Lorsque le monde semble s’effondrer autour de nous, qu’on traverse une période difficile, marquée par le stress, l’anxiété, le burn-out ou encore la dépression, et que chaque fibre de notre être crie son malaise, les normes sociales nous encouragent à feindre le bonheur et nous nous découvrons un talent inné pour le théâtre, les masques et la comédie. Car, dans notre société emprunte de psychologie positive, dire qu'on va mal, ça n'est pas bien. Il est alors fascinant de constater à quel point nombreux sont ceux qui, en proie à la douleur et au désespoir, excellent dans l’art de la dissimulation. La "positive attitude" et son injonction au bonheur, exacerbée par une certaine littérature du développement personnel et de trop nombreux influenceurs qui sévissent sur les réseaux sociaux, nous poussent toujours davantage à n'afficher que la meilleure version de nous-même.
"On ne peut rien dire de rien"
Cioran
Cioran
vendredi 26 juillet 2024
Quand rien ne va
Avouons le, il y a quelque chose de profondément rassurant pour l'autre dans le fait de lui faire accroire que tout va bien et ce phénomène n’est pas nouveau. Dans l’Antiquité, les philosophes stoïciens prônaient déjà une certaine impassibilité face aux vicissitudes de l’existence. Cependant, ce que nous observons aujourd’hui va au-delà du stoïcisme ; c’est une véritable performance qu'on attend de chacun, une attitude où l'on ne doit laisser entrevoir aucune faille. Mais si faire semblant que tout va bien est une forme de résistance, un moyen de défense qui permet de défier l’adversité avec élégance et dignité, que c'est aussi un moyen de ne pas alarmer notre entourage, de ne pas troubler l’harmonie sociale par l'expression de nos tourments intérieurs, c'est aussi, à moyen terme, la plus sure voie vers l'inévitable, car sourire pour maintenir une façade, c’est se tromper soi-même et faire semblant d'aller bien peut s'avérer dangereux pour notre santé mentale. Ce comportement peut conduire, en nous mentant à nous même, à mettre sous cloche nos vraies émotions. Sourire pour maintenir une « masque » ne fait que retarder des conséquences néfastes pour notre équilibre psychologique. Ainsi, cette comédie de façade a ses limites. Elle est une double lame : d’un côté, elle nous protège, et de l’autre, elle peut nous isoler. Car faire semblant peut parfois nous enfermer dans un mensonge solitaire, où, pensant à tort que tout va bien et que nous naviguons sans encombre dans les affres de l'existence, personne ne vient offrir une main secourable.
Paradoxalement, si on peut jouer le bonheur, on ne fait jamais semblant d’aller mal. Pourquoi ? Parce que la douleur authentique, la véritable souffrance, ne se joue pas. Elle est brute, viscérale, indomptable. Quand nous sommes réellement au plus bas, notre corps et notre esprit trahissent cette réalité sans que nous puissions y opposer de masque. Les pleurs, la fatigue, les regards éteints sont autant de révélateurs impitoyables de notre état d'âme.
En fin de compte, la question se pose : pourquoi ce besoin de comédie ? Peut-être est-ce une preuve de notre optimisme indomptable. Peut-être croyons nous, même inconsciemment, que faire semblant que tout va bien finira par rendre cette illusion réelle, qu'arborer un sourire suffira à nous rendre heureux. Rien n'est plus faux.
Alors, la prochaine fois que vous apercevez ce sourire brillant sur un visage ami, souvenez vous que derrière chaque éclat de rire peut se cacher un soupir étouffé.
Quand rien ne va, on ne fait jamais semblant d'aller mal, en revanche on peut faire semblant que tout va bien !
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