lundi 3 octobre 2016

Plus rien ne garantit de rien...

Croisé boulevard de Strasbourg la semaine dernière, un clochard qui pendant plusieurs années avait vécu sous le porche au bout de la rue où j'habitais alors, près de la porte Saint Martin. Je l'observais souvent, m'étonnant de voir ce type à la mise souvent recherchée, assis sur le trottoir, plongé dans la lecture d'un livre ou d'un journal, ses lunettes rondes au bout du nez... "The less I have, the more I am a happy man..." chantait Charly Winston dans like a hobo en 2009. Moins posséder pour être plus heureux? Pas si sur. Bien au-delà de la geste au caractère presque romantique décrite parfois dans certaines œuvres de fiction, je suis toujours très questionné par les causes qui peuvent conduire quelqu'un à dormir dans la rue.

A peine avais-je eu terminé le livre de Jim Tully - vagabonds de la vie - et ses souvenirs de Hobo qui a "brulé le dur" à l'époque de la grande dépression américaine, que je me suis procuré, pour poursuivre la route, le livre-reportage de Ted Conover, au fil du rail. J'ignorai qu'il put encore y avoir, dans les années 80, de ces sans-domicile itinérants qui ont tant marqué l'imaginaire américain d'avant la seconde guerre mondiale. Pourtant, c'est bien au cœur de l'Amérique des années 80 que Conover nous plonge. Loin, très loin de l'univers observé dans les moissons du ciel ou les périples de Natty Gann.

Jusqu'à une période récente, la jungle n'évoquait rien d'autre pour moi que des images de végétation verte et luxuriante, à la moiteur tropicale ou encore le règne urbain de la loi du plus fort. Et puis, il y a eu Calais et sa "jungle" de migrants. Je viens de découvrir que  ce terme empruntait en fait à la description qu'avait pour la première fois faite en 1877 le célèbre fondateur de l'agence de détectives privés éponyme  Pinkerton de la "jungle hobo". C'est à dire une société de laissés pour compte, de vagabonds, de compagnons de la route se réunissant pour manger, boire et dormir ensemble. Un camp, un refuge, en marge des villes et des voies de communication où l'on sait qu'on trouvera toujours une marmite sur le feu et un coin pour dormir et oublier un peu sa solitude.

Le SDF lecteur du Xème, les clochards du Paris insolite de Jean-Claude Clébert (cf. un autre post de décembre 2009) ou encore les modernes trimardeurs de Conover, qu'ont-ils donc en commun? Mis à part l'intérêt que l'évocation de ces clochards célestes (ou presque, thomas Vinau) a pu éveiller en moi? Et pourquoi cette curiosité pour la cloche, si ce n'est peut-être le souvenir associé de l'enfant qui aimait rendre visite dans la cabane sylvestre qui lui servait d'abri au père Julmier (figure évoquée dans un précédent billet), le vieux chemineau de Cély qui a, depuis belle lurette, gagné son aller simple pour rejoindre la majorité silencieuse au grand bal des planteurs d'hommes.

A la lecture d'un article paru s'appuyant sur une étude de l'INSEE, je découvre un incroyable tableau de la situation des sans-abris en France: 143 000 personnes étaient sans domicile en 2012, soit une croissance de plus de 50% sur une décennie. 14% d'entre-elles avaient suivi des études supérieures et 10% en étaient même sorties diplômées. 1 sans domicile fixe sur 10 serait donc diplômé de l'enseignement supérieur!... Conclusion laconique des statisticiens: "Le diplôme ne protège pas systématiquement de la précarité".

je croyais avoir remisé la cabane du cantonnier dans un lointain souvenir d'enfance, mais au fond, l'explication de mon intérêt pour ceux qu'on ne voit pas réside peut-être dans cette inquiétude fantasmée et lancinante de quinqua moderne qui est un marqueur de la dureté de temps qui ne supportent pas qu'on trébuche et d'une société où l’ascenseur social semble vraiment avoir du mal à redémarrer; le sentiment confus que plus rien ne garantit de rien...



mardi 12 juillet 2016

Rien... Plus une goutte.



Son bleu de chauffe, imprégné comme la paire de moustaches épaisses et délavées qu’il portait à la gauloise, de l’odeur du tabac gris qu’il roulait de ses doigts jaunis par la nicotine et marqué de tâches graisseuses et de traces de ce Gévéor qu’il buvait en quantité, s’ouvrait sur un tricot de peau en flanelle au blanc délavé, qu’il ne quittait jamais; fort d’odeurs aux origines corporelles indéfinissables… Les pieds, été comme hiver, chaussés de bottes de caoutchouc vertes, il ne retirait sa casquette de marinier en coton bleue que pour saluer le Maire, le Curé et ma grand-mère.

Il vivait, avec son chien, dans une ancienne cabane de forestier, dans les bois, à petite distance de la maison familiale, à mi-chemin entre la route de Fontainebleau et l’ancienne voie rurale du chemin de fer du Tramway Sud Seine-et-Marne qui reliait Chailly à Milly-la-forêt, ligne connue sous le nom de « tacot de Barbizon ».

A l’été 1938, après que la dernière locomotive automotrice Baert et Verney qui tractait les 3 voitures qui circulaient sur la ligne fut définitivement rentrée au dépôt, il participa au chantier de démontage des rails de la ligne et puis, désoeuvré, il resta là, entre la gare de Cely et l’arrêt fixe de Fleury en Bière.

Il devint cantonnier, au service de la mairie de Cely, avec la mission de bien soigner l'entretien des chaussées de son cantonnement. Puis, ce fut la guerre pendant laquelle il servit dans un régiment du train des équipages militaires, fut fait prisonnier et, après quatre années à travailler dans les champs du Palatinat, le retour dans le Gâtinais français. Il reprit alors son travail sur les routes et les chemins du coin et, au voisinage des romanichelles qui s’étaient sédentarisés à proximité de son refuge sylvestre, il apprit à agrémenter son modeste traitement du revenu des petits boulots de jardinage et des travaux domestiques que lui confiaient les briards et les parisiens du village. Je l’ai croisé au mitan des années 60. Il devait alors avoir une bonne soixantaine d’années et personne dans le village ne le connaissait autrement que sous le nom de « Père Julmier ». Pourtant, comme tout un chacun, il avait un prénom : Antoine. 

Je ne l’ai appris que bien des années plus tard… Il m’arrivait, enfant, de passer un peu de temps avec lui. Lorsque ses travaux de voirie l’amenaient à devoir travailler à proximité de la maison de la rue des Pâtis. Mais surtout quand, une fois l’an, l’alambic en cuivre du bouilleur de cru ambulant venait faire halte au bout de la rue. 
Il donnait alors, en échange de quelques litres, un coup de main à mon grand-père pour la mise en bouteille de cette formidable eau-de-vie tirée du jus fermenté des pommes du jardin dont malheureusement nous venons de boire jusqu’à la dernière bouteille et dont rien ne reste, plus une goutte. Que le souvenir ému d’un alcool fort, au goût puissant et à l’odeur reconnaissable entre toutes autres, qu'il m'arrivait, enfant, de pouvoir gouter sur un sucre que m'autorisait ma grand-mère, certains dimanches, après le café du déjeuner familial.

dimanche 21 juin 2015

Rien ne dit qu'ils seront plus jeunes... (Transhum' contre Biocons - 2)

Depuis la démocratisation du moteur à hydrogène et la découverte de la propulsion bio-sonique, se déplacer partout, en toute occasion, en tous sens est devenu le lot commun des transhumains. Pour rallier n'importe quel point du globe, un temps de trajet de deux heures - pas plus - est désormais la limite absolue acceptée pour la durée d'un vol terrestre.

Pour rajeunir, ou en tout cas vieillir moins vite, seule une poignée de très privilégiés a pu, depuis les années 50, bénéficier d'un vol interstellaire, au départ de l'astroport brésilien de Nova-Kourou, à bord de vaisseaux à propulsion de nouvelle génération - combinant les technologies les plus avancées en matière d'hydrogène comprimée et de maîtrise de la trajectoire inertielle - qui ont permis d'atteindre des vitesses proches de celles de la lumière et, par la même, d'apporter une réponse concrète aux hypothèses de travail théorisées au début du XXème siècle par Paul Langevin et connues sous le nom de paradoxe des jumeaux. Alors oui, quelques-uns sont même revenus plus jeunes qu'ils n'étaient partis. Douze ans plus tard, on commence à rencontrer des parents qui, après trois voyages dans l'espace-temps, sont revenus plus jeunes que leurs enfants.

Paradoxe des paradoxes, certains avatars de troisième ou quatrième génération pourraient aisément passer aux yeux de l'homme du début du siècle  pour les petits-enfants de leur progéniture. Rien ne va plus sur Terre. Toutes les références sont bouleversées. Père, fils et esprit, désormais maintenu éternellement vivant au cœur des neuro-réseaux de silicium d'une machine affranchie des lois naturelles des hommes, tout se confond.

Et pendant que certains vont toujours plus vite pour ralentir le cours du temps, la guerre civile planétaire menace de s'étendre aux colonies de la Lune et de Mars.

Pour échapper à la furie meurtrière des machines et des hommes, un audacieux groupe de techtrans', allié contre toute attente à une bande de biocons dissidents, a réussi à s'emparer d'un vaisseau intersidéral Pakistano-indien sur la base spatiale de Bangalore. Ceux-là ont choisi d'exporter la paix et de laisser loin derrière eux une planète devenue folle. Nul ne sait où ils sont partis et si même ils reviendront un jour et rien ne dit qu'ils seront plus jeunes alors...

lundi 8 juin 2015

Transhum' contre Biocons (un rien anticipé... ou pas ?)

Après avoir, il y a déjà longtemps, un peu tâté de l'uchronie, je te propose aujourd'hui, ami lecteur, un court billet d'anticipation (ou pas...).

Nous sommes le 2 mai 2062. Pourquoi cette date ? Parce que, si la grande faucheuse m'oublie un peu, je pourrais alors fêter mes 100 ans, entouré de ma femme, ma mère, mes enfants, leurs enfants, les enfants de leurs enfants et notre nombreuse descendance.

Au-delà du recours à la cryogénisation et à la biologie de synthèse ou de la démocratisation des bio-imprimantes 4D, les transplantations d'organes, les implants bioniques en tous genres, l'immunothérapie individualisée, le clonage reproductif et l'utérus artificiel sont devenus le quotidien de millions d'individus sacrifiant au culte de la modernité et à la recherche, à tout prix, de l'immortalité. En 2047, le dernier tabou est tombé. La 1ère transplantation complète cerveau-moelle a été réussie, grâce à l'utilisation d'un polyéthylène glycol modifié, par l'un des apôtres  de la techno-chirurgie au New Cedars-Sinai de Los Angeles. De la lutte contre le vieillissement et la réparation des dommages du corps, on est peu à peu passé à l'immortalité virtuelle rendue possible par les évolutions de l'Intelligence Artificielle, puis, refusant toute limite éthique et malgré les nombreux moratoires sur les travaux cyber-génétiques, les technoscientifiques ont dérivé vers la recherche prométhéenne de l'immortalité tout court.
 
Dans le même temps, ou presque, sont apparues sur le marché les toutes 1ères machines intelligentes dotées de conscience, entraînant une réaction en chaîne dans le développement de l'Intelligence Artificielle et une inexorable confluence, fruit de la mécanisation de l'homme et de l'humanisation des machines.

Désormais, une partie de l'Humanité (le mot a-t-il d'ailleurs encore un sens ?), une "élite" tenante du technopouvoir - celle qui a les moyens de le faire - a pris l'habitude de changer tout ou partie de son corps pour améliorer ses performances, comme on change les pièces d'une machine. De l'autre, plusieurs milliards d'individus se revendiquent de la défense d'un humanisme disparu, refusent l'administration numérique du monde et s’abandonnent aux chimères de la décroissance. Ceux-là n'acceptent pas de sacrifier le souverainisme de l'Humanité à une forme de culte de la gouvernance algorithmique.

Ce qui a réellement mis le feu aux poudres, c'est l'apparition des techno-transgenres (les techtrans'), hybrides mi-machines/mi-humains marquant l'ultime étape de la cyborgisation et l'accomplissement du rêve démiurgique des tenants des techno-sciences; sans qu'on ne sache plus très bien si les hommes sont devenus machines ou vice-versa. Avec la peur ancestrale du mythe de Frankenstein et la crainte de voir les machines prendre la place des hommes, on a vu au mitan des années 50, s'organiser, comme en écho aux pogroms du début du vingtième siècle, de véritables chasses aux techtrans'.

La guerre civile fait désormais rage entre les milices transhumanistes qui, se revendiquant d'un progrès scientifique tout puissant, soutiennent l'émergence d'un monde totalement contrôlé par les technologies et des combattants alter' bioconservateurs, alliés aux néo-religieux, qui s’y opposent.

30 ans après que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme Augmenté a été adoptée, l'ONU, le G7, le G20, l'Union Européenne (...) ne sont plus que de vagues souvenirs. Le mouvement centrifuge initié, en Europe, au début du siècle par la Grèce avec le succès qu'on connait du slogan "UExit!", la sortie de la Chine et du Brésil du FMI en 2028 et l'implosion du Conseil de sécurité en 2035, ont entraîné une cascade de démantèlements en tous genres. A l'image de l'échec de la Société des Nations qui n'était parvenue à empêcher ni la guerre civile espagnole, ni la montée du nazisme, l'utopie de l'organisation d'une  sécurité collective a vécu et le monde, morcelé comme jamais, est à présent à feu et à sang. Le cocktail détonnant des nanotechnologies et d'un individualisme narcissique a fait explosé les référents sociaux traditionnels. Il n'y a plus, à proprement parlé, d'ordre mondial, plus d’organisations inter-étatiques. Seule subsiste la forme de dialogue la plus archaïque et la mieux partagée: la voix des armes...

mercredi 20 mai 2015

Rien sans regret...


Livre du moment : Les Œuvres littéraires de Jean-Bertrand Pontalis, éditées par Gallimard dans la collection Quarto.

Surprise à la lecture de l'écriture limpide, exacte, simple et assez unique de ce philosophe, grand lecteur, psychanalyste et écrivain (tardif),  d'y trouver l'écho de certaines réflexions si personnelles. La force, irrésistible, du Verbe. Le langage comme une expression des émotions, au-delà du cours du temps dont nous avons l'illusion qu'il passe... Et cette obsession - hantise, angoisse ? - de la perte et de la disparition, souvent annonciatrice d'une forme de regret, pour ne pas dire, de nostalgie (celle d'un inachèvement ?)

Le regret est parfois défini comme l'émotion qui subsiste à l'objet perdu, le déplaisir d'avoir perdu quelque chose ou la déception de ne pas avoir obtenu une autre. Celle qui, d'une manière ou d'une autre, légitimera le désir qui viendra. Désir d'ailleurs, d'autre, d'autrement (de l'autre qui ment ?). Ou, mieux exprimé par J.B. Pontalis: "Chaque fois qu'on se sépare - d'un lieu, d'une femme, d'un livre après sa publication -, on se sépare de soi même, du même en soi. A notre insu pointe le désir de passer à autre chose"1. Dès lors, le regret porte en lui le désir qui vient et qui sera le moteur des changements. Même, il le rend plus grand. Regret/Désir, Nostalgie/Espoir... Désirer ce qu'on a pas, regretter ce qu'on a plus. Être nostalgique du passé, espérer en l'avenir. Si, comme l'a écrit Marcel Jouhandeau dans son algèbre des valeurs morales, “l'instant n'a de place qu'étroite entre l'espoir et le regret et c'est la place de la vie", notre existence se résumerait-elle à ce dilemme ?

Le regret c'est aussi le chagrin causé par l'absence de celui qui a disparu. Comme l'a si bien écrit Guillaume Apollinaire: "Les hommes ne se séparent de rien sans regret..."2 . Il est vrai qu'en se séparant de quelque chose ou de quelqu'un, on obère une part de soi. Certains vont jusqu'à dire qu'on laisse en arrière le même en soi. L'émotion du regret, cette peine laissée par l'absence n'est que l'expression du souvenir de ce qui restera, de cette part laissée derrière nous.

Le regret, c'est enfin tout autant le déplaisir du souvenir de ce qu'on a fait, pas fait ou omis de faire, cela peut être la répugnance même à faire; à être contraint de faire quelque chose, à regret. C'est, dans le langage commun, faire à reculons, à contre cœur; sans désir de faire (à rebours, pour faire reculer le temps ?). On peut même, dès lors, imaginer avoir des regrets d'avoir fait à regret ?

A l'issue de cette lecture, une question me vient qui pourrait rester sans réponse: comment concilier l'apparent paradoxe du regret d'un âge d'or, d'une jeunesse idéale, du passé révolu, si bien exprimé dans Avant3, et le hors-temps de l'Inconscient - cette ignorance du temps décrite par Freud -, ce Temps sans âge, celui du rêve; sans début, ni fin; sans avant, ni après; sans passé, ni futur; ce Temps qui ne passerait pas ? Et s'il suffisait, pour répondre, de se souvenir que l'avant exprime tout aussi bien le passé que l'avenir comme on dit "aller de l'avant"; quitte à prendre le risque de "la fuite en avant"...


1 - J.B. Pontalis, Fenêtre.
2 - Guillaume Apollinaire, Le flâneur des deux rives.
3 - J.B. Pontalis, Avant.

mercredi 1 avril 2015

Malheureusement rien d'un poisson d'avril

A force de prendre des coups en vache et d'être le jouet de tours de cochon de la part de ses propres "amis", il n'était pas loin de tourner chèvre ! Mais c'était fini. Ah, ils ne voulaient pas voter ! Soit ! Ils allaient voir... Remaniement ? Ça ne casse pas trois pattes à un canard (et puis, il fallait bien garder quelques cartouches pour la suite des départementales qui s'annonçaient si délicates...). Dissolution ? Il sait très bien qu'une majorité, par les temps qui courent, ça ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Faut quand même pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages!

Parce qu'il en avait assez d'éprouver le sentiment d'avoir donné de la confiture à des cochons - au risque de passer pour celui qui agit comme un éléphant (du PS...) dans un magasin de porcelaine - pour éviter le mariage de la carpe (frondeuse) et du lapin (qui s'oppose), il leur a fait le coup du 49.3. Dès lors, fallait les voir, les "frondeurs", les écolos et tous les hypocrites de sénestre serrés comme des sardines sur les bancs de l’Hémicycle, pour comprendre qu'ils allaient voter comme un seul homme. Au fond, ils s'accordent tous pour penser qu'un tien vaut mieux que deux, tu l'auras et qu'il vaut bien mieux tenir (son mandat) que courir (l'électeur perdu)... 

Et puis vint le 29 mars...

Historique, triomphale, monumentale... les adjectifs employés par les échotiers pour qualifier la nouvelle défaite de la majorité aux élections départementales ne manquent pas.

Pourtant, avec l'air tellement grave qu'on lui connaît, depuis dimanche soir, le Premier ministre, engagé dans une forme étonnante de fuite en avant, va partout expliquant que - bien que lourdement défait dans son propre fief essonnien - il ne changera rien à sa politique et qu'il poursuivra sur la même ligne puisque "les Français veulent qu'(il) reste à son poste" (sic!). Même si les analystes et autres experts de tous poils s'accordent pour souligner que le vote populaire s'est encore plus largement déporté sur tribord, il ne modifiera pas le cap. "Salauds de pauvres"[1] aurait pu écrire Marcel Aymé. 



Et le Président dans tout ça... Je suis certain, ami lecteur, que toi-aussi tu t'es posé la question : où donc est passé le locataire de l’Élysée ? Plus affecté qu'on ne le pense par la perte de sa chère Corrèze, notre républicain souverain serait-il frappé du syndrome de l'autruche ?

A Tunis, le Président Essebsi a bien cru apercevoir le fantôme d'un autre François (Mitterrand). Depuis Berlin, Hollande s'est contenté de déclarer, abusant de la métaphore maritime : "Le cap a été fixé et il sera tenu". Mais sur la scène politique nationale, plus de son, plus d'image en provenance de la rue du Faubourg Saint Honoré. 

En ce 1er avril, à part un pauvre plan de com' de spin doctors à la mise en scène éculée, rien. A l'issue du Conseil des ministres, aucune déclaration. Les ministres muets, à la mine triste, font bloc comme les moutons de Panurge autour du 1er d'entre-eux dans la Cour d'honneur de l’Élysée et puis s'en retournent, toutes sirènes hurlantes, vers leurs cabinets respectifs. Aucune éminence qui nous gouverne ne semble se soucier que les français puissent, une fois encore, penser qu'ils sont les dindons de la farce électorale ? Circulez, y' a rien à voir... 

Alors on me dira que c'est un vieux renard le Frankie Dutch. Retiré en son château, chacun s'attend à ce qu'il nous prépare un chien de sa chienne. Mais si, au fond, il avait épuisé ses cartouches et si, comme une poule devant un couteau, il ne savait tout simplement plus comment faire ?

Non, vraiment, à part l'anniversaire de la naissance de Marcel Aymé, il ne s'est rien passé le 29 mars! 

1-"Salauds de pauvres!" Réplique culte de Gabin/Grandgil dans une scène d'anthologie du film la Traversée de Paris, tiré d'une nouvelle de Marcel Aymé.