vendredi 2 février 2024

Rien ne l'interdit

"Tout est équilibre dans ce monde, au-dedans de nous-même comme au-dehors."
Pierre Loti*

Enième reportage catastrophiste sur la sécheresse qui frappe l'Espagne. Cette fois c'est la province de Catalogne qui en fournit le cadre. Une nouvelle opportunité, sur fond d'église surgie des eaux d'un lac asséché, pour nous resservir, avec une angoissante gourmandise, les prévisions apocalyptiques du Giec. Je zappe. Et là, sur telle autre chaîne info, pas mieux ! Sur fond de crise sociale agricole est évoqué avec mélancolie le "glorieux" passé, pas si lointain, d'une France alors encore largement rurale et agraire...

S'appuyant sur le concept de matérialisme historique, les Marxistes voulaient "Du passé, faire table rase!", les Punks, eux, dans une forme de nihilisme anarchiste poussé à l'extrême, hurlaient de façon prophétique, "No Future!". Et si, au-delà des idéologies et de leurs slogans, on pouvait faire le choix de vivre l'instant présent ?

Trop souvent, la nostalgie du passé nous rend mélancolique. Certains s'attardent sur les souvenirs, souvent embellis par le prisme du temps et des reconstructions inconscientes, au risque de se perdre dans les méandres d'une époque révolue et parfois fantasmée. Cette rétrospection constante peut devenir une ancre qui nous retient, nous empêchant d'avancer pleinement dans le présent.

D'un autre côté, il y a ceux d'entre nous qui, anxieux face à un futur incertain, tentent de décrypter l'avenir, de scruter les signes du temps à la recherche d'indices pour anticiper ce qui nous attend, au risque même de conjecturer - Nostradamus millénaristes des temps modernes - un possible effondrement global, une manière de chronique du futur, cette collapsologie à la mode chez certains. Cette quête de certitudes pour ce qui reste à venir, et, par essence, insaisissable peut engendrer une certaine solastalgie, cette forme de détresse liée à un sentiment de perte par anticipation causée par des changements extrapolés tout autant que craints. C'est particulièrement vrai dans le domaine environnemental. En cherchant à prévoir l'avenir, nous nous exposons à l'anxiété de l'inconnu, à la peur de ce qui reste largement imprévisible.

Alors plutôt que de s'enliser dans les sables mouvants du passé ou de se perdre dans les brumes de l'avenir, pourquoi ne pas simplement choisir de vivre pleinement, les deux pieds bien posés sur le sol, en conscience le moment présent ? Pas question bien sûr de nier l'importance du passé ou de négliger la nécessité de la prospective pour essayer, au mieux, de préparer l'avenir, mais plutôt de trouver un équilibre harmonieux entre ces temporalités.

Vivre dans le présent, c'est s'abandonner à l'instant, saisir chaque opportunité d'apprécier la vie dans sa plénitude. C'est être conscient de notre existence, ici et maintenant, au sein de l'univers, reconnaissant de l'extraordinaire simplicité d'être. C'est offrir un terrain fertile pour la croissance personnelle, la découverte de soi et des autres. C'est dans l'instant présent que se tissent les liens authentiques avec nos proches, que naissent les émotions qui seront à la source de souvenirs impérissables. En s'immergeant dans le moment présent, on peut découvrir des trésors insoupçonnés au cœur de l'ordinaire, transcendant la routine quotidienne.

Vivre dans le présent ne signifie pas ignorer les leçons du passé ni renoncer à préparer l'avenir. Au contraire, c'est intégrer ces dimensions temporelles dans notre expérience présente. Les erreurs du passé deviennent des opportunités d'apprentissage, les réussites des points d'appui, et, l'anticipation se fait avec sérénité, sans que l'anxiété d'un futur, par définition inconnu, ne paralyse nos actions.

En tenant, de façon équilibrée, à même distance nostalgie comme solastalgie, en choisissant de vivre consciemment dans le présent, nous pouvons goûter à la plénitude de l'existence. C'est un acte de résilience face aux tumultes de la vie, une affirmation de notre capacité à trouver la paix intérieure indépendamment des tourments nés de l'évocation du passé ou des inquiétudes de l'avenir. Alors, pourquoi ne pas simplement choisir de vivre et de s'abandonner à jouir pleinement du présent, ici et maintenant ?  C'est dans cette simplicité que réside peut-être la clé d'une certaine forme de sérénité. Tout est une question d'équilibre. On peut y croire. Rien ne l'interdit.

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