vendredi 11 octobre 2019

10 ans! Et toujours rien

En écrivant ces quelques lignes, je réalise que cela fait 10 ans que je partage avec toi, ici, ami lecteur, mes réflexions, mes questionnements et  mes doutes.

Loin de l'archétype du savant, du professeur, celui qui sait, ou du chercheur, celui qui trouve, il me plaît de me considérer parfois comme un cherchant, celui qui doute. Et c'est en quelque sorte l'ombre de mes hésitations, de mes tâtonnements et de mes incertitudes que, au fil du temps qui passe, j'essaie de communiquer en les proposant en partage, à la lumière de ce blog. Des doutes, oui mais jamais - en tout cas je m'y efforce - de spéculations, tant ma crainte est grande qu'elles n'entraînent avec elles des projections qui rendent alors très difficile la perception de la réalité, et surtout celle de l'autre.

Depuis l'automne de l'année 2009, l'évocation des souvenirs a commercé avec une réflexion qui m'apparaît aujourd'hui comme une manière d'ouverture à la liberté de chercher au-delà de la perception des sens, de s'ouvrir au monde, dans une forme d'exercice d'oubli du savoir que nous pensons avoir acquis des choses. La recherche d'un troisième terme échappant à la lecture simplement binaire, analytique et causale du monde, qui est le fruit de notre éducation, pour, de temps en temps, oublier le cartésianisme et accepter l'irrationnel; une démarche que j'ai envie de qualifier, bien que détachée de toute religiosité, de spirituelle (d'aucun dirait mystique), allant même parfois jusqu'à une forme d'acceptation de l'inconcevable.

Album beaucoup écouté...
En disant cela, je pense aux questions de coïncidences et de synchronicité que nous avons récemment abordées en cours (et oui, me voici de retour sur les bancs de l'école...) et me dis que si l'hypothèse de la synchronicité avancée par Jung ne permet sans doute pas, à elle seule, de résoudre la question d'un ordre sans cause, elle éclaire d'un jour nouveau certaines de mes propres réflexions et met en lumière le fait que chaque rencontre, chaque "coïncidence" a participé à la satisfaction d'un besoin très certainement inconscient mais constitutif d'un processus d'individuation.

Alors, quelle est au fond l'importance de déterminer la cause de cette soudaine envie, goût devenu besoin, puis addiction même, de faire partager mes vaines réflexions, ces tout petits riens ? Et de poursuivre cette ineptie pendant 10 ans ? En posant cette question, je comprends qu'il n'est pas absolument indispensable, au risque de l'aporie, d'en chercher la réponse.

10 ans! Et toujours rien...

mercredi 25 septembre 2019

L'IA ou rien ?

Animant hier soir un dîner-débat autour des auteurs, la lecture de l'essai publié sous la forme d'un dialogue entre le Docteur Laurent Alexandre et Jean-François Copé [1] m'a inspiré ces quelques lignes.

"Gnothi Seauthon". Le "connais-toi toi-même" socratique, gravé au fronton du temple d'Apollon à Delphes, m'est apparu comme l'un des sujets majeurs abordés par les auteurs. Ne sommes-nous, au fond, qu'un assemblage de mécanismes biochimiques, demain observés, gérés et, le cas échéant, entretenus et réparés par l'IA, ou l'idée si chère à la pensée humaniste d'un libre-arbitre influencé par nos affects est-elle encore d'actualité?

Après le statut d'observant de l'homme religieux que nous avons longtemps été, celui de citoyen de l'homo politicus, puis d'agent de l'homo economicus, le développement de l'IA nous entraîne-t-il irrémédiablement sur la voie d'une Humanité devant se résumer, d'une part, à une caste d'"homo deus" et, de l'autre, à la masse des "hommes inutiles" ? L'alternative qui s'offre à nous de résumera-t-elle à devoir choisir son camp entre ceux qui seraient prêts à sacrifier progrès et humanisme sur l'autel d'une forme de néo-paganisme aux relents apocalyptiques (les bio-réactionnaires décrits par Laurent Alexandre, tous ceux qui agitent le spectre de la grande disparition et plaident pour la décroissance), et ceux, les autres, qui considéreraient que la mutation de l'espèce a déjà commencé, tous ces adeptes d'une philosophie trans-humaniste et autre "dataïstes" (néologisme emprunté à Yuval Noah Harari [2]) qui considèrent que la technologie toute-puissante surmontera toutes les difficultés ?

Point de troisième voie ? Y-a-t-il encore une place pour d'autres possibles ?

Si l'on y réfléchit, le système démocratique a-t-il encore un sens au moment où Google connaît mieux nos opinions politiques que nous-même, où Facebook est devenu la plus grande base de données personnelles au monde, où Amazon connaît mieux mes goûts musicaux que moi...? L'usage immodéré des outils connectés ne contribue-t-il pas, sous nos yeux, à saper les fondements même de la démocratie représentative ?

Face à un pouvoir technologique désormais concentré entre les mains d'une poignée d'acteurs américains et chinois - alliance improbable des libertariens de Palo-Alto et des néo-communistes de Pékin - aux moyens illimités, y-a-t-il encore une place pour le politique, pour la démocratie et une certaine idée européenne de l'humanisme ? Et comment éviter la "guerre des intelligences" prophétisée par Laurent Alexandre dans un précédent essai [3] ?

Ces interrogations sont au cœur de cet ouvrage qui a le mérite de vulgariser des questions pour le moins complexes.

Si l'approche des deux auteurs est différente, et même parfois antagoniste, ils conviennent ensemble qu'une hypothèse n'est pas nécessairement vérité et que probabilité ne signifie pas fatalité. Au fond, ils nous disent que si l'IA est bien une révolution, le rôle - et même d'une certaine manière - la mission de l'homme politique est d'en anticiper les effets, pas de courir après, pour éviter le scénario catastrophe d'une IA forte qui échapperait à son créateur.

Notre choix ne se résumerait-il qu’à l’IA ou rien ? Ne peut-on imaginer un autre possible, un troisième terme qui ne serait ni l’un, ni l’autre, mais une autre voie, plus équilibrée ? 

Si l’on veut bien suivre un peu les conseils délivrés par Laurent Alexandre à ses enfants dans la lettre qu’il leur adresse en forme de postface à la guerre des intelligences, je cite, « mieux vaut apprendre à décoder le monde qu’à coder des programmes informatiques » car, écrit-il, « l’humanité ne doit pas se transformer sans débat philosophique et politique ». Enfin, il les engagent, et cette morale pourrait être universelle, « à faire un peu de bien au nom d’une morale détachée de Dieu ». Rien à rajouter.


1. L’IA va-t-elle aussi tuer la démocratie ? - JC Lattès - 2019
2. Sapiens – Yuval Noah Harari - Albin Michel - 2015
3. La guerre des intelligences - JC Lattès - 2017

dimanche 8 septembre 2019

Lorsqu'il n'y a plus rien

Quand j'étais môme et que j'explorais chaque recoin de notre village de Cely, je passais beaucoup de temps a errer dans des ruines. Chantier abandonné d'une maison qui n'accueillerait jamais aucun occupant, ancienne gare désaffectée d'une ligne de chemin de fer depuis longtemps délaissée par les voyageurs, cabane de forestiers inoccupée depuis des lustres ou tout simplement tristes vestiges d'une maison tombée dans l'oubli. Chaque ruine m'attirait et me fascinait tout autant qu'elle m'effrayait.

Foin de château ni de manoir hanté mais juste les témoins de la vie passée, de vies passées.

Pour partir en exploration, je me munissais d'un petit panier de pêche en plastique que je passais en bandoulière autour de mon épaule, à l'effet de le garnir - du moins l'espérais-je alors - de tous les trésors que je pourrais découvrir au fil de mes visites alentour.

Et puis, quand j'en avais fini avec les vieilles pierres, j'arpentais les champs de maïs proches de la maison, à la recherche de fossiles ou, le croyais-je alors, de silex taillés. Me voyant revenir de l'une de mes expéditions,  mon père me dit un jour, sur le ton docte de celui qui sait : " tu seras archéologue, mon fils..." (sic!)

Non, je ne cherchais pas là l'imitation d'un quelconque Indiana Jones avant l'heure, mais j'avais déjà le goût de ces petites choses, ces petits riens que l'histoire n'étudie pas. Tout ce qui donne support à l'imagination pour s'envoler et qui permet aux enfants de créer, à partir de pas grand chose, des mondes, voir des univers... Et puis, au-delà, j'aimais, et j'aime toujours, aller à la recherche de ce qu'il reste lorsqu'il n'y a plus rien.

mardi 27 août 2019

Rien d'autre

En un demi-siècle, on est passé de l’utopie fantasmée du grand soir de ceux qui, à la fin des années 60, voulaient changer le monde avec leurs pieds, en défilant et en protestant, pour en arriver aujourd'hui aux désespérants mantras des prophètes hallucinés de l’apocalypse climatique; ceux qui nous annoncent la grande disparition. Ceux qui prédisent aujourd’hui la fin du monde la redoutent autant qu’ils l'attendent, tant cette fin annoncée semble porter à leurs yeux la promesse d’une aube nouvelle, un peu comme le grand soir qu'ils souhaitaient tant portait alors l'espérance des lendemains chantants d’un nouveau monde. 

Au fond, les actuels tenants de la cause climatique n'empruntent rien d’autre que la réthorique de ceux qui, hier embrassant le maoïsme, le trotskisme ou le stalinisme, voulaient tout détruire pour tout changer et faire le bonheur de l’Humanité - même, et surtout, contre son gré - et qui ont réalisé que seule l'assurance d'une inéluctable disparition était, pour tous, au bout du chemin. Au fond, de progressistes et collectivistes, les tenants de la décroissance ont viré néo-conservateurs. En vieillisant, ils sont juste devenus un peu plus ambitieux, en passant de la volonté d'en terminer avec un monde (le notre, celui de ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux...) pour désormais annoncer la fin du monde.

Heureusement pour ceux de ma génération, en guise d’idéologies libératrices, au mitan des années 80, il y eut le Disco et le Punk ; deux faces opposées de la même volonté nihiliste de danser sur le volcan. « No future ! » pour les uns, « never-ending party » pour les autres...

Alors, chantons et dansons encore avant de mourir, car rien ne garantit que nous pourrons encore le faire demain ! "Vivons heureux aujourd'hui car demain il sera trop tard" (*)...


samedi 13 juillet 2019

Jamais rien

Retenons aujourd'hui comme sujet de réflexion trois hommes. Ces trois-là ont en commun d'avoir partagé la vie de la même femme...

Le premier est professeur de médecine. Chirurgien de renommée mondiale, il répare les corps et avec obstination, essaye de lutter contre la maladie et de réduire la souffrance physique.

Le second est psychiatre et psychanalyste. Il sonde et, à sa façon, contribue à rafistoler les âmes abîmées et à réduire la souffrance psychique.

Il plaît, au troisième, de croire aux forces de l'esprit et au long travail de retournement vers le centre qui, délivrant celui qui cherche sincèrement de toute forme de savoir, tend à l'unir vers l'uni et à saisir le monde dans la vérité de sa connaissance.

Deux hommes qui pensent, chacun à leur manière, qu'ils peuvent modifier le cours du monde, réviser les corps, corriger les âmes, et, un autre qui croit que la vraie transformation - la rectification  - ne peut venir que de l'intérieur.

Trois hommes qui partagent cependant la conviction qu'il suffirait de mieux ordonner pour transformer les choses. Mais deux pour qui l'action ouvre la voie au possible, à tous les possibles, et un autre pour qui seule la pensée est réellement agissante...

Malgré leurs différences, n'ont-ils pas en commun, au fond, d'être dupe de leur espérance ?

La recherche, et surtout la croyance en la réalisation d'un résultat, d'une fin, n'est-elle pas le plus sur moyen de créer de la frustration ? Paraphrasant Krishnamurti dans ses commentaires sur la vie, on pourrait dire que "chercher à (s') accomplir c'est appeler la frustration."

On dit parfois que l'espoir fait vivre, mais, au bout de l'attente, seule la mort est au rendez-vous et ceux qui luttent pour retarder l'inéluctable échéance ne sont-ils pas dupés par leur propre vanité ? 

Eternelle tragédie de notre mortelle condition. Angoisse et culpabilité de notre finitude. On voudrait pouvoir tout réparer, tout changer, tout maîtriser; trouver des raisons à tout, pour tout, mais "la tragédie des dupes c'est qu'on n'impose jamais rien au monde"*... "car la vie elle-même est emplie de folie et dans son essence même déraisonnable (...) La vie elle-même ne connait pas de règles. Voilà son secret et sa loi inconnue"**.


dimanche 30 juin 2019

Rien de mieux

L’été est là. Période propice au farniente et au repos réparateur. Rien de mieux, en effet, pour lutter contre la tristimanie qu'engendre la vie dans nos grises cités, qu'en tout d’œuvrer à emparadiser le quotidien en se laissant un peu aller au beau, au rêve... Au risque même d’une forme de plaisante langueur à laquelle la torpeur de la chaleur estivale peut nous incliner.

L’été, après tout, est la saison idéale pour s’encagnarder, et tu conviendras avec moi, ami lecteur, qu'il est bon ne rien faire en se laissant bercer par la douce poésie de la songerie à laquelle est propice l'état de conscience modifié qu'entraîne l'abus d'inactivité.

Poésie du songe, langage de l'inconscient...

En effet, si l’inconscient est langage et que tout langage est poésie, alors l’inconscient fait poésie. Et si la poésie est un absolu inatteignable, l’inconscient est poésie en ce sens que ses rives sont lointaines, parfois confuses, enténébrées, difficiles d'accès, et qu’il semble n'obéir qu'à sa propre logique, qui n’est pas celle d’un langage directement intelligible.

Se délivrer, enfin, de toute forme de savoir, de toute netteté, et se laisser aller à l'inscience sur les ailes floues du rêve et de la fantasmagorie.

Je souhaite à chacun de belles rêvasseries estivales...


mercredi 5 juin 2019

Douter de rien. Traces de rêve...

Le grand Tout est-il supérieur à la somme des petits riens qui composent l’ensemble, de même que l'intérêt général est considéré comme supérieur à la somme des intérêts particuliers ?

Au-delà de la solitude accablante et du sentiment d’impuissance dans lesquels nous vivons, prendre conscience que nos êtres profonds se rattachent à un grand Tout c'est comprendre que chaque homme est relié et intégré à un ensemble bien supérieur à la simple somme des parties qui le composent, qu'être aimer n’est rien, qu'aimer est tout, mais qu'il faut accepter que, malheureusement, rien ne dure.

Conviens avec moi, cher lecteur, que rien de ce qui précède un mais n’a d’importance. Je n'ai jamais cherché à plaire mais j'aime bien qu'on m'aime. Retenir : j'aime qu'on m'aime!

As-tu déjà réalisé à quel point les rêves qui peuplent nos nuits peuvent être emplis du souvenir des petits riens qui habitent nos jours ? Et combien pourtant l'assemblage hétéroclite de ces souvenirs s'éloigne des codes de la réalité objective pour tracer les voies d'une autre perception, celle d'un réel symbolique, onirique et dont, bien souvent, si nous ne faisons pas un effort particulier d'interprétation, la signification nous échappe. Tous ces petits riens qui conservent dans notre mémoire un éclat particulier sont recomposés dans l'alphabet du langage d'un discours inconscient et qui se dérobe, tout comme la mémoire de nos songes s'estompe, elle, avec le réveil.

"L’inconscient c’est le discours de l’Autre" disait Lacan, peut-être est-ce pour cette raison que je me surprends plus souvent qu'à mon tour à ne pas partager mon avis.

Dire rien sur tout, c’est n’aller nulle part. Pour comprendre la course du monde, faut-il mieux ne rien croire du tout ou douter de rien ?

" Quand on est animé par l’envie de saisir la vérité et la profondeur des choses, de les appréhender toutes deux avec amour, ce sont surtout les hasards, les petits riens qui conservent dans notre mémoire un éclat particulier... il faut simplement que le fortuit n’occulte pas l’essentiel... "

Hermann Hesse - Propos sur les voyages - 1904

lundi 6 mai 2019

Rien n'est vraiment désespéré


Sébastien craint tout particulièrement les prises de sang, alors ce matin je suis descendu avec lui jusqu'au laboratoire du bas de la rue.

Devant nous, dans la salle d’attente, se trouvait un couple de jeunes, visiblement d'origine chinoise, s’exprimant dans un français assez hasardeux. Ils accompagnaient ici leur enfant en bas âge. 

La secrétaire appelle le "petit Clovis". C’est lui ! Clovis ! Magnifique preuve de cette intégration dont on parle parfois, qu’on implore souvent, au nom d'une certaine fraternité et de la lutte contre le communautarisme et qui, en cet instant, s’exprime dans ce qu’elle peut avoir de meilleur. Donner à son enfant le prénom de ce roi franc dont l'historiographie républicaine du XIXème siècle a fait le premier des rois catholiques de tous les francs et le fondateur de la monarchie franque, n'est-ce pas un signe fort, presque un symbole, de l’expression concrète d’une volonté d’assimilation. Et tant pis pour la violence de l'épisode du vase de Soissons...

Au moment où la France a peur, du monde, de l'avenir, des voisins et surtout peur d'elle-même, ce beau et vieux prénom si français, entendu dans cette salle d'attente a eu sur moi un effet presque euphorisant. Rien de tel pour atténuer l'angoisse née des craintes de Seb. La prise de sang passée, oui la journée avait bien commencé.

En rentrant à la maison, je pensais encore à cette famille et me suis dit que, peut-être, rien n'était vraiment désespéré.