vendredi 24 décembre 2021

Rien de si caché

Il n'y a rien de si caché qui ne doive être découvert. 
Maître Eckhart


En cette période de fêtes, me revient en mémoire un reportage télévisé réalisé pendant la guerre civile à Damas. Un chauffeur de taxi y témoignait face à la caméra de la terrible expérience de vie quotidienne des syriens. Son propos se terminait par la phrase suivante : « Il n’y a plus de bonheur aujourd’hui. Regardez autour de vous il n’y a que des visages tristes ». Ce que nous dit cet homme c’est que l’espérance elle-même peut parfois être désespérée. Paraphrasant Schopenauer, on pourrait, avec pessimisme, dire que dans ces temps très troublés que nous vivons « on ne peut être béat. Moins malheureux seulement ». Au-delà du terrible drame vécu par les habitants du Levant et des ravages de la guerre, et toutes choses égales par ailleurs, il appert que les désillusions politiques, économiques, philosophiques, spirituelles et même désormais scientifiques sont bien réelles et nombreux sont ceux de nos contemporains qui les partagent. Partout, la souffrance, loin de reculer, semble s’accroître. 

"Nous sommes - nous enseigne Maître Eckhart - la cause de tous nos obstacles". Tous les « ismes » du XIXème et du XXème siècles promettaient à tous une vie plus agréable et un bonheur généralisé. Tout au contraire, nos contemporains n’ont jamais paru aussi déprimés. Les dogmes, les illusions, les modèles et les idéologies ont failli et on est passé de l'utopique promesse du bonheur pour tous à l'étalage quotidien et cathodique d'un malheur généralisé. A bien des égards, la lutte des classes a cédé le pas à la lutte des places. Et si cet échec nous enseigne notamment que le bonheur ne peut pas venir de l’extérieur, alors sans doute pouvons-nous convenir qu'il devra venir de l’intérieur. La joie ne s’achète ni ne se décrète. Le bonheur se nourrit exclusivement des petits plaisirs qui l’alimentent et qui prennent vie en chacun de nous.

Pour chacun d'entre nous, humains, la réalité n'existe que dans le regard que nous portons sur le monde. La réalité des choses nous devient accessible dès lors que nous réalisons que si nous sommes dans le monde c’est en nous qu’il prend couleur et forme. Est-ce que nous nous transformons en transformant notre vision du monde, ou bien transformons-nous le monde en nous transformant ? Peut-être n'y-a-t 'il rien d'autre à faire que d’être soi-même, dans sa réalité primordiale, ici et maintenant, en comprenant qu'il convient d’abord de se réaliser, de se connaître pour mieux se transfigurer, d’accepter que le monde n’existe que par nos yeux et que seul le regard bienveillant et philanthrope que nous lui porterons pourra le modifier et, peut-être, le rendre un peu meilleur. 

Si pour Baloo, l'ours débonnaire du Livre de la jungle "il en faut peu pour être heureux", alors, chassons de notre esprit tous nos soucis et, en ces temps où nous fêtons le retour de la lumière, essayons de prendre la vie du bon côté. Oublier le passé pour être moins déprimé, négliger de penser le futur pour être moins anxieux et apprendre à vivre l'instant présent. Rien de si caché, au fond.

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