mercredi 5 janvier 2022

Comme si de rien n'était (Bis)

Les nouveaux donneurs de leçons, ces néo-sachants qui occupent plus souvent qu’à leur tour l’antenne des chaînes d'information, nous enseignent chaque soir sur ce qu’ils ignoraient encore le matin même.

Un ignorant qui parle très fort à plus d’audience aujourd’hui qu’un savant qui doute. Au risque d’oublier que la science n’est pas une opinion mais qu’elle se démontre dans les faits, la caisse de résonance des réseaux sociaux et de médias engagés dans une course effrénée à l'audimat, rend égales toutes les prises de parole, d'où qu'elles viennent. Désormais, et comme jamais depuis deux siècles au moins, le complotiste et le scientifique sont mis sur un même plan et, au nom d’une forme de relativisme, nombreux sont ceux qui pensent que la parole de l’un vaut bien celle de l’autre. Alors, soutenir des croyances totalement délirantes, même contre la raison, souvent contre la science elle-même, est désormais considéré comme une opinion qui, à ce titre, non seulement a voix au chapitre et accès aux médias, mais qui doit être défendue, au risque de générer les plus stupides des mouvements, de justifier les plus absurdes des combats, au risque même parfois des plus dramatiques conséquences. "Les cons ça ose, tout, c'est même à ça qu'on les reconnait!" Comment mieux dire les choses que dans cette réplique culte prononcée par Lino Ventura et écrite par Michel Audiard pour les Tontons flingueurs.

Mais comment les en blâmer quand, dans certaines facultés et écoles de grand renom, on semble encourager les étudiants à discuter l’enseignement de leurs maîtres, à déconstruire l'histoire au nom de leur "liberté d'opinion", à remettre en cause les faits - qui pourtant, m'a-t 'on autrefois enseigné, sont têtus - lorsqu'ils viennent heurter leurs croyances…

Au moment où certains - une petite minorité - assument, en mettant systématiquement en doute la science, en niant la réalité de faits objectifs et en propageant les plus gros bobards, en donnant foi aux plus délirantes infox, d'emmerder la majorité de ceux qui voudraient pouvoir vivre normalement, ou, à tout le moins, plus libres qu'ils ne le sont aujourd'hui. Au moment où les équipes médicales sont, en soins intensifs, quotidiennement confrontées à des choix éthiques terribles, étant parfois contraintes, pour sauver une vie de prendre le risque d'en sacrifier une autre. Au moment où - et la campagne présidentielle ne fait que commencer... - les polémiques succèdent déjà aux polémiques, peut-on, doit-on continuer à se taire et à faire comme si de rien n'était ? Certes, il est peut-être des mots qu'un Président ne devrait pas prononcer, des mots qui dès lors ont pu choquer. Fort heureusement je ne suis président que de moi-même et, au risque de passer pour le plus populiste des populistes, j'ose le dire : qui emmerde qui et quand emmerdera-t'on enfin les emmerdeurs ?

J'assume de le dire, comme l'an passé, après le pathétique épisode de l'assaut sur le capitole dont nous célèbrerons demain le malheureux 1er anniversaire, j'emmerde ceux qui, au nom de leur prétendue et sacro-sainte liberté d'opinion - qui est pourtant souvent aliénée par le choix qu'ils font de croire, même l'incroyable -  décident ou, pour les plus pervers ou les plus retords, affectent de cuider même les plus délirantes folies, les idéologies les plus mortifères, les plus énormes conneries, et voudraient nous soumettre à leurs vérités et à leurs conséquences, même les plus irresponsables, même les plus terribles. Je les emmerde d'autant plus qu'ils ont choisi, pour certains, de le faire au prix de la vie des autres. Liberté est devenu un mot-valise au nom duquel aujourd'hui les inepties les plus excessives sont claironnées et relayées partout. On rappellera que le "délit de diffusion de fausse nouvelle" est pourtant toujours une infraction dans notre droit pénal...

J'dis ça, j'dis rien...

vendredi 24 décembre 2021

Rien de si caché

Il n'y a rien de si caché qui ne doive être découvert. 
Maître Eckhart


En cette période de fêtes, me revient en mémoire un reportage télévisé réalisé pendant la guerre civile à Damas. Un chauffeur de taxi y témoignait face à la caméra de la terrible expérience de vie quotidienne des syriens. Son propos se terminait par la phrase suivante : « Il n’y a plus de bonheur aujourd’hui. Regardez autour de vous il n’y a que des visages tristes ». Ce que nous dit cet homme c’est que l’espérance elle-même peut parfois être désespérée. Paraphrasant Schopenauer, on pourrait, avec pessimisme, dire que dans ces temps très troublés que nous vivons « on ne peut être béat. Moins malheureux seulement ». Au-delà du terrible drame vécu par les habitants du Levant et des ravages de la guerre, et toutes choses égales par ailleurs, il appert que les désillusions politiques, économiques, philosophiques, spirituelles et même désormais scientifiques sont bien réelles et nombreux sont ceux de nos contemporains qui les partagent. Partout, la souffrance, loin de reculer, semble s’accroître. 

"Nous sommes - nous enseigne Maître Eckhart - la cause de tous nos obstacles". Tous les « ismes » du XIXème et du XXème siècles promettaient à tous une vie plus agréable et un bonheur généralisé. Tout au contraire, nos contemporains n’ont jamais paru aussi déprimés. Les dogmes, les illusions, les modèles et les idéologies ont failli et on est passé de l'utopique promesse du bonheur pour tous à l'étalage quotidien et cathodique d'un malheur généralisé. A bien des égards, la lutte des classes a cédé le pas à la lutte des places. Et si cet échec nous enseigne notamment que le bonheur ne peut pas venir de l’extérieur, alors sans doute pouvons-nous convenir qu'il devra venir de l’intérieur. La joie ne s’achète ni ne se décrète. Le bonheur se nourrit exclusivement des petits plaisirs qui l’alimentent et qui prennent vie en chacun de nous.

Pour chacun d'entre nous, humains, la réalité n'existe que dans le regard que nous portons sur le monde. La réalité des choses nous devient accessible dès lors que nous réalisons que si nous sommes dans le monde c’est en nous qu’il prend couleur et forme. Est-ce que nous nous transformons en transformant notre vision du monde, ou bien transformons-nous le monde en nous transformant ? Peut-être n'y-a-t 'il rien d'autre à faire que d’être soi-même, dans sa réalité primordiale, ici et maintenant, en comprenant qu'il convient d’abord de se réaliser, de se connaître pour mieux se transfigurer, d’accepter que le monde n’existe que par nos yeux et que seul le regard bienveillant et philanthrope que nous lui porterons pourra le modifier et, peut-être, le rendre un peu meilleur. 

Si pour Baloo, l'ours débonnaire du Livre de la jungle "il en faut peu pour être heureux", alors, chassons de notre esprit tous nos soucis et, en ces temps où nous fêtons le retour de la lumière, essayons de prendre la vie du bon côté. Oublier le passé pour être moins déprimé, négliger de penser le futur pour être moins anxieux et apprendre à vivre l'instant présent. Rien de si caché, au fond.

jeudi 9 décembre 2021

Rien à savoir

Un jour qu'un ami mien et cher conseillait à l'une de nos connaissances communes de réfléchir moins mais d'agir davantage, il obtint de l'autre l'étonnante réponse qu'"il allait y réfléchir"... Je laisse aux cliniciens et autres spécialistes de la psychologie des profondeurs le soin d'analyser le sens profond de cette réponse. Peut-être, à l'instar de certains de nos commensaux, n'avait-il jusqu'à cet instant pas su choisir entre l'effort intellectuel que nécessite l'acquisition d'un savoir (comme je l'ai écrit ici même : la bêtise c'est de la paresse) et le douillet confort d'une forme d'indifférence non agissante ? Car, à ce même ami qui lui demandait plus avant dans la conversation si le plus grand mal dont souffrait l'époque était à ses yeux l'ignorance ou l'indifférence, l'autre lui répondit : "Je n'en sais rien et d'ailleurs ça m'est bien égal..."

Faire plutôt que d'y penser ? Après les temps très heureux de ma jeunesse où, à l'issue des trente glorieuses et de leur utilitariste triomphe du "faire", ma génération - pensant devoir tracer les voies d'un humanisme moderne - a généreusement voulu réhabiliter l'"être", nous avons connu ce que d'aucuns ont appelé "la fin de l'histoire", ces folles années où seul comptait l'"avoir".

Nous sommes aujourd'hui entrés de plein pied dans l'ère d'une forme de "paraître" (par-être, être par quelqu'un ou quelque chose ?).

Peu importe d'être ou d'avoir, ni même de savoir ou de faire, dès lors que, grâce (ou, à cause de...) aux réseaux sociaux, à la téléréalité et aux talk shows des chaînes infos, chacun peut prétendre à son quart d'heure de gloire toute warholienne. Toutes prises de parole étant aujourd'hui également traitées, non pas dans une recherche quelconque d'équité mais à l'effet bien compris de ne pas stigmatiser les points de vue minoritaires, chacun peut désormais faire valoir avec pédanterie la vacuité de sa pensée, et peut-être et même surtout briller sur des sujets dont il ignore tout, ou presque... Entretenir un réseau de connaissances est désormais bien plus efficace pour afficher un savoir allégué que de prétendre accéder à la voie de la Connaissance en abdiquant des savoirs réellement acquis.

Sur l'âme humaine, on ne peut rien savoir, il n'y a rien à savoir*.

(*) Mohamed Mbougar Sarr - La plus secrète mémoire des hommes

mardi 23 novembre 2021

Un rien décalé

Une ancienne ministre de la République, qui plus est membre d'un Gouvernement de droite, vient de s'exprimer dans la presse pour promouvoir et défendre le mouvement "woke".

Je suis hostile, tant elle est évocatrice de la part la plus sombre de notre histoire contemporaine, à l'idée même de brandir la pureté comme un étendard. Alors, quand certains en font un slogan, au nom d'un prétendu "éveil" des consciences, je ne peux m'empêcher de craindre l'avènement d'une vision strictement binaire, réduite et même manichéenne de l'humanité. D'un côté, les purs, les "éveillés", et, de l'autre qui d'ailleurs ? des impurs qu'il conviendrait de dénoncer, de bannir, de rééduquer et, pourquoi pas, demain, d'éliminer ?

Venue d'outre-Atlantique, une nouvelle idéologie prônant une manière de pureté morale assortie d'une vision complotiste de la société s'installe et se diffuse, notamment chez les plus jeunes. Une nouvelle doxa qui refuse la vérité d'un monde complexe et plus nuancé qu'il n'y parait. En instaurant une forme d'intransigeance, au nom d'une cause considérée comme supérieure à toute autre, ceux qui désormais se croient meilleurs que le reste de l'humanité compromettent, en instaurant un puritanisme hystérisé, la libre expression, le choix et la liberté individuelle. L'essentialisation des différences instaure un climat de défiance, une fragmentation du tissu social, une manière de communautarisme tribal et réducteur, une vision dangereusement intolérante de la société où l'exception récuse une norme qui apparaît de plus en plus indéfendable. 

Plus de place pour le débat ou la confrontation d'idées, qui seuls permettent de se comprendre et d'avancer ensemble, mais une vision purement antagoniste et conflictuelle des rapports à l'autre. Celle d'un corps social atomisé, d'une humanité réduite à des tribus, des clans qui n'auraient plus grand chose à se dire et seraient condamnés à s'affronter pour exister. Or, l'idée même du progrès de l'humanité, celui des Lumières, c'est bien la recherche d'un Tout dépassant la simple addition des parties qui le composent. Quelque chose de plus grand, la quête d'un universalisme mise au service de l'épanouissement individuel.

A vouloir réduire l'individu à son genre, à sa race, c'est l'idée même d'universalité, l'humanité elle-même qui finit par être niée. A vouloir comprendre et réduire la diffusion du savoir à un seul enjeu de pouvoir entre "dominants et dominés", c'est toute idée de quête de la connaissance qui est rejetée. L'individu tout comme l'universel ne seraient que des fictions imposées par une société patriarcale, oppressive et raciste...

L'expérience m'a enseigné de se méfier des idéologies en général, et des "...ismes" en particulier, que je pensais naïvement jetées, pour une grande part, aux oubliettes de l'histoire, mais au risque d'apparaître comme "fragile" aux yeux des tenants du "wokisme" (j'ai longtemps pensé que ce terme faisait référence à l'instrument de cuisine...), ou même d'être réduit à ma simple identité de "Boomer", perçu comme le défenseur inexcusable d'un "pouvoir dominant" abhorré, il m'arrive de plus en plus souvent de regretter de me sentir entièrement à part de notre époque contemporaine et de moins en moins contemporain à part entière. Comme un rien décalé...

samedi 23 octobre 2021

En rien promission

60, 50, 30 Km/h en ville. 10 km/h dans certaines rues. Et demain, quoi ? Pour aller jusqu'où ? Une vitesse négative ? On finira bien par nous interdire de nous déplacer ou alors - suprême et paradoxale injonction ! - on nous demandera d'avancer en reculant. Tu me diras, ami lecteur, qu'alors le rêve le plus dingue des pires ayatollahs de la théorie de la décroissance pourrait enfin se réaliser. Mieux reculer pour mieux décroître. A force de réduire l'allure, un jour on risque de devoir tout simplement s'arrêter...

Moins, voir plus du tout de déplacements, constitue l'amorce d'un programme qui, couplé à la fin annoncée par certains de la maison individuelle, nous annonce une ville toute en verticalité qui ressemblerait à s'y méprendre au Los-Angeles futuriste de Blade Runner. Des tours, d'immenses tours où, dans l'idéal, toute la population serait contrainte de vivre. Plus besoin de se déplacer ! Naître, vivre (ou survivre) et mourir au même endroit constituerait alors la promesse ultime d'une vraie "mobilité alternative" pour une population devenue totalement citadine par la force des choses. Mais une humanité immobile, enfermée dans des cités auto-suffisantes, et, dès-lors condamnée au statu quo, pourrait-elle encore évoluer ou sera-t-elle contrainte à une manière de régression (la fameuse "décroissance" prônée par certains) ? Le changement sans mouvement est-il possible ? De quoi se prendre à rêver, non ?

Madame Hidalgo a fait savoir qu'elle souhaitait s'attaquer, si elle était élue, à la vitesse sur les autoroutes. Un frein supplémentaire à la liberté d'aller et venir. C'est de moins en moins la conscience que nous avons de nos actes qui nous autorise - ou pas - à les commettre, mais la multiplication des interdictions qui nous en empêche. L'homme du XXIème serait-il à ce point inconscient pour que son existence ne puisse plus être conçue qu'encadrée par des règlements et des interdits en tous genres. Nous sommes chaque jour davantage poussés à ne plus rien penser mais à obéir pour ne plus jamais avoir à nous tromper.

La "circulation" et l’espace urbain, vus par Hidalgo

Avant de faire, dire et - bientôt - penser quoi que ce soit, il convient d'abord de prendre garde au respect scrupuleux d'injonctions et interdits en tous genres dont la multiplication finit par rendre incompréhensible les raisons même de leur érection. 

Ni loi, ni ordre c'est l'anarchie mais que serait donc un monde exclusivement régi par des interdits ?

Si la loi sans l'ordre peut être l'annonce de l'avènement d'un arbitraire régime de droits sans devoirs, l'ordre sans loi c'est à l'inverse la promesse d'une dictature des devoirs et, partant, de restriction des droits.

Cette séquence où les candidats à la magistrature suprême multiplient les annonces en tous genres synonymes de nouveaux interdits est très révélatrice de l'évolution globale de notre monde.

Fort heureusement, l'expérience nous enseigne qu'en période électorale, accumulation de promesses ne fait en rien promission. 

mardi 28 septembre 2021

Rien n'est plus terrible

A l'exception de la sphère intime qui, fort heureusement, réserve encore des instants où le bonheur sait faire irruption dans nos vies, les temps ne sont guère heureux. Nul doute qu'il puisse être alors tentant pour beaucoup de se réfugier dans les chimères faussement rassurantes d'une toute puissance promise par un progrès débridé, celui d'une science sans conscience, telle qu'évoquée il y a près de 500 ans par Rabelais. De celles d'une pensée exclusivement rationnelle et scientiste qui autoriserait tous les fantasmes en repoussant l'idée même de transcendance dans les limbes d'une histoire de l'humanité qu'elle croit révolue. 

Selon un récent sondage, si pour 68 % des français "la religion transmet des repères et des valeurs positives", seuls 49 % de nos concitoyens affirment "être croyants". N'est-ce pas la peur de la mort qui pourrait paradoxalement les faire de plus en plus renoncer à Dieu ou même simplement douter de son existence ? Certains de nos commensaux semblent en effet tentés de se tenir éloignés de Dieu, espérant sans doute que, les ignorant, il pourrait, le moment venu, oublier de les rappeler à lui. Pour vivre heureux, vivons caché ! Trop humain, peut-être ?

C'est oublier un peu vite notre condition d'être spirituel et de mortelle créature. Deux qualificatifs qui, à mes yeux, sont au sens propre inséparables. Nous voudrions être libres et humains, oubliant parfois, un peu vite, qu'il n'est de liberté sans respect de certains principes et que c'est d'abord notre qualité d'êtres spirituels qui nous rend libres. La science annonce régulièrement la très prochaine "mort de la mort". Mais vouloir, à tout prix, prolonger la vie pour la vie, n'est-ce pas nier notre humanité elle-même en voulant s'affranchir d'un des éléments majeurs qui la fonde ? Le désir d'éternité ne dément-il pas le désir d'appartenance à une Humanité qui nous dépasse ? Que serait demain un être que les progrès de la science auraient rendu immortel ? Quelle serait encore sa part d'humanité ?

Si notre condition humaine se définit comme celle d'animaux rêveurs et poétiques, au fond qu'avons-nous en commun ?  Le rêve, qui est fondement de notre rapport intime au monde, cette langue intérieure, dans laquelle s'exprime l'inconscient, cette part la plus sacrée enfouie au plus profond de chacun de nous et, bien sûr, la mort, qui n'est autre que l'expérience tangible de la finitude. Certains semblent vouloir, quel qu'en soit le prix, s'en acquitter. Rien n'est plus terrible qu'oublier.

lundi 20 septembre 2021

Mieux vaut ne plus rien lire

Certainement as-tu relevé, comme moi, le nombre désespérément surprenant et toujours exponentiel de conneries que l'on peut lire sur le Net. Entre les attardés du bulbe, les complotistes néo cons, les vrais-faux experts, les illuminés (et pas seulement de Bavière...), les amateurs de chatons et les inconditionnels enfiévrés de tout et n'importe quoi, chacun peut s'exprimer comme bon lui semble et exposer "sa" vérité.

S'il m'arrive parfois d'exprimer ce que je crois, jamais ce blog n'a eu la prétention de révéler une vérité. Il faut être bien prétentieux et même faire preuve d'une forme d'impudence pour oser prétendre détenir ne serait-ce qu'une once de vérité. Et d'ailleurs - comme l'a si justement écrit Pascal - ce qui est vrai ici l'est-il toujours ailleurs ? Ce qui est tenu pour vrai pas les uns l'est de moins en moins souvent pour les autres. La vérité, comme l'horizon, s'éloignerait-elle chaque fois qu'on s'en approche ?

Savoir et connaissance ne font pas toujours bon ménage. Nombreux sont ceux qui, pour mieux comprendre, sont désormais enclins à lire ou à écouter tout et n'importe quoi tant nous sommes, pauvres humains, incapables de supporter l'incertitude et le vide. Se contentant d'emmagasiner un savoir parfois douteux, certains pensent accéder à la connaissance. Ils confondent souvent acte de foi, opinion et expérience du réel et pensent pénétrer la vérité en essayant de trouver des réponses à l'incertitude de l'existence, même et surtout si ces réponses sortent du cadre rationnel. L'absence de toute preuve de ce en quoi ils croient devient à leurs yeux la preuve même de la véracité de ce qu'ils affirment.

Avec les réseaux sociaux, la tentation est grande pour celui qui le souhaite de vivre dans une bulle où tout débat, toute controverse, toute confrontation sont bannis. Qu'il est rassurant de vivre dans un monde dans lequel ne s'expriment exclusivement que des points de vue qui vous plaisent et qui vous affermissent dans vos certitudes ! Il est tellement plus facile de croire uniquement ce qui vous arrange... 

Méfions nous des préjugés, de l'illusion et des opinions dogmatiques ! Alors, en guise de - provisoire - conclusion, ami lecteur, je te livre cette sentence dont tu feras bien ce que tu voudras : Si tu crois tout ce que tu lis, mieux vaut ne plus rien lire.

jeudi 9 septembre 2021

S'oublier un peu pour davantage se souvenir

Les morts des autres sont notre vieillissement, et rien de plus. 

Elias Canetti

Qui d'entre vous, chers lecteurs, se souviendra avec moi du temps des cantonniers et des gardes champêtres ? Quand j'étais enfant, ces deux figures étaient des personnages importants du paysage du village où, chaque été, je séjournais au mois de juillet auprès de mes grands-parents. Nous passions alors presque tout notre temps libre, au grand air, à gambader dans les champs environnants. il n'était pas rare alors de croiser l'un ou l'autre au détour d'un chemin ou d'une route vicinale.

Quand la journée touchait à sa fin, c'est de la lecture des bibliothèques, rose puis verte, que venait parfois l'inspiration pour le scénario des aventures buissonnières du lendemain. Et puis, le dimanche soir nous le consacrions au film que nous regardions en famille sur la première chaîne. Deux des films favoris de mon enfance étaient L'homme de Rio et Les tribulations d'un chinois en Chine. J'aimais le cinéma de Philippe de Broca et le jeu tout en énergie comique de Jean-Paul Belmondo. Et puis, Hong-Kong était encore un orient lointain et fantasmé et Rio, synonyme de musique, de fête et de légèreté. Ces films ont, je le crois, beaucoup œuvré à me donner le goût des voyages et lorsque, bien des années plus tard, j'ai découvert l'une puis l'autre de ces deux villes, j'ai repensé aux aventures picaresques du deuxième classe Adrien Dufourquet et du milliardaire désœuvré Arthur Lempereur. 

Aujourd'hui la France à rendu un hommage national à Jean-Paul Belmondo. Tout comme des millions de français, j'aimais Bebel. Qui plus est, j'ai eu la chance que mon père et lui jouent ensemble au Football au sein de l'équipe des Polymusclés et qu'ils nourrissent alors une réelle amitié. Quelques fois, il m'est arrivé - inconscient de ma chance - d'embarquer, à ses cotés, à bord de son rutilant cabriolet de l'époque, sur les genoux d'une starlette bronzée, quand il arrivait à mes parents de passer, en bande, des vacances sur la Côte d'Azur. Même si mes souvenirs sont aujourd'hui un peu flous, ma mère me racontait, peu de temps avant que la maladie l'emporte, nos séjours azuréens des années 60 et je comprenais alors, en voyant les étoiles dans ses yeux, combien la vie était légère à cette époque et comme mes parents savaient s'amuser. En roulant sur la corniche, entre Monaco et Saint Jean, ce sont les routes du Corcovado ou du Pic Victoria que j'arpentais assis dans l'auto de mon héros. 

Oubliant un peu ma peine de voir, avec cette disparition, une partie de mon enfance s'envoler définitivement, ce sont mes joies de gosse dont je préfère aujourd'hui évoquer le souvenir. S'oublier un peu pour davantage se souvenir... Merci Bebel et salut l'artiste !

Les Polymusclés dans les années 60, une équipe de légende...
Des mecs, des potes, qui jouaient sérieusement au Foot sans jamais se prendre au sérieux!
Sur cette photographie, on reconnait Michel Creton, Claude Brasseur, Jean-Marie Baudier, Jean-Paul Belmondo, Pierre Vernier, Mario David et Just Fontaine.