur l'inconscient collectif et les archétypes résonnent avec cette vision gnostique d'un cosmos imprégné de symboles et de motifs universels. Dans ce réservoir primordial, rien n'est figé ; tout est en constante transformation, reflétant les luttes, les défaites et les victoires internes à l'âme humaine. Dans son exploration des profondeurs de l'esprit humain, Jung met en lumière les forces invisibles qui façonnent nos pensées, nos émotions et nos comportements. Dans cette perspective, rien n'est statique ; tout est mouvement, en constante transformation.

Emmanuel Levinas, quant à lui, nous invite à transcender notre individualité pour reconnaître l'étincelle de présence divine en chaque être humain. Dans sa philosophie de l'altérité, il souligne l'importance de regarder au-delà de nous-mêmes et de reconnaître l'autre dans sa pleine différence. En nous exhortant à reconnaître l'Autre en nous-mêmes, il nous rappelle que notre existence est intrinsèquement liée à celle des autres. Ainsi, lorsque nous parlons de la continuité inéluctable de la vie, nous évoquons également le lien profond qui nous relie les uns aux autres, ainsi qu'à quelque chose de plus grand que nous-mêmes, ce lien intime entre notre existence individuelle et la transcendance.

Dans notre vie quotidienne, la perspective gnostique d’un chaos permanent nous rappelle que chaque expérience est une occasion de croissance spirituelle, un pas de plus vers la connaissance de soi et de l'univers. Même dans les moments les plus sombres, nous pouvons trouver une parcelle de lumière. Mais cette idée peut aussi être source d'angoisse, car elle souligne le caractère éphémère de notre existence terrestre. Si rien ne s'arrête, où est la permanence, l'immanence dans ce tourbillon incessant de changement ? La sagesse gnostique nous enseigne à chercher le salut dans la connaissance de soi et dans la connexion avec la parcelle de divin qui est au plus profond de chacun de nous. En reconnaissant que rien ne va s'arrêter, nous sommes invités à embrasser et à vivre pleinement, ici et maintenant, notre rôle dans le grand drame cosmique. Chaque pensée, chaque action, chaque relation contribue à l'évolution de notre être et, partant, de l'univers tout entier. C'est dans cette danse éternelle que nous trouvons la promesse de transcender nos limites et de nous élever vers des horizons plus vastes.

Dans ce contexte, la pensée d'Emmanuel Levinas prend une dimension particulière. En nous exhortant à reconnaître l'autre en nous-même, il nous rappelle que nos existences sont intrinsèquement liées. Dans cette vision, la continuité de la vie est indissociable de notre capacité à nous ouvrir aux autres et à reconnaître leur humanité. C'est dans la relation avec autrui que nous trouvons la possibilité de transcender notre individualité et de nous connecter à quelque chose de plus grand que nous. De leur côté, les enseignements de Carl Gustav Jung sur l'inconscient collectif et les archétypes soulignent l'importance de reconnaître les motifs universels qui sous-tendent nos expériences individuelles. Dans cette perspective, rien n'est jamais figé ; tout est en mouvement, en perpétuelle évolution. Chaque rencontre, chaque expérience nouvelle, est une occasion d'explorer les profondeurs de notre propre psyché et de nous connecter à l'essence même de l'humanité.

Dans notre quête de sens et de compréhension, ces différentes perspectives se rejoignent pour nous rappeler que rien n'est jamais immuable, que l'univers est énergie et mouvement et qu'il n'y a ni commencement ni fin. Et c'est dans cette dynamique perpétuelle que résident à la fois notre plus grande liberté et notre plus grande responsabilité. C’est au coeur de ce tohu-bohu que nous trouverons la promesse de mieux nous connaître nous-même et qu’émergera la possibilité même d’une forme de transcendance. Du chaos peut-être alors l'ordre pourra renaître...

mercredi 27 mars 2024

Rien, et encore moins

"Il y a deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas satisfaire son désir et l'autre de le satisfaire."
Oscar Wilde


Que désire l'homme qui n'a rien vécu ? Rien, et encore moins. Car, selon Freud, on ne pourrait désirer que ce qu'on a connu.

Dans les méandres de l'âme humaine, existe-t-il, cher lecteur, quête plus profonde que celle de désirer ce que l'on n'a jamais entrevu ni pénétré ? Un tel questionnement plonge au cœur même de notre essence, explorant les profondeurs de notre être et de nos aspirations les plus intimes. Alors, que peut bien désirer celui qui n'a rien vécu ?

On peut trouver un début d'explication dans l'œuvre de Freud. En effet, le père de la Psychanalyse avance que le désir est intrinsèquement lié à l'expérience. Selon lui, nous ne pouvons aspirer à quelque chose que nous n'avons pas déjà connu, que ce soit consciemment ou inconsciemment. Comment l'homme qui n'a rien vécu pourrait-il alors désirer ce qu'il n'a pas encore expérimenté ? Cette assertion soulève à mes yeux une multitude de questionnements. Sommes nous réellement condamnés à désirer uniquement ce qui nous est déjà connu ? N'est-ce pas le propre de l'homme que de pouvoir imaginer, rêver, fantasmer et en concevoir des désirs nouveaux, étrangers à son expérience ? Si seul le vécu est le fondement du désir, alors que dire des aspirations qui paraissent surgir de nulle part, des rêves qui semblent émerger de l'obscurité de l'inconnu ? Force de l'inconscient me répondront sans doute certains... Mais peut-être l'homme qui n'a rien vécu soupire-t-il simplement à l'idée de vivre et son désir n'est autre que l'expression d'une pulsion de vie. Son désir pourrait alors être purement symbolique, un appel fantasmé à l'existence elle-même, à la découverte et à l'exploration de sa propre terra incognita. C'est alors peut-être dans la vacuité de son existence que résiderait un potentiel infini, celui d'une toile vierge sur laquelle il pourrait donner vie à ses chimères.

Il est également possible qu'au fond nous n'aspirions qu'à l'idée d'expérience. Notre désir ne serait que le lointain écho d'une curiosité, d'une soif d'aventure qui transcenderait les limites du connu. Le cœur des hommes, vierge de tout passé, pourrait battre au rythme de l'anticipation, de l'excitation procurée par l'immensité de ce qui reste encore à découvrir. Dans le vide apparent de son existence, l'homme qui n'a rien vécu pourrait chercher la plénitude, une forme de satisfaction qui échappe à ceux qui ont déjà tout connu. Son désir répondant alors à une quête de sens, une recherche de quelque chose de plus grand que lui-même, quelque chose qui lui donne enfin un sentiment d'accomplissement, comme un désir d'éternité.

L'homme qui n'a rien vécu n'est, je le crois, pas condamné au néant d'une vaine existence. Son désir, aussi insaisissable soit-il, est une invitation libre à explorer les profondeurs de son être et à embrasser l'inconnu.

Tu as le droit, cher lecteur, de ne pas finir ce texte, de le relire ou même de le laisser de côté et de passer à autre chose, avant d'y revenir plus tard. Rien ne l'interdit. Dans cette liberté de choix réside une singulière beauté. Tout comme l'homme qui n'a rien vécu, tu peux explorer les territoires de la connaissance à ton propre rythme, selon tes propres désirs. L'expérience de la lecture, tout comme celle de la vie, est une aventure personnelle, façonnée par tes envies et tes aspirations. Nul besoin de suivre un chemin préétabli pour découvrir de nouveaux horizons, tu es libre de t'arrêter, de revenir sur tes pas ou même de faire un pas de coté pour - qui sait ? - mieux avancer.

mercredi 6 mars 2024

Rien sans corps

"Nous habitons notre corps, bien avant de le penser." 
Albert Camus

Sommes nous dans notre corps ou sommes nous notre corps ?  La question de notre existence en tant que corps ou entité indépendante de celui-ci est une question philosophique complexe qui a alimenté les débats depuis des siècles et est aujourd'hui particulièrement mise en lumière par les interrogations de notre époque sur la sexualité et l'identité de genre. 

Notre corps est d'abord un véhicule, un capteur sensoriel à travers lequel nous expérimentons le monde. Il est l'instrument par lequel nous ressentons, agissons et interagissons avec notre environnement. Sans notre corps, notre existence dans le monde physique serait impossible. Nous sommes ancrés dans le monde grâce à notre corps qui contribue à notre connaissance de la réalité, et, notre identité est largement façonnée par l'expérience sensorielle et cognitive inscrite dans nos cellules.

L’idée que nous ne serions rien sans notre corps suggère une interdépendance fondamentale entre notre être et notre enveloppe corporelle mais l'affirmation que nous ne serions qu’un corps mérite certainement d'être nuancée tant la construction de notre identité transcende également ces limites physique. De nombreuses traditions philosophiques et religieuses suggèrent en effet l'existence d'une dimension plus profonde de l'être, parfois appelée âme, souffle vital, esprit ou conscience. Cette dimension transcende notre simple enveloppe charnelle et est souvent considérée comme immatérielle et éternelle.

Ainsi, bien que notre corps soit indubitablement essentiel à notre existence dans le monde matériel, notre identité va bien au-delà de notre simple anatomie. La conscience, la pensée et la subjectivité définissent notre être au-delà de la simple enveloppe corporelle. Ainsi, nous résidons dans notre corps en tant qu'entités conscientes, mais notre essence s'étend au-delà de ses frontières matérielles, explorant les profondeurs de l'existence au-delà de la chair et des os. Etres spirituels, nous sommes des créatures complexes, mêlant nos expériences sensorielles et cognitives à des perceptions plus intangibles et souvent inconscientes. La dualité entre le corps et l'esprit ne cesse d'inspirer la réflexion philosophique, invitant chacun à explorer la nature profonde de son être et à se questionner sur le sens même de l'existence humaine.

La complexité de l'identité corporelle s'étend bien au-delà de la simple enveloppe physique, évoluant dans une mosaïque d'influences psychologiques, sociales, culturelles et temporelles. L'affirmation chère à certains et aujourd’hui largement répandue selon laquelle "rien ne définit l'identité d'un corps" nous invite à une exploration métaphysique de la nature de notre être, défiant les catégorisations rigides et soulignant la profondeur de notre existence incarnée.

Le corps, loin d'être une entité biologique isolée, devient une manifestation où se déploient les expériences existentielles, les interrelations sociales et les récits culturels. L'identité corporelle se modèle ainsi par des forces psychologiques, façonnant la manière dont nous nous percevons, intégrons les expériences vécues et naviguons dans notre propre réalité physique. Les normes esthétiques, les idéaux de beauté et les pressions de la société participent de la construction de l'image que nous souhaitons donner de nous-mêmes.

La dimension sociale joue un rôle essentiel dans cette construction. Les relations interpersonnelles, les dynamiques familiales et les liens communautaires contribuent à la définition de notre identité corporelle. Les normes culturelles et les attentes sociales exercent une influence subtile mais puissante, créant un écheveau complexe de significations et de rôles attribués au corps dans divers contextes.

L'identité corporelle est, de surcroît, indissociable de la temporalité. Tout au long de la vie, le corps subit des métamorphoses, de la naissance à la vieillesse, chacune de ces phases s'accompagnant de modifications physiques, psychologiques et émotionnelles. Les moments marquants de l'existence, tels que la maladie, la maternité ou des événements traumatiques, tant psychiques que physiques, laissent des empreintes profondes sur la manière dont nous interagissons avec notre propre corporéité.

Si, dans ce contexte, l'affirmation selon laquelle "rien ne définit l'identité d'un corps" peut être la source d’une réflexion approfondie sur la fluidité et la transcendance des catégorisations préconçues, prenons conscience qu'elle peut aussi encourager certains, en repoussant la part la plus la plus irrépressible dans le social que constitue notre sexe, à considérer l'identité corporelle non pas comme une entité statique, mais comme une réalité fluide, en constante évolution, défiant ainsi les contraintes conventionnelles.

Au-delà de la question du genre, je t'invite, cher lecteur, à élargir la focale au thème du transhumanisme. Les avancées technologiques et médicales contemporaines, telles que les transplantations d'organes, la bio ingénierie, les prothèses connectées tout autant que les altérations corporelles volontaires (tatouages, scarifications, implants...) ouvrent la porte à un fascinant questionnement philosophique. Comment ces modifications somatiques influent elles sur la continuité de l'identité ? Peut-on redéfinir notre essence à travers des interfaces technologiques ou des modifications de notre représentation physique ? Ces interrogations transcendent les frontières traditionnelles de la métaphysique, incitant à explorer la coévolution de la technologie et de l'identité humaine.

Nous sommes tout à la fois notre corps et bien plus que lui. Toute réflexion élargie sur l'identité corporelle invite à une observation plus profonde de notre existence. Et, si elle souligne sans doute la nécessité d'embrasser une vision plus nuancée et inclusive de l'identité, prête, comme l’a écrit la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle dans son livre, Eloge du risque*, à accueillir l'émergence d'une réalité corporelle aux contours redéfinis où, d’un corps qu’il a - un corps ressenti, perçu - l’individu pourrait demain (se) faire le corps qu’il est - un corps voulu et désiré -, véritable " espace en devenir d’un sujet lui-même à venir", prenons cependant garde au risque existentiel pour notre Humanité que, dans un fol élan démiurgique soutenu par une idéologie individualiste radicale et déconstructiviste, certains ne parviennent un jour à mettre en œuvre leur délirant projet de décréation du monde pour pouvoir "mieux" le recréer. Car quand, demain, les évolutions de la morale et les progrès de la science auront repoussés les limites de tous les possibles, rendant probable l'autocréation de soi et une totale désincarnation, sans même évoquer la théorie de la "désincorporation" chère à mon ami Claude, le risque est lui bien réel que notre humanité ne soit un jour plus réduite qu'à rien, ni avec ni sans corps.


(*) Anne Dufourmantelle - Eloge du risque - Editions Rivages & Payot 2011

dimanche 11 février 2024

Ne rien commencer

"Il prévoit toujours la fin, pour ne rien commencer." Elias Canetti


La contemplation de notre finitude, l'ombre inévitable qui plane sur l'existence de chaque être humain, peut être une source de réflexion philosophique mais aussi d'angoisse existentielle. Lorsqu'on réalise que la mort est inéluctable et qu'elle aura raison de tous ceux que l'on aime, un sentiment d'abattement peut s'emparer de l'âme, remettant en question le sens, s'il en est un, de notre existence.

Elias Canetti, dans son "Livre contre la mort" aborde ceux à qui, avec une forme d'aquoibonisme, la perspective constante de la fin donne un motif suffisant pour éviter de jamais commencer. Comme une manière de se soustraire à la vulnérabilité inhérente à la vie en refusant de s'engager pleinement dans les expériences et les relations. Si une telle posture peut être une réaction compréhensible à la peur de la perte, surtout dès lors qu'elle est inévitable, elle soulève également la question fondamentale de savoir si l'évitement de la vie apporte une réponse valable face à la réalité de la mort.

Le paradoxe de la vie et de la mort nous confronte à un dilemme existentiel. D'un côté, il y a la beauté, éphémère, inégalable, de l'existence humaine, faite, certes, de hauts et de bas, mais surtout de moments précieux et de liens qui transcendent le temps. De l'autre, il y a le fatidique d'une fin inévitable, synonyme de la cessation de toute expérience, qui nous attend tous. Comment concilier ces deux réalités apparemment inaccordables ?

Peut-être une forme de clé réside-t-elle dans la façon dont nous choisissons de vivre malgré la connaissance de notre inéluctable finitude, ou même dans la façon dont nous choisissons, pour mieux vivre, de l'accepter pleinement. Plutôt que de succomber à la tentation de l'immobilisme, qu'est-ce qui nous retient d'embrasser la vie avec une intensité renouvelée ? 

La pensée de Canetti, bien que souvent sombre et, à première vue, pessimiste, emporte surtout une invitation à la résilience. En reconnaissant la fin inévitable, nous sommes confrontés à un défi existentiel qui ne demande qu'à être relevé. Plutôt que de céder à la résignation, nous pouvons choisir de donner un sens à notre existence, de créer les conditions d'un héritage qui transcende notre propre passage sur la terre.

La peur de la mort peut être paralysante, mais elle peut aussi être le catalyseur d'une vie pleinement vécue. C'est dans la conscience aiguë de leur propre mortalité que certains trouvent la motivation pour saisir chaque occasion, chérir chaque relation, et que d'autres trouvent la ressource pour s'engager et œuvrer à un monde meilleur. La conscience de la fin peut devenir le moteur de la créativité, de la compassion et du désir de laisser une empreinte positive sur le monde.

La mort, il est vrai, emporte tout ce que nous aimons, mais cela ne doit pas obscurcir la lumière de l'amour et du sens que nous pouvons apporter à nos vies et à celles des autres. En créant des liens profonds, en partageant des expériences significatives, nous tissons une toile d'émotions et de souvenirs qui survivront à notre propre disparition.

La sagesse réside peut être dans l'équilibre délicat entre la conscience de notre propre finitude et un engagement total et sans retenue dans la vie. Accepter la réalité de la mort ne signifie certainement pas renoncer à la joie de vivre, mais plutôt la vivre avec une conscience encore plus aiguë de la fragilité de nos existences. C'est dans sa vulnérabilité que réside la beauté véritable de la vie, et c'est en acceptant que nous sommes vulnérables que nous pouvons transcender la peur de la mort.

Ainsi, même confrontés à la certitude de notre fin, plutôt que ne jamais rien commencer, nous pouvons, au contraire, choisir de créer, d'initier, d'aimer, de nous lancer et de vivre pleinement. La mort est peut être la seule réalité de la vie, mais c'est aussi la force motrice qui donne à chaque moment son intensité et à chaque relation sa profondeur. Dans cette danse délicate entre la naissance et le trépas, il y a la possibilité de trouver un sens qui permettra à chacun de transcender les limites de son éphémère existence.

vendredi 2 février 2024

Rien ne l'interdit

"Tout est équilibre dans ce monde, au-dedans de nous-même comme au-dehors."
Pierre Loti*

Enième reportage catastrophiste sur la sécheresse qui frappe l'Espagne. Cette fois c'est la province de Catalogne qui en fournit le cadre. Une nouvelle opportunité, sur fond d'église surgie des eaux d'un lac asséché, pour nous resservir, avec une angoissante gourmandise, les prévisions apocalyptiques du Giec. Je zappe. Et là, sur telle autre chaîne info, pas mieux ! Sur fond de crise sociale agricole est évoqué avec mélancolie le "glorieux" passé, pas si lointain, d'une France alors encore largement rurale et agraire...

S'appuyant sur le concept de matérialisme historique, les Marxistes voulaient "Du passé, faire table rase!", les Punks, eux, dans une forme de nihilisme anarchiste poussé à l'extrême, hurlaient de façon prophétique, "No Future!". Et si, au-delà des idéologies et de leurs slogans, on pouvait faire le choix de vivre l'instant présent ?

Trop souvent, la nostalgie du passé nous rend mélancolique. Certains s'attardent sur les souvenirs, souvent embellis par le prisme du temps et des reconstructions inconscientes, au risque de se perdre dans les méandres d'une époque révolue et parfois fantasmée. Cette rétrospection constante peut devenir une ancre qui nous retient, nous empêchant d'avancer pleinement dans le présent.

D'un autre côté, il y a ceux d'entre nous qui, anxieux face à un futur incertain, tentent de décrypter l'avenir, de scruter les signes du temps à la recherche d'indices pour anticiper ce qui nous attend, au risque même de conjecturer - Nostradamus millénaristes des temps modernes - un possible effondrement global, une manière de chronique du futur, cette collapsologie à la mode chez certains. Cette quête de certitudes pour ce qui reste à venir, et, par essence, insaisissable peut engendrer une certaine solastalgie, cette forme de détresse liée à un sentiment de perte par anticipation causée par des changements extrapolés tout autant que craints. C'est particulièrement vrai dans le domaine environnemental. En cherchant à prévoir l'avenir, nous nous exposons à l'anxiété de l'inconnu, à la peur de ce qui reste largement imprévisible.

Alors plutôt que de s'enliser dans les sables mouvants du passé ou de se perdre dans les brumes de l'avenir, pourquoi ne pas simplement choisir de vivre pleinement, les deux pieds bien posés sur le sol, en conscience le moment présent ? Pas question bien sûr de nier l'importance du passé ou de négliger la nécessité de la prospective pour essayer, au mieux, de préparer l'avenir, mais plutôt de trouver un équilibre harmonieux entre ces temporalités.

Vivre dans le présent, c'est s'abandonner à l'instant, saisir chaque opportunité d'apprécier la vie dans sa plénitude. C'est être conscient de notre existence, ici et maintenant, au sein de l'univers, reconnaissant de l'extraordinaire simplicité d'être. C'est offrir un terrain fertile pour la croissance personnelle, la découverte de soi et des autres. C'est dans l'instant présent que se tissent les liens authentiques avec nos proches, que naissent les émotions qui seront à la source de souvenirs impérissables. En s'immergeant dans le moment présent, on peut découvrir des trésors insoupçonnés au cœur de l'ordinaire, transcendant la routine quotidienne.

Vivre dans le présent ne signifie pas ignorer les leçons du passé ni renoncer à préparer l'avenir. Au contraire, c'est intégrer ces dimensions temporelles dans notre expérience présente. Les erreurs du passé deviennent des opportunités d'apprentissage, les réussites des points d'appui, et, l'anticipation se fait avec sérénité, sans que l'anxiété d'un futur, par définition inconnu, ne paralyse nos actions.

En tenant, de façon équilibrée, à même distance nostalgie comme solastalgie, en choisissant de vivre consciemment dans le présent, nous pouvons goûter à la plénitude de l'existence. C'est un acte de résilience face aux tumultes de la vie, une affirmation de notre capacité à trouver la paix intérieure indépendamment des tourments nés de l'évocation du passé ou des inquiétudes de l'avenir. Alors, pourquoi ne pas simplement choisir de vivre et de s'abandonner à jouir pleinement du présent, ici et maintenant ?  C'est dans cette simplicité que réside peut-être la clé d'une certaine forme de sérénité. Tout est une question d'équilibre. On peut y croire. Rien ne l'interdit.

samedi 27 janvier 2024

Je ne sais rien

« Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien »
Socrate

La célèbre maxime attribuée à Socrate, "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien", est, au-delà de la formule de style, une assertion philosophique profonde qui souligne la modestie intellectuelle de son auteur et la confirmation de l'ampleur de ses lacunes en tant qu'être humain. Cette affirmation paradoxale de Socrate est au cœur de sa méthode dialectique qui consiste à poser des questions afin d'amener les interlocuteurs à réfléchir sur leurs propres croyances et à reconnaître les limites de leur savoir.

Lorsque Socrate affirme "Je sais que je ne sais rien", il ne prétend pas être dénué de connaissances, mais il aborde la question de la complexité du savoir et la conscience de ses insuffisances dans la compréhension du monde. Cette attitude humble - un coach pourrait dire, "en position basse" - envers le savoir contraste avec l'arrogance de ceux qui pensent tout savoir, souvent aveuglés par leur propre présomption.

La philosophie socratique repose sur la conviction que la sagesse véritable commence par l'acceptation de son propre non savoir, la prise de conscience qu'on ne sait pas. Socrate encourageait ses interlocuteurs à remettre en question leurs propres convictions, à explorer les fondements de leur savoir et à reconnaître les limites de leurs certitudes en cessant d'être dupes de leurs propres pensées. Cette approche, aujourd'hui encore utilisée en coaching et connue sous le nom de maïeutique, consiste à aider l'autre à accoucher de ses idées, à faire émerger une nouvelle réalité à partir de ses propres réflexions, à trouver, en lui-même, les ressources permettant de résoudre ses questionnements et ses problèmes.

L'approche intellectuelle de Socrate trouve également écho dans la pensée philosophique ultérieure, en particulier chez des penseurs tels que René Descartes, qui a formulé le célèbre adage "Cogito, ergo sum" (Je pense, donc je suis). Descartes reconnaissait l'incertitude inhérente au savoir humain et cherchait un point de départ indubitable pour construire sa propre base de connaissances. Cette remise en question radicale a posé les bases du rationalisme moderne et a souligné la nécessité de remettre en question les fondements du savoir humain.

L'idée que nous ne pouvons jamais tout connaître de manière absolue a également été explorée par d'autres écoles philosophiques, et notamment le scepticisme. Les sceptiques, tels que Pyrrhon d'Élis, mettaient en doute la possibilité d'atteindre une certitude absolue dans la connaissance. Ils soutenaient que l'on devait suspendre son jugement et adopter une attitude de doute face aux prétentions dogmatiques. Cette approche sceptique rejoint la perspective socratique en reconnaissant les limites de la connaissance humaine.

L'adage de Socrate résonne tout particulièrement aujourd’hui dans le contexte des progrès de la science moderne. Les découvertes scientifiques successives ont souvent remis en cause et bousculé des idées qu'on croyait établies, montrant ainsi que le savoir est un processus évolutif et dynamique. Les scientifiques reconnaissent l'importance de l'humilité, car même les théories les mieux établies peuvent être questionnées à mesure que de nouvelles données émergent. En outre, le concept de "Je sais que je ne sais rien" souligne l'importance de la curiosité intellectuelle et de l'apprentissage continu. En reconnaissant notre ignorance, nous sommes incités à explorer, à poser des questions et à chercher constamment à approfondir notre compréhension de l’univers qui nous entoure. Cette quête perpétuelle de savoir contribue à la croissance personnelle et à l'évolution de la pensée individuelle et collective.

Cependant, la reconnaissance de notre propre ignorance ne saurait, en aucune façon, justifier le relativisme absolu. Bien que nous ne puissions jamais atteindre une connaissance totale et définitive, cela ne signifie en effet pas que toutes les perspectives se valent. Certains arguments et idées peuvent être mieux étayés par des preuves et une logique solide, et la quête de la vérité exige toujours un engagement envers la rationalité et la recherche honnête et objective de la vérité.

Si l'assertion de Socrate invite à l'humilité, à la réflexion critique et à l'acceptation de l'ampleur infinie du savoir qui reste encore à découvrir, cette maxime incite aussi à la recherche constante, en soulignant la nécessité de rester ouvert aux nouvelles idées tout en reconnaissant les limites de notre compréhension. La philosophie socratique nous rappelle que la quête de la connaissance est un voyage sans fin, qui doit nous permettre d'approcher la vérité, au-delà du voile de nos illusions, mais aussi que l'humilité intellectuelle est l'une des clés pour avancer sur ce chemin.


"Quand ils savent qu’ils ne savent pas,
les gens peuvent trouver leur propre voie."
Lao Tseu - Tao Te King

samedi 20 janvier 2024

Rien ne garantit

"Le malaise que suscite en nous le langage ne diffère guère de celui que nous inspire le réel ; le vide que nous entrevoyons au fond des mots évoque celui que nous saisissons au fond des choses : deux perceptions, deux expériences où s'opère la disjonction entre objets et symboles, entre la réalité et les signes." 
Emile Cioran


La réalité est le fruit complexe d'expériences, de défis et de circonstances. Elle se plie rarement à nos aspirations ou à nos attentes. Pourtant, la quête de la maîtrise du réel est ancrée dans la nature humaine. C'est une entreprise qui transcende les époques et les cultures, la recherche perpétuelle d'un contrôle illusoire sur notre destin ou l'espoir que, passant par la quête du merveilleux ou toute autre croyance irrationnelle, une autre réalité est possible. On peut s'autoriser à penser avec Sylvain Tesson que, « le merveilleux émane du réel. Il n'a pas besoin d'inventions. »1

L'une des raisons pour lesquelles rien ne garantit l'asservissement du réel réside dans la dynamique changeante de la vie elle-même. La réalité est flou, chaotique, constamment en mouvement, et elle échappe le plus souvent à nos tentatives de la saisir. Les circonstances évoluent, les priorités changent, et les événements inattendus peuvent bousculer nos plans les plus soigneusement élaborés. C'est dans cette constante nécessité de devoir s'adapter aux circonstances que réside l'une des principales difficultés à dominer le réel, mais aussi notre capacité à changer de regard sur les choses et à modifier nos comportements.

Quid de la nature subjective de la réalité ? Chaque individu perçoit le monde qui l'entoure à travers le prisme de ses sens, de ses propres expériences, croyances et émotions. Ce filtre subjectif crée une infinie diversité de réalités personnelles, perçues sous différent angles de vues, ce qui rend, de facto, difficile l'établissement de règles absolues et universelles. Ce qui peut être considéré comme une réussite pour l'un peut être perçu comme un échec pour l'autre, soulignant ainsi la relativité inhérente à toute tentative de triompher de la réalité.

La complexité de la réalité est également liée à la nature imprévisible des événements. Personne n'est, par exemple, capable de simplement prévoir avec certitude le temps qu'il fera dans quinze jours. Les facteurs externes, tels que les catastrophes naturelles, les crises en tous genres ou des pandémies, peuvent frapper sans avertissement, et bouleversent le cours de nos vies. Dans ces moments, notre vulnérabilité est mise en évidence, rappelant alors que même les plans les plus élaborés peuvent être balayés par les caprices du destin.

Pourtant, l'aspiration à gouverner le réel est profondément ancrée dans l'histoire de l'humanité. Les avancées scientifiques et technologiques, les réalisations artistiques ou simplement nos croyances dans le progrès sont autant de manifestations de notre désir collectif de transcender les limites imposées par la réalité. La quête de la victoire contre le réel peut également se manifester dans notre constante volonté de comprendre, même l'incompréhensible. Les questions existentielles sur le but de la vie, la quête de la vérité et notre place dans l'univers, nos croyances les plus intimes, reflètent notre désir intrinsèque de transcender les contraintes du réel. Cependant, ces questions demeurent souvent sans réponse définitive, laissant un sentiment persistant d'incomplétude et installant durablement l'incertitude de pouvoir réellement triompher de la réalité.

On peut également considérer la dimension psychologique de cette quête. Nos aspirations individuelles, nos peurs, nos espoirs et nos attentes influencent notre perception de la réalité et notre capacité à y faire face. Les stratégies d'adaptation varient d'une personne à l'autre, et la résilience émotionnelle joue un rôle essentiel dans la lutte contre les affres du destin.

En fin de compte, rien ne garantit la victoire sur le réel, car la réalité elle-même est intrinsèquement insaisissable et souvent indomptable. Cependant, c'est précisément dans cette incertitude que réside la beauté de l'expérience humaine. La recherche de sens, d'intelligibilité et la volonté de transcender les défis de la réalité façonnent notre voyage, nous poussant à explorer toujours plus loin notre potentiel et à élargir nos horizons pour aller au-delà des apparences.

La sagesse réside peut-être dans la reconnaissance de notre propre vulnérabilité et dans l'acceptation de l'imprévisibilité de l'existence, une manière de renoncement à vouloir asservir le réel. Plutôt que de chercher une utopique victoire définitive, il peut être plus bénéfique de cultiver la résilience, l'adaptabilité intrinsèquement liée à notre humanité et une forme de gratitude pour chaque succès, même petit, même éphémère. Dans cette approche, triompher du réel devient moins une destination fixe qu'un processus continu d'adaptation et d'apprentissage.

La difficulté, l'imprévisibilité et la subjectivité de la réalité rendent toute tentative de la dompter complètement illusoire. Cependant, c'est précisément dans cette incertitude que réside la beauté de notre parcours. Accepter la réalité dans toute sa complexité, s'adapter aux changements inévitables et trouver un sens même à l'imprévisible sont peut-être les clés d'une forme de sagesse rendant la vie moins difficile à supporter. Enfin, rien ne le garantit.

mercredi 17 janvier 2024

Rien de vraiment nouveau

"Ne t’en vas pas au dehors, rentre en toi-même ; au coeur de la créature habite la vérité."
Saint Augustin


Pour évoquer les racines des métiers de l'accompagnement, qu'il s'agisse de thérapie ou de coaching, on mentionne souvent Socrate et sa Maïeutique et, bien sur, l'influence des pères de la Psychanalyse et de la Psychologie des profondeurs, Freud et Jung. Aujourd'hui, cher lecteur, je t'invite à plonger dans le contexte des débuts du Christianisme et de l'Hermétisme, à la découverte des Gnostiques et de Saint Augustin, et de leur quête de la Connaissance intérieure, une quête qui résonne étrangement avec les principes du coaching contemporain axé sur la découverte de soi et la transformation personnelle.

Dans le contexte du Christianisme naissant, dans les trois 1ers siècles de notre ère, de mystérieuses communautés émergèrent, connues sous le nom de Gnostiques. Les écrits qui nous sont parvenus, dont ceux d'Hermès Trismégiste, dévoilent un monde d'enseignements à caractère hermétique et ésotérique, mettant l'accent sur la connaissance intérieure et la transcendance des limites matérielles. Leurs croyances étaient diverses, mais obéissaient au même fil conducteur : la quête intérieure de la vérité. Les Gnostiques partageaient en effet une conviction profonde en la possibilité d'une connaissance directe et personnelle du divin, une idée qui défiait les canons et les normes de leur époque.  Ils croyaient en une réalité transcendante, au-delà du monde matériel, et cherchaient à éveiller cette connaissance cachée en chaque individu. Leur vision du monde mettait en avant l'idée que la sagesse ultime ne pouvait être trouvée que dans la compréhension profonde de soi-même.

Saint Augustin, l'un des Pères de l'Église, a, quant à lui, influencé la pensée chrétienne avec ses explorations de la nature humaine et la prise de conscience de l'individu comme sujet. Ses confessions autobiographiques reflètent une profonde introspection et une quête constante de sens. Les principes augustiniens de la réflexion sur le soi et la volonté résonnent dans le coaching moderne, où la conscience de soi et la volonté de changement sont des éléments essentiels du processus.

Au fil des siècles, les enseignements des Gnostiques et la pensée Augustinienne ont laissé une empreinte, souvent invisible mais pourtant bien réelle, émergeant parfois de manière inattendue dans les méthodes contemporaines d'accompagnement et de développement individuel. Ce qu'ils nous ont légué résonne tout particulièrement dans le monde moderne, où nos commensaux sont non seulement de plus en plus attentifs aux valeurs, mais aussi davantage en attente de sens et de connexion personnelle. La transformation personnelle n'est pas une création récente, mais une soif intemporelle d'apprendre, de soi sur soi, qui traverse les époques. Les Gnostiques, et leur vision éclairée, ont contribué, à leur manière, à poser les bases de cette recherche en soulignant l'importance de la connaissance intérieure. L'unité existentielle de la pensée de Saint Augustin, avec sa vision de la personne profondément positive, dynamique et ouverte a contribué, elle, à la découverte d' « un être créé mais non encore accompli (...) ». 

L’accompagnement professionnel repose sur la conviction que chacun détient, en lui, les réponses à ses interrogations. En tant que coach, ma compétence première est de savoir poser les bonnes questions pour guider le client dans la mobilisation de ses ressources, à l’effet de lui permettre de découvrir, en lui, de quoi bâtir ses propres solutions. Tourné vers la découverte de soi, la transformation personnelle et l'autonomisation, le coaching professionnel trouve des parallèles étonnants avec les enseignements des anciens chercheurs de vérité. Les coachs guident les individus vers une compréhension plus profonde de leur être intérieur. La quête de sens, la connexion avec ses propres valeurs, la reconnaissance de ses forces et faiblesses, deviennent des éléments clés du cheminement accompagné dans le but de renforcer l’alignement et d'encourager l’engagement.

Bien qu'il s'agisse d'un processus exclusivement mis au service de la réalisation d'objectifs professionnels, par l'usage de techniques variées le coaching amène les clients à plonger profondément dans leur propre essence, à découvrir des aspects d'eux-mêmes qu'ils n'avaient peut-être jamais explorés auparavant. Les sessions de travail sont des voyages intérieurs, des explorations de soi qui transcendent les apparences extérieures pour faire, parfois, émerger les profondeurs enfouies de l'inconscient. La connexion profonde avec soi-même dans un but d'accomplissement personnel, prônée par les Gnostiques et par l'auteur des "Confessions" préfigure le thème jungien (Carl Gustav Jung parle même de "préconcept")  d'individuation, ce processus de création et de distinction de l'individu, ce cheminement vers un équilibre psychique des différentes instances le composant, au moyen d'une confrontation dialectique du conscient avec l'inconscient. D'une certaine façon, le coaching reprend le flambeau et adapte ces principes anciens et le concept jungien pour répondre aux besoins contemporains du monde professionnel.

Les coachs, garants du cadre de travail, par la création d’un environnement propice au changement, offrent à leurs clients un temps et un espace sécurisés à l'effet de favoriser cette exploration intérieure et de leur permettre de concevoir leurs propres solutions gagnantes. La maïeutique, combinée à l'empathie d'une écoute active et bienveillante, reste pour le coach professionnel une technique éprouvée et toujours aussi efficace pour permettre à son client une mise en mots de ce qu'il a du mal à exprimer, ressentir, ou ce dont il a du mal à prendre conscience. Que nous soyons plongés dans les mystères de l'antiquité ou davantage motivés par les défis de la vie moderne, ce chemin d'individuation professionnelle reste le plus sur moyen de progresser vers soi et de trouver les ressources pour surmonter les questionnements que chacun peut éprouver. Avec la rapidité du développement des Biotechs et de la Bio génétique, les promesses prométhéennes du transhumanisme, l'émergence et les progrès vertigineux de l'Intelligence Artificielle, alors que, sur de nombreux fronts, la technologie avance à pas de géant, le besoin de se reconnecter à notre essence fondamentale devient pour beaucoup plus pressant que jamais. Le monde est inquiétant. Rien de vraiment nouveau...