mercredi 1 avril 2015

Malheureusement rien d'un poisson d'avril

A force de prendre des coups en vache et d'être le jouet de tours de cochon de la part de ses propres "amis", il n'était pas loin de tourner chèvre ! Mais c'était fini. Ah, ils ne voulaient pas voter ! Soit ! Ils allaient voir... Remaniement ? Ça ne casse pas trois pattes à un canard (et puis, il fallait bien garder quelques cartouches pour la suite des départementales qui s'annonçaient si délicates...). Dissolution ? Il sait très bien qu'une majorité, par les temps qui courent, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Faut quand même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages!

Parce qu'il en avait assez d'éprouver le sentiment d'avoir donné de la confiture à des cochons - au risque de passer pour celui qui agit comme un éléphant (du PS...) dans un magasin de porcelaine - pour éviter le mariage de la carpe (frondeuse) et du lapin (qui s'oppose), il leur a fait le coup du 49.3. Dès lors, fallait les voir, les "frondeurs", les écolos et tous les hypocrites de sénestre serrés comme des sardines sur les bancs de l’Hémicycle, pour comprendre qu'ils allaient voter comme un seul homme. Au fond, ils s'accordent tous pour penser qu'un tien vaut mieux que deux, tu l'auras et qu'il vaut bien mieux tenir (son mandat) que courir (l'électeur perdu)... 

Et puis vint le 29 mars...

Historique, triomphale, monumentale... les adjectifs employés par les échotiers pour qualifier la nouvelle défaite de la majorité aux élections départementales ne manquent pas.

Pourtant, avec l'air tellement grave qu'on lui connaît, depuis dimanche soir, le Premier ministre, engagé dans une forme étonnante de fuite en avant, va partout expliquant que - bien que lourdement défait dans son propre fief essonnien - il ne changera rien à sa politique et qu'il poursuivra sur la même ligne puisque "les Français veulent qu'(il) reste à son poste" (sic!). Même si les analystes et autres experts de tous poils s'accordent pour souligner que le vote populaire s'est encore plus largement déporté sur tribord, il ne modifiera pas le cap. "Salauds de pauvres"[1] aurait pu écrire Marcel Aymé. 



Et le Président dans tout ça... Je suis certain, ami lecteur, que toi-aussi tu t'es posé la question : où donc est passé le locataire de l’Élysée ? Plus affecté qu'on ne le pense par la perte de sa chère Corrèze, notre républicain souverain serait-il frappé du syndrome de l'autruche ?

A Tunis, le Président Essebsi a bien cru apercevoir le fantôme d'un autre François (Mitterrand). Depuis Berlin, Hollande s'est contenté de déclarer, abusant de la métaphore maritime : "Le cap a été fixé et il sera tenu". Mais sur la scène politique nationale, plus de son, plus d'image en provenance de la rue du Faubourg Saint Honoré. 

En ce 1er avril, à part un pauvre plan de com' de spin doctors à la mise en scène éculée, rien. A l'issue du Conseil des ministres, aucune déclaration. Les ministres muets, à la mine triste, font bloc comme les moutons de Panurge autour du 1er d'entre-eux dans la Cour d'honneur de l’Élysée et puis s'en retournent, toutes sirènes hurlantes, vers leurs cabinets respectifs. Aucune éminence qui nous gouverne ne semble se soucier que les français puissent, une fois encore, penser qu'ils sont les dindons de la farce électorale ? Circulez, y' a rien à voir... 

Alors on me dira que c'est un vieux renard le Frankie Dutch. Retiré en son château, chacun s'attend à ce qu'il nous prépare un chien de sa chienne. Mais si, au fond, il avait épuisé ses cartouches et si, comme une poule devant un couteau, il ne savait tout simplement plus comment faire ?

Non, vraiment, à part l'anniversaire de la naissance de Marcel Aymé, il ne s'est rien passé le 29 mars! 

1-"Salauds de pauvres!" Réplique culte de Gabin/Grandgil dans une scène d'anthologie du film la Traversée de Paris, tiré d'une nouvelle de Marcel Aymé.




vendredi 13 février 2015

Rien d'autre que l'aventure...

(C) France 2 - On n'est pas couché - 7/02/15
Plateau d'ONPC, l'émission télévisée hebdomadaire de M. Ruquier avec pour invité Sylvain Tesson.

L'écrivain voyageur - une catégorie que j'affectionne tout particulièrement - vient y présenter son dernier ouvrage, Berezina. Une invitation à un long et froid périple en side-car, ou comme il le dit avec une certaine poésie, à "motocyclette à panier adjacent" avec, pour passager, Napoléon Bonaparte. Je me souviens, en le regardant, de nos discussions entre amis amateurs de sa plume à la lecture de la dépêche AFP relatant l'accident dont il avait été la victime l'été dernier et de notre inquiétude. Terrible chute en escaladant un chalet, multiples fractures, coma…

Il est là, face aux journalistes, avec sa gueule cassée, son "visage froissé" qui m'évoque en filigranes le souvenir de Maurice Ronet dans le rôle titre du Feu follet, ce film si noir adapté par Louis Malle de l'œuvre de Drieu, et cet air, comme il se décrit lui-même, de "lieutenant prussien de 1870"1 que lui donne la paralysie faciale qui l'affecte, terrible et immuable conséquence de son accident.

Tout au long de l’émission, les deux « chroniqueurs » attitrés ont voulu instruire, à charge, un procès en « réaction ». A aucun moment Tesson n’a cédé un pouce de terrain. Il a défendu sa position, tout comme celle de son père et, en les replaçant dans le lourd contexte émotionnel qui a suivi les attentats de janvier, ses propos sur les Islamistes qui lui sont aujourd’hui reprochés et lui valent une enquête du parquet de Paris pour «provocation à la haine». Récusant le terme même de « dérapage », Sylvain Tesson s’interrogeait de savoir s’il existerait un service de la voirie morale qui tracerait les routes de la bien-pensance ? Alors, beaucoup de bruit pour pas grand chose ? Des propos polémiques dans la bouche d'un journaliste qui s'est toujours lui-même défini comme polémiste, quel scandale! Philippe Tesson ne serait-il pas, au fond, le bouc-émissaire idéal d'une période dominée, comme le dit Finkielkraut, par les démons de l'universalisme et des grandes communions populaires, lui dont le caractère libertaire et le peu de goût pour les extrémités religieuses lui valurent, alors qu’il dirigeait le Quotidien de Paris, d'être pourtant frappé d'excommunication par un tribunal ecclésiastique !

J’ai reconnu en Sylvain Tesson, sans la ringardise ni la bêtise d'un quelconque poujadisme néo-conservateur d'anti modernité que j'apprécie tant chez d'autres, le même désir que Philippe Murray ou Denis Tillinac. Il l'accompagne d'un art consommé de l'esquive, de l'évitement. Cet "escapisme" que je tiens, cher lecteur, pour une grande qualité et qui fut le cœur de la stratégie russe tout au long de la funeste retraite de la grande Armée qui sert de fil conducteur au voyage littéraire auquel il nous convie dans la steppe glacée et les forêts de bouleaux enneigées.

Foin de nostalgie pourtant chez Tesson quand il évoque les horreurs de la guerre mais parce qu'il parle d'Empire, d'honneur et de courage, parce que son écriture transpire sa passion pour la Russie, parce qu'il aime la neige, la vodka et les grands espaces des bords du lac Baïkal, on voudrait lui faire, à tout prix, trouver des excuses à Poutine. Il indique avec justesse qu'il n'est pas possible de juger son action à l'aulne de nos grilles de lecture eurocentristes. On lui rétorque "fascination pour les figures autoritaires", il récuse tout goût pour le césarisme, mais refuse de considérer les affaires d'un pays qui s'étend sur 9 000 kilomètres d'Est en Ouest et couvre neuf fuseaux horaires en les comparant à celles du Luxembourg ou du Liechtenstein...

Je ne connais pas Sylvain Tesson, mais la montagne, Chamonix, Saint Nicolas de Véroce sont autant de lieux qui nous rapprochent, tout comme le goût pour la marche, loin des hommes.

Alors oui, s'il faut fuir les hommes pour ne pas les haïr, il faut savoir partir pour ne pas sombrer dans la misanthropie. Personnellement, je préfèrerai toujours, avec lui, les exploits sur les traces d'un évadé du Goulag, même enjolivés, même un peu fantasmés - surtout fantasmés! - d'un Slawomir Rawicz sur les routes de la liberté2, le "splendide désenchantement" d'un hussard insoumis à tous ceux de mes contemporains qui, parce qu'ils pensent pouvoir tout embrasser du monde par le truchement de l'écran de leur ordinateur, ont cessé d'avoir le goût de lire ou simplement de marcher et "s'enterrent chez eux sans envoyer de faire-part"3. Même sans but, surtout sans raison, sans rien rechercher d'autre que l'aventure, je choisis le marcheur car, comme le dit si bien Tesson, "quelle que soit la direction prise, marcher conduit à l'essentiel"4 .


1.  Interview de Sylvain Tesson publiée dans le Dauphiné du 11/11/2014
2. Slawomir Rawicz - A marche forcée
3.  Petit traité sur l'immensité du monde (2005) 
4.  Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit (2011)

jeudi 29 mai 2014

Ne plus appartenir à rien ?


A l’occasion de sa récente élection à l’Académie française, Alain Finkielkraut a été brocardé par ses détracteurs sous la forme peu valorisante d'une "pleureuse réactionnaire". 

Une excellente raison de revenir sur son récent essai,  L’identité malheureuse1. L’antimodernité de ce nouvel Immortel y apparaît pour ce qu’elle est : le miroir implacable de notre époque de renoncement et d’essoufflement. Car si Alain Finkielkraut est bien un antimoderne en ce qu’il dénonce le mal identitaire dont souffriraient nos contemporains c’est dans le sens où le définit Antoine Compagnon: « j’appelle antimodernes (...) des personnalités qui ont bien conscience d’être emportées par le mouvement de l’Histoire et qui savent que le retour en arrière n’est plus possible…mais qui mesurent ce que la modernité implique de perte ou de nostalgie2 ». Sa pensée est antimoderne en cela qu’elle s’oppose, sans déclinisme mais en la confrontant au tragique du réel, à la tentative de prêt-à-penser homogène de ceux que Philippe Murray qualifia un jour de « nouveaux actionnaires de la société en commandite Nouveau Monde3 ».

En sept chapitres, Alain Finkielkraut dresse, en l’illustrant d’un pessimiste et malheureux constat, un plaidoyer sans concession en faveur de la défense de l’identité française. Il évoque au bénéfice de sa démonstration autant de sujets que la mixité, l’immigration, l’antiracisme contemporain, l’école, ou encore les questions du respect, de l’autorité ou même, de façon plus prosaïque, de la galanterie française ou de l’élégance vestimentaire… Sa démonstration est d’autant plus forte que s’il dénonce le cosmopolitisme érigé en dogme par certains tenants d’une Europe emportée par le dangereux vertige de la désidentification, il n’élude en rien les tragédies européennes du XXème siècle auxquelles font écho ses propres racines, lui le fils d'immigrés polonais. Il nous enseigne que si la bonne conscience est interdite à l’homme occidental, il y a des limites à sa mauvaise conscience; qu’on peut dénoncer le poids de la pensée unique et du politiquement correct sans tomber dans les dangereux travers d’un populisme nauséabonde et politiquement abject; que si notre héritage ne fait pas de nous des êtres supérieurs, il mérite cependant d’être « préservé, entretenu et transmis, aussi bien aux autochtones qu’aux arrivants ». Tant il est vrai, comme le soulignait Emmanuel Levinas que « la France est une nation à laquelle on peut s’attacher aussi fortement par le cœur que par les racines ».

Revenant d’abord sur la querelle de la laïcité qui n’oppose désormais plus défenseurs de la Religion et tenants de la Raison mais laïques contre laïques, querelle dont la meilleure illustration a été le débat sur le port du voile islamique, il poursuit ensuite par la question de la mixité et son rapport à l’expression d’une forme « d’identité religieuse ». Il souligne alors un peu en écho au propos de Delphine Horvilleur dans son livre En tenue D’Eve4, l’obsession croissante de la pudeur des femmes portée par les discours religieux fondamentalistes et les dangers de l’érection de cette pudeur en instrument de la domination de la femme.  

L’auteur dénonce, à l’instar de Murray, les excès et les ravages de « l’âge du fier »,  de notre société interconnectée et distractionnaire, dominée par les démons de l’universalisme et des grandes communions populaires - dans laquelle le sujet pour mieux s’émanciper doit se déprendre de lui-même pour ne plus appartenir à rien - pour mieux proscrire toute tentation d’élitisme culturel au nom de l’égalitarisme érigé en dogme. Tout son propos conduit à démontrer que la normalité – ces usages et coutumes qui étaient hier normés, pratiqués et acceptés par tous, et dont l’observance constituait une forme d’orthopraxie, non vécue comme un carcan, mais bien comme l’expression, si chère à Ernest Renan, d’un « désir de vivre ensemble »  – n’est plus que la relique d’un « pays englouti... une tare en voie de disparition ». 

Une novculture bobo dont Mathieu Pigasse serait le nouveau héraut tourne volontairement le dos au verbe, à la « culture bourgeoise » du livre et du respect des règles de l’expression écrite, pour mieux nous faire entrer dans l’âge d’or du fonctionnalisme où le « divers décroît » et conduit à l’uniformité ; un monde nouveau où « la principale valeur du changement réside dans le changement lui-même ». Et l'auteur de nous rappeler comme le romaniste allemand Curtius l’observait que « la littérature joue un rôle capital dans la conscience que la France prend d’elle-même et de sa civilisation ». En cette année du centenaire du début de la Grande Guerre, le lecteur pourra non seulement trouver sous la plume de l'Académicien, dans sa défense d’une identité nationale en voie de disparition et son rappel qu’au-delà de leurs différences les Français appartiennent à une même communauté de destin, comme un écho contemporain au Maurice Barrès de 1917, celui des diverses familles spirituelles de la France5 mais aussi une référence à la célèbre conférence prononcée à la Sorbonne par Renan le 11 mars 1882, Qu’est-ce qu’une Nation ? 6

Contrairement à certains beaux esprits modernes et progressistes qui souhaiteraient le cantonner au simple rôle d’un « agité de l’identité » à « la mélancolie revêche et l’humeur maladive », qui « vomit son époque à défaut de la comprendre », nous constaterons bien volontiers que M. Finkielkraut, employant souvent le ton d’un polémiste à qui l’on peut, certainement, reprocher parfois ses sympathies pour Renaud Camus, apporte souvent de bonnes réponses à des questions qui, de son aveu même, « le tourmentent depuis longtemps »7. Son livre a le mérite de vouloir nous réconcilier avec la France. Il démontre que l’on peut aimer son pays et être patriote sans pour autant détester l’Autre. Il affirme enfin, comme Tocqueville, qu’on ne saurait se résigner à voir l’égalité mettre l’esprit sous tutelle et donne fort heureusement tort à Philippe Murray lorsqu’il écrivait dans la revue L’Esprit Libre8 que « l’idée de liberté personnelle n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir ».

1.       Alain Finkielkraut - L’identité malheureuse, Stock, octobre 2013.
2.       Antoine Compagnon, interview donnée au magazine Le Point, 28 novembre 2013.
3.       Philippe Murray - Festivus Festivus, conversations avec Elisabeth Levy, Fayard, 2005.
4.       Delphine Horvilleur – En tenue d’Eve, Grasset, 2013.
5.       Maurice Barrès - Les diverses familles spirituelles de la France, E. Paul Frères, 1917.
6.       Ernest Renan – Qu’est-ce qu’une Nation ? et autres écrits politiques, Imprimerie nationale, 1996.
7.       Entretien donné par Alain Finkielkraut à  Philosophie Magazine, 2013.
8.       Philippe Murray – La grande battue, L’Esprit Libre N°11, 1995.

jeudi 8 mai 2014

Plus rien n'avoir à lire...

A plusieurs reprises, Véronique m'a fait remarquer qu'elle ne comprenait pas comment je pouvais, dans le même temps, entamer plusieurs livres. En voyant la pile, à l'équilibre précaire, sur la table de chevet, je m'interroge. Passer de l'un à l'autre; lâcher - temporairement - un essai pour me plonger dans un roman ; passer du Quattrocento à un futur de science-fiction ; oublier, puis reprendre, ou pas, un ouvrage philosophique ou un polar. J'avoue même qu'il m'arrive d'abandonner parfois certains auteurs dont la prose me tombe littéralement des mains, pour n'y plus revenir. Je lis compulsivement, même peu, même quelques lignes. J'en ai besoin avant de m'endormir. La question est : pourquoi ?

Lire pour se lire. Peut-être, mais c'est insuffisant, et puis l'analyse est là pour ça...

Lire pour se lier. J'irai plus loin en affirmant, ami lecteur, que lorsqu'on lit un texte, on se lie à son auteur, tout comme aux autres lecteurs, à l'Autre tant le texte qui défile sous nos yeux nous ouvre au monde qui nous entoure et que nous recréons, à chaque lecture. Lire c'est entrer dans le monde, dans notre monde, celui de notre vision créatrice, d'aucun dirait de notre subjectivité. 

Lire pour juguler l'ire qui me gagne peu à peu en écoutant, d'une oreille distraite, les nouvelles sur les chaînes d'information, ou plus exactement en entendant, pour la énième fois, les mêmes informations répétées en boucle et à l'envie ;  hypnotiques vraies fausses "nouvelles" tant elles ne le sont déjà plus, nouvelles, à force d'être répétées !


Lire pour prendre le temps et avoir le choix. Le temps d'aller et de revenir sur le texte, de l'abandonner, d'oublier, puis de relire et de redécouvrir. De sauter, pourquoi pas, des mots, des lignes, un paragraphe, des passages entiers... Pouvoir décider, hors de tout formatage, de passer une nuit, une heure ou une minute sur un texte. Être l'acteur de ses choix et de ses préférences.

Le livre qui délivre. Rien ne s'abandonne autant, aucun objet, à sa déconstruction/reconstruction que le livre. A peine terminé d'écrire, le texte n'appartient déjà plus à son auteur mais devient pour son lecteur, ou même dans le souvenir de celui qui, demain en parlera, support de création, de recréation. Les mots et leur ordonnancement constituent pour celui qui les compose tout autant que pour celui qui les déchiffre des supports aptes à libérer, à délivrer l'imaginaire. A la lecture de Rostand, chacun perçoit un Cyrano différent et pourtant tous nous pensons le reconnaître et nous en parlons comme d'un être unique et familier. Nous projetons sur les mots des représentations inconscientes de notre propre histoire, de nos souvenirs personnels ou archétypiques. Par la combinaison et la synthèse des images et des idées - des signes et des symboles, au sens de la sémiologie - nous laissons libre cours à notre pensée créatrice.

Le livre qu'on lit, qui lie et, paradoxe, qui délie car il délivre. La littérature, liberté d'imaginer et support à une forme de transcendance. La littérature comme une esthétique aussi, tant il est vrai que le livre est, en soi, un bel objet. Alors imaginer un jour n'avoir plus rien à lire ?


jeudi 3 avril 2014

Tout changer pour que rien ne change

La mère des enfants de notre républicain monarque s'apprête, en star revancharde et auto-proclamée, à  retrouver  - vingt-deux ans presque jour pour jour après sa première nomination au ministère de l'environnement - les rangs du Conseil des ministres où elle siégera, chaque mercredi matin, aux côtés de son présidentiel ex. "Laisse aller, me glisse l'un de mes amis, c'est une valse!" Référence, pas aussi innocente qu'il n'y paraît, à une comédie policière de Georges Lautner ou mauvais jeu de mot faisant écho au nom du nouveau Chef du Gouvernement ?
22 ans après... retour à l'Elysée


Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Valérie Trierweiller qui, elle, n'aura plus guère le loisir de venir à l’Élysée. Il n'y a qu'en France qu'on peut voir çà. Et même les plus allumés des scénaristes de "House of cards" n'auraient pas osé imaginer les rebondissements d'un tel vaudeville à la tête de l’État.

En bon citoyen de notre chère République, je croyais benoîtement que les affaires de coucheries et les commentaires qu’elles pouvaient susciter, étaient l'apanage exclusif de la toile ou de certains tabloïds nauséabonds d'outre-manche. Et que c'était là sans doute un autre trait de cette influence anglo-saxonne sur le pays gaulois que désormais il est un sport national de savoir qui partage ses nuits avec qui ; ou plus exactement qui est supposé avoir couché avec qui ? Et puis, je me suis dit qu'après tout, ce n'était pas non plus sans rappeler ces libelles qui s'en prenaient violemment aux mœurs de la Cour et qui circulaient sous le manteau dans le Paris pré révolutionnaire. Aujourd'hui les courriels ont suppléé les gazettes et les samizdats. Les bruits les plus fous courent le Net et les salles de rédaction... Au même moment, le chômage poursuit inexorablement sa courbe ascendante à l’image du déficit budgétaire d’un État de plus en plus impécunieux. Les admonestations européennes, la Bérezina des élections municipales et la colère qui gronde chez nos concitoyens n'y changent rien.  Avec 14 ministres reconduits sur 16, Frankie Dutch nous a concocté un petit - tout petit - remaniement, annonciateur aux yeux des plus ultra de ses soutiens, de grands reniements. "Un Gouvernement resserré pour une majorité rétrécie" comme l'a si justement dit un dirigeant écologiste. Curieuses mœurs politiques que celles de notre pays où, quand ils en ont marre de leur président, les électeurs votent contre leur maire pour finalement changer de premier ministre!

Alors, nos - pas vraiment - nouveaux (!) ministres déjà fatigués et encore déboussolés par une défaite historique de leur camp voient le peu de légitimité et de pouvoir qui leur restaient encore rognés par les conséquences de la déroute et les désillusions consécutives à la difficile formation du Gouvernement Valls.  Les technocrates qui dirigent réellement les administrations se disent qu'après tout les européennes et leur nouveau revers annoncé pour le parti du pouvoir ne sont pas loin, et qu'après les européennes... quelques mois gagnés pour les uns, quelques mois perdus pour la France.

On voudrait nous faire croire que tout change, pour que surtout rien ne change.


vendredi 28 mars 2014

Un rien compliqué...

Frankie Dutch a le blues... Cette semaine, rien ne marche comme il le voudrait. Rien!


Même l’étatique  visite de l'empereur de Cathay et ses mirifiques contrats annoncés n'auront suscité que courroux et colère chez nos concitoyens parisiens. En effet, encouragés sans doute par l'expérience de lutte - peu concluante au demeurant - contre la pollution de notre capitale atmosphère, les grands penseurs du pouvoir en place n'ont rien trouvé mieux que de reproduire cette semaine la farce de la circulation alternée : Places fermées, rues bloquées, stations de métro aux portes restées désespérément closes... Seuls les véhicules de la délégation officielle chinoise étaient autorisés à rouler dans Paris. On me dira que c'est un bien mince prix à payer en échange des promesses de contras engrangés, si l'on croit les gazetiers largement inspirés par quelques communicants du palais.

Dans "Les chinois à paris", Jean Yanne imaginait - il y a 40 ans! - qu'après nous avoir envahis, et réalisant que les Français étaient "les plus grands fumistes du monde", les autorités d'occupation prévoyaient de confier, dans le cadre de la planification socialiste de la production, à nos compatriotes la charge de fabriquer des tuyaux de poêle. De tuyaux, ni de poêle d'ailleurs, nous n'en fabriquons plus guère mais pour le reste...
 
Personne ne pouvait imaginer en 1974 que des tycoons venus de Shanghai ou de Canton auraient un jour l'idée saugrenue d'investir en France, ni sans doute que s'épanouiraient à chaque coin de rue de nos grandes villes, et pour la plus grande satisfaction des nostalgiques des maisons closes, des "salons de massage" chinois...(cela aurait sans doute aucun beaucoup plu à Yanne qui, étant par ailleurs l'auteur de l'hymne éternel "Ah rouvrez les maisons", avait imaginé, lui, que le pays sous administration chinoise se couvrait de joyeux bordeaux dont la fréquentation assidue finissait par rapidement épuiser l'envahisseur).

Ce ne sont pas les armées d'occupation brandissant le petit livre rouge qui sont aujourd'hui redoutées mais bien plutôt les investisseurs chinois, à qui on déroule le tapis rouge, qui sont encouragés.  Dès lors fallait-il bien un château d'Yquem et un Lafitte-Rotschild pour faire passer la pilule à certaines excellences de l'actuel Gouvernement et, un instant, leur permettre d'oublier - sans même parler du Tibet - le revers sans précédent attendu aux élections municipales, le casse-tête d'un remaniement ministériel désormais inéluctable et les tracas d'une courbe du chômage qui ne s'inverse toujours pas...  Drôle de République régicide qui offre au successeur de Mao, chef d'un État à la démocratie pour le moins centralisée, un traitement digne des fastes du Roi Soleil ! Sans doute est-cela la République "normale"?

Paraphrasant, de manière un peu surréaliste, le regretté Pierre Desproges, je conclurai mon billet du jour en affirmant, cher lecteur, que la philosophie politique de notre Président se résume souvent à essayer de ne pas vivre en contradiction avec les idées qu'il ne partage pas. C'est d'une chinoiserie un rien compliqué, mais tout ça est tellement normal...


jeudi 20 mars 2014

Nul n'en saura jamais rien

A la fin de la semaine dernière, pour la première fois de ma vie, j'ai ressenti physiquement les effets de la pollution. Pour la première fois j'ai eu du mal à trouver dans l'air qui m'entourait l'oxygène si nécessaire à ma vie. Pourtant, ami lecteur, je t'assure que la soupe chimique qu'il m'est arrivé de respirer à Cracovie du début des années 90 - lorsque les proches aciéries de Nowa Huta donnaient encore à plein rendement - n'avait rien à envier à la très sulfureuse atmosphère du Beijing d'aujourd'hui.

D'augustes pédagogues m'avaient autrefois enseigné que l'air que nous respirions était composé  d'azote, d'oxygène, de gaz rares (en infime quantité) mais aussi de dioxyde de carbone, de méthane et autre ozone. La semaine passée, j'avais tout bonnement le sentiment de remplir mes poumons de merde. Alors je sais, on va m'objecter que je suis un pollueur et, une fois de plus, le méchant mâle occidental devra faire son acte de contrition et s'excuser de vivre encore. J'ai déjà  ici écrit (cf. ma chronique du 13 janvier 2013) à quel point la conduite de ma voiture automobile était pour moi le gage  toujours pleinement assumé d'une liberté individuelle revendiquée. Lundi, pour lutter contre les effets de la pollution, nos illustres gouvernants n'ont rien trouver d'autre que de me demander de laisser mon véhicule au garage.

Ayant eu la malchance de tirer, au grand loto du répertoire des immatriculations, un numéro se terminant par le chiffre 2, pour moi ce jour là fut synonyme de "pair et manque". Alors comme tant d'autres de mes contemporains, j'ai laissé mon auto au garage et j'ai marché, au prix d'une activité physique qui m'était pourtant formellement déconseillée par la Faculté. Paradoxal paradoxe.

A l'image de trop nombreuses et malheureuses initiatives de cette majorité, même cette mesure prise dans l'urgence par un Gouvernement totalement désemparé l'aura été à contretemps. Cinéma et agitation médiatique à quelques jours du premier tour des municipales... Ce n'est pas une opération de diversion encore une fois tout entière tournée contre la liberté de beaucoup de nos concitoyens qui allait améliorer les choses. Le pic de pollution était, de l'avis même des experts, déjà derrière nous.

Pour assainir notre environnement, ce n'est pas d'un mauvais usage alterné dont la France aurait grand besoin, mais d'une bonne alternance. Un hebdomadaire a choisi de ne pas publier au début du mois un sondage plaçant, sans pour autant aller jusqu'à "souhaiter son retour", DSK en tête des personnalités politiques qui  "pourraient faire mieux que François Hollande " (sic!) pour diriger la France. Un spécialiste des parties de cul fines auraient-ils mieux été qualifié pour engager la lutte contre les particules fines ? Nul n'en saura jamais rien.